CNRS Le Journal n°269 nov/déc 2012
CNRS Le Journal n°269 nov/déc 2012
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°269 de nov/déc 2012

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 8,5 Mo

  • Dans ce numéro : La déferlante des octets

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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©C. ANAYA-GAUTIER/CNRS PHOTOTHèqUE w 6 PhiliPPe Descola en 5 dates 1949 Naît à Paris 1976 Part pour l’Amazonie afin d’étudier les Jivaros Achuar 1983 Obtient son doctorat en anthropologie sociale (EHEss) 2001 Devient directeur du Laboratoire d’anthropologie sociale 2012 Reçoit la médaille d’or du cnrs À voir sur le journal en ligne : toutes les photos du lauréat. | L’événement cnrs I LE JOUrnAL Portrait Le 19 décembre, l’anthropologue Philippe Descola recevra la médaille d’or 2012 du CNRS, plus haute distinction scientifique française. Rencontre avec cet héritier de Claude Lévi-Strauss. L’intelligence du monde
N°269 I novembre-décembre 2012 L’événement | 7 w Par STÉPHANIE ARC La nouvelle Médaille d’or du cnrs, c’est lui ! En nous confiant sa grande joie, ce matin de septembre, Philippe Descola, le directeur du Laboratoire d’anthropologie sociale (LAS) 1 ne se départ ni de son calme ni de sa rigueur et se prépare, avec un amusement perceptible, au 01 Philippe Descola (à gauche), salue Claude Lévi-Strauss. Ils encadrent Françoise Héritier, autre éminente anthropologue du Collège de France. tourbillon médiatique qui s’approche. Collier de barbe blanche, yeux bleus pétillants et chemisette assortie, ce spécialiste des Indiens d’Amazonie, né en 1949, commente les photos qui ont jalonné sa carrière. « Sur celle-ci, prise au Collège de France, c’est Claude Lévi-Strauss : à mes yeux, le grand penseur des sciences sociales du xx e siècle. Et, sur cette autre, voici Maurice Godelier, grâce à qui j’ai compris que je pourrais exercer la profession d’anthropologue. » Dix-sept ans après la médaille d’argent du CNRS, c’est « avec étonnement » que ce directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) va rejoindre le panthéon de ces maîtres illustres, respectivement médaillés d’or en 1967 et en 2001 2. C’est avec une manifeste humilité qu’ il confie : « Je ne pensais pas que l’anthropologie serait de nouveau mise à l’honneur. Mais il faut dire qu’elle étudie l’homme dans toutes ses dimensions, culturelle, morale, psychique et physique, et qu’elle répond aux interrogations de notre société sur le destin de l’humanité. » Les quatre ontologies définies par Philippe Descola Dans son essai Par-delà nature et culture 1, Philippe Descola distingue quatre grands systèmes par lesquels les hommes envisagent leurs rapports avec leur environnement (objets, plantes, animaux, personnes) et distinguent « humains » et « non-humains ». Cette typologie se fonde sur l’opposition « intériorité » / « physicalité », repérée dans toutes les sociétés. Partout, constate-t-il, « on opère une distinction entre le plan de l’intériorité, qui désigne l’intentionnalité, la subjectivité, la réflexivité, les affects (que l’on appelle aussi l’esprit, l’âme ou la conscience), et le plan de la physicalité, qui évoque les états et processus physiques et corporels ». Ce clivage est aussi appliqué par les hommes aux éléments. w Dans l’animisme, les non-humains ont les mêmes attributs d’intériorité que les humains (continuité morale), mais se distinguent par leurs caractères physiques (discontinuité physique). Chaque type de corps ouvre à un monde particulier. Ce système existe notamment chez les Indiens d’Amérique du Sud et ceux de l’Amérique du grand Nord, chez les Pygmées et chez certaines populations d’Asie du Sud-Est. w Dans le totémisme, pratiqué notamment chez les Aborigènes d’Australie, des humains et des non-humains sont regroupés au sein d’une même classe totémique : on considère qu’ils possèdent des qualités morales et physiques identiques (continuité morale et physique), issues d’un prototype ancestral. Ces qualités diffèrent en bloc de celles d’autres groupes totémiques. w Dans les cultures analogiques, tous les êtres sont vus comme singuliers, dissociés à 01 tous points de vue (discontinuité morale et physique). Ce sont les modèles des mondes chinois et indiens classiques, des Andes, d’une grande partie de l’Afrique occidentale ou de l’Europe jusqu’à la Renaissance. w Enfin, le naturalisme, qui structure notre culture occidentale, considère que seul l’homme a une âme, une intentionnalité, et la capacité de l’exprimer, mais qu’il partage ses caractéristiques physiques avec le reste des non-humains (discontinuité morale, mais continuité physique). Il n’existe toutefois pas de systèmes purs. De fait, si nous sommes naturalistes, nous avons parfois une appréhension animique, totémique ou analogique du monde. Comme le prouve l’intérêt que nous portons aux horoscopes ou le fait qu’on parle à… son chien ! 1. Éditions Gallimard, 2005. Rien d’étonnant à ce que cet héritier de Claude Lévi-Strauss ait vu l’ensemble de ses recherches couronné de la plus haute distinction du CNRS. Ses travaux d’ethnologie, menés en séjournant chez les Jivaros Achuar, ont révolutionné (« un terme un peu grandiose ! », nuance-t-il) les études sur l’Amazonie, comme ceux de ses collègues brésiliens Eduardo Viveiros de Castro et Manuela Carneiro da Cunha. Philippe Descola a aussi renouvelé l’ « anthropologie de la nature » : c’est d’ailleurs le titre exact de la chaire qu’il occupe au Collège de France depuis 2000. une vision novatrice Au cœur de sa réflexion, une question : comment les sociétés humaines conçoivent-elles leurs relations avec les nonhumains (plantes, animaux, objets) ? En étudiant ces relations dans différentes cultures, Philippe Descola a identifié quatre systèmes fondamentaux (« quatre ontologies », lire encadré), qui caractérisent des types de sociétés et remettent en question l’opposition traditionnelle entre « nature » et « culture ». « J’ai compris assez tôt que le métier d’anthropologue était fait pour moi, même si je ne savais pas comment le devenir ! À 17 ans, j’ai commencé à voyager seul, sac au dos, au Canada, en Turquie, en Iran, en Syrie, en Égypte et au Mexique. Et la lecture de Tristes Tropiques, la biographie intellectuelle de Lévi-Strauss, qui m’avait marqué par sa sensibilité, a conforté ma vocation. » Pendant ses études de philosophie à l’École normale supérieure de Fontenay- Saint-Cloud (promotion 1970), féru de ©COLLèGEDEFRANCE



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