©c.frésillon/CNRS Photothèque w 24 à long terme, de trop faibles effectifs d’animaux testés, et de l’absence de traçabilité pour les consommateurs (humains comme animaux) sur le long terme. Les agences d’évaluation ont d’ailleurs demandé des protocoles plus complets de ce point de vue. Et, le fait qu’aux États-Unis, des plantes OGM soient consommées depuis plus de dix ans ne permet selon moi aucune conclusion : certains problèmes de santé publique augmentent outre-Atlantique, mais il est impossible d’en déterminer la cause (malbouffe, absence d’exercice, pollution…). Au-delà des incertitudes sur les conséquences physiologiques, il y a des dangers qu’on peut considérer comme plus importants encore dès lors qu’on se préoccupe de l’intégration de ces manipulations génétiques dans le système agronomique et économique international. Il s’agit alors d’intégrer non seulement l’agronomie, la génétique des populations et la biodiversité, mais aussi les domaines du juridique, du politique, de la finance etc. Précisons tout d’abord que le fonctionnement actuel de l’agronomie des pays développés, qui a séparé l’activité de production de plantes pour l’agroalimentaire de l’activité de production de semences, pose deux problèmes. D’une part, | L’enquête cnrs I LE JOURNAL les agriculteurs, dépossédés de la base même de leur activité que sont les semences, deviennent totalement dépendants des semenciers. En effet, pour la majorité des variétés cultivées par les agriculteurs, réutiliser les graines qu’ils récoltent est soit interdit, soit soumis à une taxation, depuis la loi adoptée le 28 novembre 2011 par le Parlement. D’autre part, cette séparation, de plus en plus totale, est en train d’exploiter sans la renouveler l’une des ressources les plus précieuses pour l’humanité, une ressource construite progressivement par le monde paysan depuis le Néolithique : la diversité génétique des plantes cultivées.complexité Selon le choix épistémologique présenté au début, deux solutions à ce problème peuvent être proposées. On peut espérer que nos compétences en biotechnologies permettront de pallier ces carences et qu’on produira, par manipulation génétique, la diversité perdue. On peut au contraire penser que la complexité du système demande une approche beaucoup plus respectueuse de processus évolutifs, et qu’il n’est pas réaliste de penser que notre technologie est capable de remplacer la multitude d’effets sélectifs que permet la culture de milliards de plantes. On en vient alors à penser qu’il est urgent de modifier les systèmes agricoles en redonnant, dans la démarche de sélection, une part active à un grand nombre d’agriculteurs à travers des démarches participatives. De ce dernier point de vue, les OGM cultivés sont catastrophiques. En effet, l’introduction de transgènes est soumise au brevet. Cela signifie que les agriculteurs ne peuvent plus ressemer ni les graines qu’ils récoltent, ni des résultats de croisements entre des plantes différentes, dès lors qu’elles sont transgéniques. Cela signifie aussi qu’ils ne peuvent plus ressemer leurs graines quand ils cultivent des plantes non transgéniques qui ont malencontreusement été contaminées par des graines ou des pollens provenant de champs transgéniques voisins. Du fait du brevet, cette contamination dans le champ de l’agriculteur dépossède ce dernier de ses semences. Un célèbre procès au Canada a vu, au tournant des xx e et xxi e siècles, l’agriculteur Percy Schmeiser dépossédé des semences qu’il reproduisait dans ses champs. Tant que les OGM seront brevetés, ils constitueront une menace grave pour la diversité des semences, une ressource essentielle à la nourriture de l’ensemble de l’humanité. ✕ Contact : Origine, structure et évolution de la biodiversité Pierre-Henri Gouyon > gouyon@mnhn.fr Pour Yves Dessaux, Seule une recherche publique permet d’assurer des études libres et indépendantes Biologiste, écologiste microbien, Yves Dessaux est directeur de recherche au cnrs. Ancien responsable du service Interaction plantes-micro-organismes à l’Institut des sciences végétales du cnrs, il est à présent chargé de mission à l’Institut écologie et environnement (Inee). Spécialiste de l’évaluation des risques des plantes OGM pour l’environnement et de leur impact sur les micro-organismes présents dans le sol, il a copiloté une expertise collective sur les variétés végétales tolérantes aux herbicides, réalisée à la demande conjointe des ministères de l’Agriculture et de l’Écologie. Dans le controversé dossier des OGM, plusieurs questions se posent. Actuellement, c’est celle de la toxicité qui est débattue et je laisse aux spécialistes de cette discipline le soin d’argumenter. Ceci dit, je tenais à rappeler que nous consommons des végétaux génétiquement modifiés depuis bien longtemps. Par exemple, la quasi-totalité des lignées d’orge cultivées depuis soixante ans, y compris en agriculture biologique, dérivent d’une lignée obtenue par mutagenèse. Bien qu’elles soient exclues du champ d’application de la réglementation européenne de 2001, elles n’en restent pas moins, selon celle-ci, génétiquement modifiées. De même, nombre de variétés de blés, de riz, de colzas, de sojas, de bananes, de poires, de pêches, etc., ont fait l’objet d’amélioration par mutagenèse. Au cours des quatre-vingts dernières |