© R. HARRIS/SPL w 8 Géophysique Depuis 2000 ans, le champ magnétique de la Terre a perdu 30% de son intensité. Deux études nous éclairent sur ces phénomènes d’instabilité. par Gaëlle LahorEAU Qu’il fait bon vivre sur Terre, protégé des particules et des rayons mortels de l’espace grâce à l’atmosphère et au champ magnétique de notre planète… Toutefois, le magnétisme terrestre peut varier considérablement. Il lui arrive ainsi de faiblir, comme on l’observe actuellement : depuis 2000 ans, il a perdu près de 30% de son intensité. Plus embêtant, il lui arrive de disparaître quasi totalement, et même de s’inverser : cela se traduit par une permutation des deux pôles magnétiques, Nord et Sud. De quoi perdre la boussole ! Coup sur coup, deux laboratoires viennent de livrer des études éclairantes sur ces phénomènes. Le Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (Cerege) 1 s’est penché sur l’ « excursion de Laschamp », survenue il y a 41 000 ans. Il s’agit d’une inversion qui a échoué. À l’époque, le champ magnétique a fortement faibli avant de disparaître temporairement. Les pôles magnétiques se sont très brièvement inversés, mais ont très vite repris leur position normale. « Or, nos résultats indiquent que le taux de perte de magnétisme que nous enregistrons actuellement est du même ordre que celui qui a précédé la disparition du champ magnétique terrestre avant l’excursion de Laschamp, explique Nicolas Thouveny, | Actualités cnrs I LE JOURNAL La Terre va-t-elle perdre son champ magnétique ? excursion. Phénomène d’instabilité du champ magnétique terrestre où les pôles magnétiques s’inversent avant de revenir à leur position initiale. directeur du Cerege et responsable du projet Mag-Orb 2, financé par l’Agence nationale de la recherche. Si aucun rebond n’intervient, le champ magnétique sera réduit de moitié d’ici à 1000 ans et s’annulera d’ici à 2 000 ans. Un flux excessif de rayons et particules cosmiques pénétrera alors dans l’atmosphère avec de possibles impacts sur la biosphère, la santé humaine et les technologies. » Pour leur étude, les chercheurs se sont appuyés sur des mesures de béryllium 10, un isotope produit dans l’atmosphère lors de réactions provoquées par l’impact de particules cosmiques. Leurs travaux, publiés dans Journal of Geophysical Research 3, montrent que la disparition temporaire du champ magnétique lors de l’excursion de Laschamp s’est accompagnée du doublement de la production de béryllium 10, et ce partout sur la planète. À l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) 4, ce sont dix inversions « réussies », enregistrées dans des coulées volcaniques, qui ont intéressé les chercheurs. Alors que la durée de ces processus était estimée à une dizaine de milliers d’années, l’équipe parisienne, associée à l’Institut de géophysique et de pla nétologie d’Hawaï, révèle que le basculement des pôles n’excède pas 1000 ans et que cette étape est encadrée par deux autres phases d’une durée maximum de 2 500 ans, pendant les- Le noyau terrestre vu w Du haut de leur orbite, certains satellites permettent déjà de deviner ce qui se passe à l’intérieur du noyau liquide de notre planète, en mesurant en permanence le champ magnétique à la surface du globe. Des chercheurs viennent peut-être de trouver un autre moyen d’ « observer » ce noyau : les satellites gravimétriques, qui mesurent cette fois la gravité. Qui dit mouvement de métaux en fusion dans le noyau, dit variation de masse, et donc in fine variation de pesanteur sous nos pieds. Encore fallait-il le montrer ! Une équipe franco-allemande a réussi : elle a mis en évidence une connexion étroite entre les variations de quelles le champ magnétique a été très faible et très instable. « La rapidité du basculement par rapport aux deux autres phases suggère des mécanismes différents qu’il reste à comprendre. Ces caractéristiques sont de nouvelles contraintes pour les modèles de la dynamo terrestre », souligne Jean-Pierre Valet, coauteur de l’étude publiée dans Nature 5. En laissant pénétrer dans l’atmosphère des particules et des rayons dangereux, ces affaiblissements du champ magnétique ont-ils provoqué par le passé des extinctions d’espèces ? Les données actuelles ne permettent pas encore d’apporter de réponses. |