CULTURE ESSENTIELS 42 Monory, l’art de raconter des histoires ARCHIVES FONDATION MAEGHT, PHOTO ROLAND MICHAUD Par Hélène Jourdan-Gassin Jacques Monory devant « ses » Tigres le jour du vernissage, le 3 avril dernier. A droite : L’huile sur toile « Tigre n°5 » a rejoint la collection de la Fondation Maeght. Le temps ne passe ni sur l’œuvre, toujours aussi percutante, ni sur l’homme qui, avec son chapeau et ses lunettes noires, semble sorti du tout dernier polar à la mode. Pourquoi Tigre ? « Parce que c’est la beauté, la sensualité, la vie et puis paf ! Un coup de patte et vous êtes mort ! ». Par cette petite phrase Monory résume avec humour sa fascination pour ce fauve, symbole de la vie magnifique et mortelle. D’ailleurs on meurt souvent dans les toiles de Monory, ou plutôt on se sent continuellement en danger à cause de tout cet attirail : revolvers, couteaux à cran d’arrêt, femmes fatales… Mais en même temps c’est comme le cinéma que Monory aime passionnément ; on n’y croit pas vraiment, on attend que la victime se relève, que le crime ne soit qu’un faux reflet dans un miroir… « Ce n’est qu’un rêve à l’intérieur d’un rêve », dit Monory citant Edgar Poe ! Artiste notoire de la Figuration narrative, Jacques Monory aime raconter des histoires : « Narratif comme ils m’ont tamponné », dit-il avec une douceur corrosive qui rend sa modestie si attachante. Tigre rassemble aujourd’hui cinq tableaux dans la grande salle de la Fondation Maeght. Ces cinq œuvres, dont quatre de format panoramique, se placent sur les trois murs comme dans une conversation. Toutes portent la figure du tigre que Monory juxtapose à d’autres images sur la même toile, mai 2009 www.cotemagazine.com comme on le fait habituellement avec les collages. Dans Tigre n°1, une femme aux cheveux d’or comme le pelage des tigres qui lui sont accolés se promène avec son chien dans une campagne très verdoyante alors qu’à côté, une image montre Jacques Monory debout sur une estrade devant un écran de cinéma sur lequel est projeté un film américain. Les trois longues huiles sur toile de 150 x 420 cm, accrochées linéairement, racontent d’autres histoires… La dernière œuvre, Tigre n°5, est sans doute la plus énigmatique. Elle se compose d’une toile où Monory a peint sur un fond noir griffé de bleu un rectangle rose grillagé qui retient une tête de mort alors qu’on repère au bas du tableau l’étrange mise en scène d’un corps écrasé. A cette œuvre antérieure Monory a joint le portrait magnifique et tout récent d’un tigre qui feule sauvagement. Le petit tigre en peluche enfermé dans son cube de verre entre les deux bancs de la salle vous interroge ? Mieux vaut ne pas chercher et laisser à Monory l’art de raconter d’étranges histoires. Jusqu’au 14 juin, Fondation Maeght, Saint-Paul. Ouvert tous les jours, de 10 h à 18h. Tél. 04 93 32 81 63. www.fondation-maeght.com Tigre célèbre le retour magistral de Jacques Monory à la Fondation Maeght après qu’il y a exposé les « Opéras glacés » en 1977. Monory, the art of storytelling Tiger celebrates Jacques Monory's magisterial return to Fondation Maeght, where in 1977 he exhibited Frozen Operas. Time marks neither his work, as incisive as ever, nor the man himself, who with his hat and dark glasses seems to have stepped out of the latest crime fiction novel. Why Tiger ? "Because it's beauty, sensuality, life and then Wham ! – a swipe of a paw and you're dead ! " In this short sentence Monory amusingly sumsup his fascination for the big cat, a magnificent and deadly symbol of life. Indeed, Monory's paintings often make you think of dying, or rather make you feel permanently in danger because of the array of revolvers, flick knives, femmes fatales etc. But at the same time it's like the cinema Monory is passionately fond of : you don't really believeit, you expect the victim to getup, the crime to be only a fake reflection in a mirror. "It's only a dream within a dream," says Monory, quoting Edgar Allen Poe. Jacques Monory is a well-known Narrative Figuration artist and he likes telling stories : "Narrative as they've stamped me," he says with the caustic gentleness that makes his modesty so endearing. Tiger comprises five paintings, four of them panoramic, in Fondation Maeght's big gallery, hung on three of the walls as if in conversation. All feature the tiger, which Monory juxtaposes alongside other images on the same canvas, as is usual in collages. In Tiger n°1, a woman with hair as golden as the coats of the tigers beside her walks her dog in very green countryside, while alongside we see Jacques Monory standing on a platformin front of a movie screen on which is projected an American film. The three long (150cm x 420cm) oil on canvas paintings hung in a row tell other stories... The last work, Tiger n°5, is unquestionably the most enigmatic ; on the canvas Monory has painted a black ground streaked with blue then on top a pink wire rectangle enclosing a skull, while at the bottom of the picture we see a strange scene of a crushed body. To this, a previous work, Monory has now added a magnificent, very recent, portrait of a tiger growling savagely. You wonder about the cuddly little toy tiger shut in its glass cube between the room's two benches ? Best not to ask too many questions but to leave the art of telling strange stories to Monory. ADAGP PARIS 2009 |