LIFESTYLE SANTÉ Les bienfaits de l’écriture En couchantsur le papierlerécitdesituations traumatisantes, on parvientàmieux les gérer. Cela s’avère bénéfiquepourlasanté.Corpsetâme en profitent. « Ce qui meplaît, c’est de pouvoir au moins écrire ceque je pense et ce quejeressens. Sans cela, j’étoufferais. » Anne Frank (1929–1945) écrit cette phrase dans son journal le 16 mars 1944, alors qu’elle vit cachée àAmsterdam. Beaucoup de gens ontrecours àl’écriture pendant une guerre. Le papier semble en effet aider ceux qui souffrent àfaire face àdes situations traumatisantes. Mettre des mots sur des pensées Aujourd’hui, on relate plutôt dans son carnet des contrariétés avec les collègues, du stress avec les enfants, mais égalementdes expériences douloureuses. Aussi longtemps que ces problèmes ne sont pas résolus, ils nous tourmentent et génèrent del’angoisse au lieu de laisser l’esprit en paix. Ala longue,c’est la santé quienpâtit. « Il est toujours bon de mettre des mots sur despensées et des sentiments, et de les écrire », déclareAndreaHorn (45ans), psychologuedel’UniversitédeZurich, quimène une recherche surl’écriture de journaux intimes. Développée dans les années 1980 par James Pennebaker, de l’Université du Texas àAustin, aux Etats-Unis, une méthode consiste àfaire face àdes TEXTE ANDREASGROTE coupsdusortenécrivant.Dans le cadre de sa premièreétude en 1986, le professeur de psychologie ademandé àun groupe d’étudiants d’écrire une quinzaine de minutes par jour pendant quatre jours sur une expérience personnelle difficile. Tandis qu’un autre groupe decontrôle, aucontraire, fut chargé d’écrire sur un thème dénué d’émotion. Au cours des jours qui ont suivi, les étudiants quiavaient exprimé leur problème se montrèrentplusagités. Mais durant les six mois suivants, James Pennebakerremarquachezeux moins de consultations médicales que dans l’autregroupe. La quasi-totalité a égalementdécritl’écriturecomme une expérience précieuse et personnellementenrichissante. En 1999, lepsychologue américain Joshua Smythdemanda àdes patients atteintsd’arthriteoud’asthme d’écrire soit surune expérience traumatisante, soit surdes faits anodins. Quatremois plus tard,ilobservades améliorations au niveau des articulations ou du volume des poumons chez ceux qui avaient évoqué une épreuve stressante. Plusieurs fois par semaine « Depuis, des centaines d’études ont démontré les bienfaits sur lasanté de la tenue d’un journal, indique Andrea Horn. Nousavons aussi pu prouverque l’écriture avait des effets sur le bienêtre émotionnel. » Le mécanisme actif reste flou. « On suppose que les événements vécus qui ne sontpas traités provoquent un stress mental etcorporel insidieux. D’autres théories avancentque la confrontation ciblée par l’écriture crée une accoutumanceàl’objet anxiogène.D’autres, encore, expriment levécu tout d’abord avec des mots et comprennentàtravers euxcequ’il s’est passé.L’écriturepousse l’humain àaffronter des choses qu’il aurait plutôt tendance àéviter », nous explique laspécialiste. Ceci permet d’accepter des sentiments négatifs et de les ordonner, cequi fait du bien au corps et àl’esprit. Lesséances d’écriturenedoivent pas nécessairementêtrerégulières. Il suffit d’écrireplusieurs fois parsemaine sur ses sentiments et ses pensées. « Il faudrait écrire aussi honnêtement etouvertement que possible sur des sujets pour lesquels on ressentnotamment un blocageémotionnel », conseille Andrea Horn. Il n’est pasquestion icidequalité littéraire, mais plutôt de sincéritéetde courage : celui d’envisager de nouvelles perspectives. ○ 92 Coopération N°11 du 10 mars 2020 |