Cogan, Killing Them Softly Parce que deux abrutis finis ont eu l’idée de génie de braquer une maison de jeu protégée par la mafia, c’est toute l’économie criminelle locale qui menace de s’effondrer. Pour démasquer les coupables et pallier à la crise de confiance, les « hauts responsables » de la pègre font appel à Jackie Cogan, un tueur pro, et à ses talents de nettoyeur. Mais entre les commanditaires indécis, les escrocs idiots, les hommes de main fatigués, il va avoir du mal à garder le contrôle de la situation. Des Affranchis asservis par Wall Street... Ce n’est pas un hasard si Andrew Dominik a choisi de dérouler son histoire dans l’Amérique de la fin de l’année 2008, encore sonnée par la crise des subprimes et portée par la première élection d’Obama. Avec un Brad Pitt en ange de la mort qui a une conception particulièrement délicate de son métier, un James Gandolfini (Les Soprano) en assassin alcoolique et déprimé, ou encore un Ray Liotta en mafioso massacré, le cinéaste australien offre une vision particulièrement saignante du libéralisme américain. Tout en signant un film de genre qui soigne autant ses éclats de violence que ses dialogues, où l’on discute autant que l’on exécute. Brad Pitt et Andrew Dominik, la crise en douce Après L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, l’acteur-producteur retrouve le cinéaste australien, pour un polar à la violence et à l’humour dévastateurs, qui se veut aussi une critique caustique du système économique... : Brad Pitt, vous êtes ici à la fois acteur et producteur du film. Qu’est-ce qui a motivé votre implication dans le projet ? Brad Pitt : La première raison est que j’adore travailler avec Andrew ; j’ai beaucoup d’admiration pour son travail. En tant que producteur, je cherche des histoires qui racontent l’ère moderne. Quand j’ai lu le scénario, j’ai pensé qu’il en disait beaucoup sur notre société actuelle. : Le film est une adaptation du roman de George V. Higgins, « L’art et la manière », qui date des années 70. Pourquoi l’avoir situé dans le contexte politique et économique contemporain en multipliant les références à Obama, à McCain, à Bush etc. ? Andrew Dominik : À l’origine, lorsque j’ai commencé à travailler sur l’adaptation de ce livre, je l’envisageais comme un film de gangsters. Mais plus je m’y plongeais, plus il m’apparaissait comme l’histoire d’une crise au sein d’une économie criminelle reposant sur le jeu, et résultant d’un échec dans la régulation de cette économie. En d’autres termes, on avait affaire à un microcosme de ce qui se passait, au même moment, à une plus grande échelle en Amérique. : Comment ressentez-vous ce climat général de crise économique dans le milieu du cinéma, et de la création artistique en général, aux États-Unis ? BP : C’est toujours l’éternelle bataille entre l’art et le commerce. Ces deux composants ont besoin l’un de l’autre pour pouvoir avancer, dans une relation de symbiose. Notre objectif est d’arriver à faire de l’art qui ait un sens à l’intérieur même d’un système économique où les choses doivent être rentables, sinon c’est impossible de créer. : Il y a beaucoup de violence dans le film ; quel sera à votre avis son impact sur le public ? BP : Quand j’étais jeune, je partais à la chasse, qui est une activité très violente. Vous avez déjà vu un hamburger ? C’est complètement barbare ! 6 |