ART URBAN 126 ÔTE URBAN C ART Par Hélène Jourdan-Gassin Chaise longue en forme de pirogue, en bois laqué et arraché, réalisée entre 1920 et 1922 par l’artiste Eileen Gray (portrait ci-dessus). Eileen Gray, une figure de la modernité Eileen Gray, spearhead of modernity JUSQU’AU 28 JUIN 2009, HÔTEL D’ADHÉMAR DE LANTAGNAC, 24 RUE SAINT-MICHEL, MENTON Cette jeune Irlandaise de bonne famille, née en 1878, va devenir et reste aujourd’hui un emblème incontesté du design du XX e siècle dans tous les domaines, architecture, décoration, mobilier… Une évidence que le service du Patrimoine de la Ville de Menton s’est attaché à démontrer par une exposition discursive sur la vie et l’œuvre d’Eileen Gray, présentées par panneaux qui relatent principalement ses réalisations architecturales dans le Mentonnais. Fille de peintre, elle fréquente les écoles d’art, mais leur préfère les musées, notamment le Victoria and Albert Museum qui lui fait découvrir la beauté de la laque. Elle rencontre Sougarawa, qui l’initie à cet art où elle va exceller. En 1913, elle expose au Salon des artistes décorateurs et rencontre Jacques Doucet, le célèbre couturier, qui lui achète ses plus belles pièces : le paravent Destin, la table Lotus, etc. En 1919, elle se lance dans la décoration d’appartements ; ouvre la galerie Jean Désert, participe à des expositions, mais, bientôt, sa décision d’aborder l’architecture modifie sa conception du mobilier. Elle rencontre Jean Badovici, de Le Corbusier, d’Ozenfant, de Fernand Léger et rédacteur en chef de la revue L‘Architecture vivante, avec lequel elle va vivre. Ils choisissent de venir dans le Midi où elle achète un terrain à Roquebrune. Elle réalise ce qui sera sa fameuse maison E 1027 (un jeu sur leurs deux noms). Eileen acquiert en 1926 une autre terre, route de Castellar, où elle construira Tempe à païa, une maison à niveau unique où le mobilier est entièrement intégré à l’architecture. Il manque à cette exposition des objets, des meubles de cette grande artiste, mais lorsqu’on sait que son Fauteuil aux dragons a été adjugé 22 M € lors de la vente de la Collection Yves Saint Laurent/Pierre Bergé, on comprend leur absence ! -/This Irishwoman born into a good family in 1878 was to become, and remain today, an undisputed icon in many fields of 20th-century design : architecture, interior decoration, furnishings and the like. This status is what Menton's heritage department has set out to demonstrate in a discursive exhibition on Eileen Gray's life and work, taking the formof panels chronicling mainly her architectural achievements in and around Menton. A painter's daughter, Eileen Gray attended art schools but preferred museums, especially London's Victoria and Albert Museum where she discovered the beauty of lacquer. She made the acquaintance of Sougarawa, who initiated her into this art in which she would excel. In 1913 she exhibited at the artistic decorators'salon and met famous couturier Jacques Doucet who bought her loveliest pieces including the Destiny screen and Lotus table. In 1919 she began decorating apartments then opened the Jean Désert gallery and participated in exhibitions but soon decided to tackle architecture, which changed her conception of furnishings. She met Jean Badovici, editor of L‘Architecture vivante magazine and a friend of Le Corbusier, Ozenfant and Fernand Léger, who became her life partner. They chose to live here in the south where she bought a plot of land in Roquebrune and designed and built her E 1027 house that became famous. In 1926 she built Tempe à Païa, a one-storey house in which the furnishings were totally integrated into the architecture. juin 2009 www.cotemagazine.com AZUR les rendez-vous du mois/what to do this month Unfortunately this exhibition lacks any objects and furniture by the great artist, which is understandable when one learns that her Dragon armchair sold for € 22 million at the auction of the Yves Saint Laurent/Pierre Bergé collection ! « Sans titre » (Descendu des hauteurs où règne la lumière) 2008. Matériaux divers, dont bois, polystyrène, résine, sacs plastiques. Le Nevi del Kilimandjaro, Karim Ghelloussi Le Nevi del Kilimandjaro, Karim Ghelloussi DU 20 JUIN AU 1 ER AOÛT 2009, GALERIE CATHERINE ISSERT, 2 ROUTE DES SERRES, SAINT-PAUL-DE-VENCE - TÉL. 04 93 32 96 92 Karim Ghelloussi entretient un lien constant avec la littérature. En témoigne aujourd’hui le titre de son exposition, qui fait référence à Ernest Hemingway et à la nouvelle Les Neiges du Kilimandjaro, mais ce n’est pas tout. Il y a chez Karim le goût du verbe, qu’il parle de son œuvre ou qu’il écrive sur ses amis artistes, de la poésie des mots, sans pourtant qu’ils se substituent ou estampillent trop ouvertement le rendu de son geste. En réalité, cette poésie qui se dégage de l’œuvre tient au côté hasardeux des rencontres que Ghelloussi provoque entre les concepts comme entre les matériaux qui composent ses pièces, mais aussi à un autre facteur qui est de l’ordre, à mon avis, d’une certaine maladresse du rendu, donnant à ses sculptures cet inattendu, ce difficilement reconnaissable, ce décalé qui s’apparente au rêve plus qu’à une réalité familière au regardeur. L’exposition, qui est sa deuxième personnelle à la galerie Catherine Issert, met en premier lieu en correspondance deux sculptures, l’une figurant un cygne juché sur un tas de sacs poubelles et l’autre évoquant une architecture orientaliste. Bien que de construction et de matériaux différents, elles nous livrent une image poétique qui est de l’ordre de la nature, du paysage, où l’exotisme se mélange à la banalité la plus triviale. Ces pièces s’articulent à une vidéo et à une série de dessins à l’encre, sur des lithographies anciennes représentant des oiseaux, qui déclinent un même motif, mais avec chaque fois un jeu de variantes formelles… -/Karim Ghelloussi maintains an ongoing relationship with literature, as demonstrated by the title of his present exhibition, which makes reference to Ernest Hemingway's short story The Snows of Kilimanjaro. But that's not all, for whether Ghelloussi is talking about his work or writing about his artist friends, his taste for words and their poetry is evident, although these do not substitute for or too openly influence the end results of his creative process. In fact the poetryemanating from Ghelloussi's work has a lot to do with the chance aspect of encounters he provokes between concepts and between the materials he uses in his pieces, but also with another factor that in my opinion is a kind of awkwardness of depiction giving his sculptures an unexpected, difficult to recognise, offbeat aspect closer to dream worlds than to any reality familiar to the onlooker. This exhibition essentially creates a dialogue between two sculptures, one depicting a swan perched on a heap of rubbish bags, the other evoking orientalist architecture. Although of different materials and constructions, they create a poetic image having to do with nature and landscape, in which exoticism mixes with the most trivial banality. These pieces are accompanied by a video and a series of drawings in ink on old prints of birds, all depicting the same subject but each time with formal variations. |