FAMILLE GÉNÉRATIONS SolangeKlein agrandidansles effluves de la cuisinedesagrand-mère française, qu’elle regardait fairemonterles œufs en neige àlaforce du bras. Devenue mère de famille, elle aime nourrir les siens au quotidien, préparer, dans sacuisine de la Gruyère, larecette des spätzle de mamieLulu, quilui rappelle ses origines alsaciennes. Tenzine, safille de 10 ans, luiprête régulièrementmain-forte. Cuisiner en familleest un instantprivilégié, porteur de sens et d’émotions. Une façon aussi de s’inscrire dans une lignée. Préparer ledîner et le partager ensemble contribue àfavoriser des moments de transmission. Sous le regard bienveillantdel’adulte, l’apprenti cuisinier apprend ainsi às’organiser, être rigoureux, patient. Au travers de l’alimentation, on perpétuedes savoir-faire, mais on fait passer égalementdes émotionsgustativesqui vont fortementmarquer la mémoiredes enfants. « Je sens encore les odeurs qui planaientdanslamaison quand je rentrais de l’école alors que maman faisait des confitures, avec l’écume qui remontait Les recettes sont précieusement notées dans ce carnet pour que Tenzine puisse un jour les refaire seule. La cuisine en héritage Activitéréinvestieàlafaveurduconfinement, cuisiner en famille est le vecteurd’une transmission précieuse entreles générations. TEXTE SUZI VIEIRA PHOTOS MARIUS AFFOLTER, SÉBASTIEN AGNETTI dans la marmite », se souvient le grand chef genevois Philippe Chevrier. Elle gardait toujours quelques fruits pour une tarte. Et j’adorais étaler la pâte ! » Sa vocation, le cuisinier de renom la tientdesamèreDenise,excellente cuisinière. « Mes copains voulaient tout le « Je sens encore les odeurs qui planaient dans la maison » temps venir àlamaison, tellement on ymangeait bien ! Tous les jours, c’était entrée, plat, dessert. On dînait del’aiguillette de bœuf aux petits pois, de la sole au vin rouge... Maman avait connu la guerre etles privations ; pour elle, la nourriture était l’essentiel. Elle nous disait toujours, on mange bien toute l’année, ets’il reste del’argent, on partira en vacances. Finalement, on n’est jamais partis », confie-t-ilenriant. Vivre les traditions « Il yabeaucoup d’affectif autour dela nourriture », confirme Chiara Chillà, docteure en psychologieetspécialisteen nutrition àLausanne. « Partager le repas est un rituel àtravers lequel l’être humain crée des liens avec ses semblables. » Dès la naissance, lanourriture incarne pour le bébé l’affection de la mère, ou toute autrefiguredesubstitution. C’est sans doutecette imbrication du manger et de l’affect quirend les émotions gustatives –etleur souvenir –sidurables. En dégustant leplat préparé par ses parents, ce que l’enfant PHILIPPE CHEVRIER, CHEF CUISINIER Page 102 100 Coopération N°49 du 1er décembre 2020 |