DEl’égoïsme ON EGOISM Jean-Charles Pascal, chef du service psychiatrique de l’hôpital Erasme d’Antony. Le Petit Larousse définit l’égoïsme comme « un attachement excessif porté à soimême et à ses intérêts au mépris des intérêts des autres ». Une définition claire et simple mais qui, sans être fausse bien sûr, est un peu juste pour couvrir le large spectre de ce qui peut se cacher derrière les multiples formes de l’égoïsme. Comme le disait avec humour Lucien Guitry, l’égoïste n’est-il pas « celui qui n’emploie pas toutes les minutes de sa vie à assurer le bonheur de tous les autres égoïstes ». Entre nécessité pour progresser dans la vie et symptômes maladifs conduisant à une thérapie, j’ai préféré avoir l’avis sur le sujet d’un grand psychiatre, le docteur Jean- Charles Pascal, chef du service psychiatrique de l’hôpital Erasme d’Antony. COTE : Quelle est votre définition de l’égoïste ? Jean-Charles Pascal : Quelqu’un qui a un investissement de sa libido essentiellement centré sur lui, entendez par libido l’énergie disponible en chacun de nous et non uniquement l’énergie sexuelle. Cela peut-il devenir maladif ? novembre 2008 www.cote-magazine.ch SHUTTERSTOCK - OLLY SIMPLE TRAVERS, CAS PATHOLOGIQUE OU RECHERCHE DE PETITS BONHEURS BIEN NATURELS ? VOYAGE AU CŒUR D’UN SUJET QUI NE CONCERNE PAS QUE LES AUTRES. -/SIMPLE FOIBLE, DEVIANT CONDITION OR PURSUIT OF NATURAL LITTLE PLEASURES ? A BRIEF ANALYSIS OF A SUBJECT THAT IN FACT CONCERNS US ALL. Il y a un niveau d’égoïsme nécessaire : chacun doit prendre soin de lui ne seraitce que pour assurer sa propre survie. Je dis souvent à mes petits-enfants : faites attention à vous, ne prenez pas trop de risques, prenez soin de vous. Mais cela peut aboutir à l’extrême à des excès et devenir pathologique quand il n’y a plus de place pour l’autre et mener à une existence cloisonnée. C’est un problème quand cela empiète sur les autres aspects de la vie au point d’aboutir à une forme de solitude, d’isolement et surtout à un manque de prise en compte de l’autre qui le rend insupportable pour son entourage. Heureusement l’égoïste peut avoir des plaisirs autocentrés mais tolérables socialement : aimer les cigares, les voyages, les beaux cabriolets, jouer au golf, etc., à condition de ne pas aller jusqu’au point de n’en avoir jamais assez et de fonctionner au détriment du plaisir de l’autre. La mégalomanie est-elle une autre forme d’égoïsme comme en politique par exemple ? C’est l’un de ses avatars. Par définition, un homme politique devrait être essentiellement altruiste, humaniste, et pourtant c’est là que l’on trouve bon nombre d’exemples d’égoïsme peut-être dû parfois à l’isolement du pouvoir. On pourrait aussi parler du cousin germain de l’égoïsme, le narcissisme excessif. Quel que soit le terme, cela peut-il se soigner ? Une psychothérapie peut moduler le degré du phénomène, trouver des portes de sortie quand on arrive au stade du cloisonnement d’un individu essentiellement centré sur la satisfaction de ses désirs. À ce niveau, l’égoïste aura en général du mal à réussir sa vie affective ou amoureuse et une thérapie pourra desserrer ce lien exclusif. L’égoïsme n’aurait-il donc que des aspects négatifs ? Non. Il en faut une certaine dose ne serait-ce que pour avoir un bon instinct de sauvegarde. S’il faut avoir cet instinct, il est tout aussi clair que le meilleur moyen |