MAGIC INTERVIEW 82 Que nous apprend cette histoire ? Cette rupture met en lumière le fait que Mélusine, même mariée, n’abandonnera jamais son état de fée. Un état considéré comme supérieur à l’homme mais inférieur aux chrétiens. En effet, dans la perspective chrétienne, une fée ne peut jamais devenir femme car elle n’a pas d’âme. C’est l’une des raisons pour lesquelles, dans le sud de la France, on les nomme les « fades », c’est-à-dire les « sans sel ». Le sel étant un ingrédient associé au rite du baptême chrétien, celles qui ne sont pas salées n’ont donc pas d’âme. Mais être « sans sel », c’est aussi être fou, car le sel est considéré comme l’esprit. Et c’est justement un autre tabou à respecter quand on est marié à une fée. Ne pas la traiter de folle ? Oui, toujours dans le sud de la France, un jour, un paysan épouse une fée qui lui pose comme condition de ne jamais la qualifier de « sans sel » c’està-dire de fade, de fada, donc de folle. Cette fée connaît l’avenir et, un matin, prévoit un orage épouvantable qui risque de détruire la récolte. Son mari étant absent, elle ordonne le moissonnage alors que les blés ne sont pas tout à fait mûrs. Quand le maître de maison revient chez lui, fou de rage, il la traite de « méchante fade ». Elle disparaît alors en emportant ses enfants. Les fées volent les enfants ? Dans la plupart des cas, elles les échangent, au berceau, avec leur propre progéniture afin que ces derniers puissent devenir humains. Un petit fade a, en effet, plus de chance de le devenir s’il a droit au lait maternel de femme. Mais on s’en aperçoit assez vite car il ne dort jamais, il crie toujours, il a des dents et au lieu de sucer le lait de sa nourrice, il lui mord le sein et boit son sang. Comment fait une mère pour retrouver son enfant ? Il faut prouver que c’est bien un enfant de fée et obliger sa mère à venir le chercher. Dans les contes populaires, on a toujours le même système. Il faut faire quelque chose de complètement absurde devant son berceau comme, par exemple, mettre des cupules de chêne dans une casserole et faire semblant de les cuire. Le petit de fée, qui n’a que l’apparence d’un enfant car en fait il est très âgé, va se mettre à observer la scène et, trouvant celle-ci stupide, va se manifester. « J’ai déjà vu le chêne et les enfants du chêne. Et je n’ai jamais vu cuire dans d’aussi petits pots ! ». Par cette phrase, il avoue être âgé d’au moins 3 000 ans. Il faut ensuite le battre jusqu’à le faire hurler afin que, prise de pitié, sa mère apparaisse et prononce les mots suivants : « Rendez-moi mon petit fade et je vous rendrai votre petit salé. » C’est-àdire votre petit chrétien. En définitive, les fées ne sont pas aussi bonnes que cela ? C’est absolu ! On les appelle « bonnes dames » par antiphrase car il ne faut jamais dire à quelqu’un qui est méchant qu’il est méchant. Et ainsi, le seul moyen de les appeler c’est d’utiliser le terme « bon » ou « bonne » pour ne pas provoquer leur colère. Claude Gaignebet What does this tale teach us ? It highlights the fact that, even married to a mortal, Melusina willalways be a fairy, a status considered superior to man but inferior to Christians. In fact from the Christian perspective, a fairy can never become a woman since she has no soul. This is one reason why in the south of France fairies are called fade, meaning bland in the sense of "unsalted" ; salt being associated with the Christian rite of baptism, those who are "unsalted" therefore have no soul. But to be "unsalted" also means to be mad since salt is considered to be the spirit. And that's another taboo to respect when married to a fairy: never speak of her as "unsalted" since that implies she is mad. Do fairies steal children ? In most cases they exchange them in the cradle for their own offspring so the latter can become human, for a baby fay has more chance of becoming human if it suckles the milk of a mortal woman. But the exchange is quickly noticed as the baby fay never sleeps, screams all the time, has teeth and instead of sucking the wet nurse's milk, bites her breast and drinks her blood. How can a mother get her infant back ? She has to prove the other baby really is a fairy child and force its mother to come and take it back. In folk tales there's only one way. You have to do something completely absurd in front of its cradle, for example put acorn cups into a pan and pretend to cook them. The baby fay, which only looks like a child but is in fact very old, will observe the scene and, finding it stupid, give the game away by crying: "I have seen the oak and the children of the oak, but never have I seen someone cooking in such small pots ! " By this it admits to being at least 3000 years old. Then you have to beat it until it screams so the mother, overcome by pity, appears and pronounces these words: "Give me back my little fade and I will give you back your little salé." Salé meaning salted and therefore Christian. So fairies aren’t really that good after all ? Definitely not ! We call them "good fairies" to appease them because you must never tell someone nasty that they are nasty. So the only way to speak of them is by calling them "good" so as not to provoke their anger. |