NUDE IN THE SUN NU AU SOLEIL 92 Il existe dans les espaces où il n’est pas encore légitime, notamment dans les lieux publics. Là, les corps s’y montrent d’une façon plus « brute », ce qui permet aussi de souligner leur fragilité. Le corps devient alors souvent vecteur de revendications individuelles ou collectives. Oui, on se dévêt pour faire passer un message. Ce peut être pour affirmer une puissance, comme les guerriers celtes, samnites ou doriens qui, en exposant leur épiderme, affirmaient ainsi leur invulnérabilité. À l’inverse, on peut aussi retirer une puissance de la vulnérabilité même de sa nudité, en faisant d’une faiblesse une force. La nudité en public a souvent exprimé une contestation politique, une dissidence par rapport à l’ordre et aux conventions sociales établies. Dans ce dernier cas, le nu s’est parfois chargé de connotations mystiques, aussi bien dans les cultures monothéistes que dans le monde païen (indien, africain, amérindien…). On refuse les lois dictées par l’homme pour se référer à un degré supérieur de pureté dans une communion avec le surnaturel. Cette dimension n’est pas absente de certaines manifestations récentes, notamment pour des causes environnementales. Le pendant négatif de la nudité « affirmation » est effectivement la nudité « humiliation ». C’est la négation de la puissance de l’autre. On prive l’esclave ou le prisonnier des vêtements qui le rattachent à une culture donnée et à travers lesquels il a construit son identité. On nie son droit à disposer de l’image de son corps, et aussi de l’intégrité de son épiderme. Sur tous les marchés aux esclaves, tout le monde avait le droit de toucher leur corps, ce qui est une forme de destruction symbolique d’autrui, et souvent le prélude à des tortures encore plus violentes. Cet usage de la nudité est une constante dans l’histoire humaine, et ce jusqu’à nos jours et sous toutes les latitudes. Nous l’avons vu, nous vivons dans la société où le nu a conquis le plus d’espace. Mais ces conquêtes posent de nombreux problèmes. D’un côté, certains – comme ceux qui revendiquent un droit à être nus partout – voudraient encore les étendre. De l’autre, une sensibilité à la cause féministe, mais aussi à la protection de l’enfance, s’y oppose. D’autres facteurs jouent en la défaveur de la diffusion de la nudité dans l’espace public, comme certains retours de convictions religieuses rigoristes, de même que l’éthique de personnes issues de cultures, du monde arabe, d’Inde ou d’Extrême-Orient par exemple, et qui n’ont pas valorisé la nudité comme l’a fait l’Europe occidentale. En l’absence de consensus, le « besoin de nudité » trouve donc à s’exprimer davantage dans l’espace privé. On est de plus en plus nu chez soi ou dans des vidéos diffusées sur Internet. La dématérialisation dans l’espace virtuel est peut-être l’avenir du nu… * Éditions du Cygne juillet-août 2010 www.cotemagazine.com Yes, you take your clothes off to communicate a message. It may be to affirmpower, like ancient warriors exposing their skin to state their invulnerability. Conversely, power can also be derived from the very vulnerability of nakedness, turning a weaknessinto strength. Public nudity has often been an expression of political protest or rebellion against the established order and social conventions. In the latter case, nakedness sometimes takes on mystical connotations : you refuse man's law by referring to a higher degree of purity. This dimension has been perceived in certain recent protests, notably involving environmental causes. The counterpart of affirmative nakednessis indeed humiliating nakedness, negation of the other's power. Slaves and prisoners are deprived of the clothes linking them with their culture and therefore their identity. They are denied the right to control their body image and protect their skin. In all slave markets anyone could touch the slaves'bodies, a formof symbolic destruction and often a prelude to more violent abuse. This use of nakedness runs throughout human history right down to the present day, and all over the world. We've seen that our society is the one in which nudity has claimedthe most ground, but this poses many problems. Some people – those who claim the right to be naked everywhere, for example – would like it to be even more widespread. But awareness of the feminist cause and the need to protect children oppose that, as do strict religious convictions and the ethics of people from other cultures – Arab world, India, Far East – that haven't valorised nudity as Western Europe has. This lack of consensus means the'need for nakedness'is essentially satisfied in private. People are increasingly naked at home, and in videos theyupload onto internet. Perhaps dematerialisation in virtual space is the future of nudity. *Published by Editions du Cygne |