IMMO BILIER 130 Le sort fiscal des résidents étrangers de Monaco disposant d’une résidence secondaire en France (suite) Dans une précédente étude parue dans le n°131 de septembre 2004 de cette revue, nous avions soutenu que la différence de traitement que l’article 164 C du CGI réserve aux résidents de Monaco disposant d’une habitation en France, selon leur nationalité, ne nous paraissait pas compatible avec les principes communautaires. La Cour administrative de Marseille a retenu que cette discrimination est incompatible avec le principe de libre circulation des capitaux pour les ressortissants de la Communauté européenne. Cependant, si le Conseil d’État sanctionne partiellement cette discrimination en fonction de la rédaction des conventions bilatérales (I) et si le principe de libre circulation des capitaux peut être invoqué par les ressortissants de la Communauté Européenne (II) des discriminations selon la nationalité subsistent encore (III). I-La sanction partielle du Conseil d’État, fondée sur la clause de non discrimination des conventions bilatérales. Dans son arrêt du 11 juin 2003 (n°221075 min. c/Biso : RJF 8-9/03 n°1018), le Conseil d’État a jugé que l’administration française, en imposant un ressortissant britannique ou un ressortissant italien résidant à Monaco sur un revenu forfaitaire égal à trois fois la valeur locative réelle de ses habitations en France (CGI art. 164 C), l’impose différemment d’un ressortissant français résidant à Monaco qui n’aurait pas été soumis à la même imposition compte tenu des stipulations du paragraphe 1 de l’article 7 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963. Cette différence d’imposition, qui ne résulte que d’une différence de nationalité, viole la clause de non-discrimination figurant à l’article 25 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 ou à l’article 25 de la convention franco-italienne du 5 octobre 1989. Cependant, le Conseil d’État, suivant les conclusions de son commissaire du Gouvernement Laurent Vallée (BDCF 8-9/03 n°115) qui lui-même reprenait celles de G. Bachelier (RJF 2/97 p.74 ; CE 30 décembre 1996, Benmiloud : RJF 23/97 n°158), a opéré un classement des conventions internationales en cinq catégories : 1/Les conventions qui ne contiennent pas de clauses de non-discrimination. 2/Les conventions qui subordonnent le bénéfice de la clause de non-discrimination à une condition de résidence. 3/Les conventions qui prévoient que la clause de novembre 2008 www.cotemagazine.com non-discrimination s’applique aux personnes qu’elles soient ou non résidentes d’un des États contractants. 4/Les conventions qui ne limitent pas leur champ d’application aux résidents de l’un ou des deux États contractants et qui contiennent une clause de nondiscrimination qui ne se réfère qu’à la nationalité. 5/Certaines conventions limitent leur champ d’application aux seuls résidents et la clause de non-discrimination ne pose qu’un critère de nationalité. Il a donc jugé, que seul un ressortissant d’un État, dont la convention fiscale bilatérale ne limite pas son champ d’application aux seuls résidents peut invoquer la clause de non discrimination, pour faire échec à l’application de l’article 164 C du CGI. Mais de plus, tirant les conséquences du principe de l’imposition par foyer, le Conseil d’État considère que lorsque l’un des membres du foyer fiscal entre dans le champ d’application de l’article 164 C du CGI et dispose d’une ou de plusieurs habitations en France, l’imposition est légalement établie au nom du foyer sur le fondement de l’article 164 C même si l’autre membre du foyer fiscal peut invoquer à l’encontre de l’application de cet article la violation de la clause de non-discrimination contenue dans la convention fiscale conclue par la France avec l’État dont il a la nationalité. Il résulte donc de cette jurisprudence qu’un résident étranger de Monaco pourra être assujetti par la France à un impôt sur le revenu calculé sur la valeur locative de sa résidence secondaire en fonction de sa nationalité selon que la convention bilatérale qui lie son pays et la France vise ou non sa résidence. Et encore convient-il, pour un couple binational, qu’il remplisse cette condition pour les deux conventions. II-La sanction du droit communautaire pour les seuls ressortissants communautaires Si la position du Conseil d’État peut être justifiée dans le cadre conventionnel bilatéral où elle est intervenue, M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement, avait pris soin de préciser dans ses conclusions que « les époux Biso n’ont pas invoqué le droit communautaire ». Maître Pierre-Jean Ciaudo. Car, comme l’a rappelé M. Laurent Olléon : « La convention fiscale, qui répartit le droit d’imposer, fonctionne comme un feu de signalisation. Lorsqu’il est rouge, la convention fait obstacle à ce que l’État taxe la matière litigieuse sur le fondement de sa législation fiscale. Lorsqu’il est vert, rien dans la convention ne s’oppose à ce qu’il le fasse. Mais un feu vert ne dispense pas de respecter les autres règles de conduite, en particulier le droit communautaire. Par conséquent, si la discrimination opérée par le dispositif de l’article 212 du CGI ne tombe plus, désormais, sous le coup de certaines conventions passées entre la France et un autre État membre, elle n’en demeure pas moins condamnée par le traité de Rome. » (Article 212 du CGI, suite et fin. Par Laurent Olléon, Maître des requêtes au Conseil d’État : Chronique : RJF 2/04 p.83-87) Par ses arrêts de principe Van Gend en Loos (5 février 1963 aff. 26/62, : Rec. p.1) et Costa (15 juillet 1964 aff. 6/64, : Rec. p.1141) la Cour de justice des Communautés européennes a affirmé la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux des États membres. Or, aux termes de l’article 12 du traité CE : « Dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, peut prendre toute réglementation en vue de l’interdiction de ces discriminations. » Et, selon l’article 56 (ex-art. 73 B) du Traité CE « 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. » Par conséquent, les mesures ayant pour effet de dissuader certaines catégories de citoyens communautaires d’acquérir une résidence secondaire dans un État membre de l’UE, dans la mesure où elles ne s’appliquent pas à d’autres citoyens communautaires d’une nationalité différente mais placés dans la |