CNRS Le Journal n°269 nov/déc 2012
CNRS Le Journal n°269 nov/déc 2012
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°269 de nov/déc 2012

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 8,5 Mo

  • Dans ce numéro : La déferlante des octets

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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w 28 Gero Decher en 5 dates 1956 Naissance à Marburg, en Allemagne 1986 Doctorat en chimie « systèmes supramoléculaires » à l’université Johannes-Gutenberg de Mayence, en Allemagne 1994 Professeur associé à l’université Louis-Pasteur, à Strasbourg 1997 Publication de l’article « Fuzzy Nanoassemblies : Toward Layered Polymeric Multicomposites » dans la revue Science 2009 Prix Emilia Valori de l’Académie des sciences | Portrait cnrs I LE JOUrnAL Chimie De l’agroalimentaire à la médecine, la technologie découverte par ce chercheur connaît des applications toujours plus nombreuses. Gero Decher, inventeur du millefeuille moléculaire
©C. URBAIN N°269 I nOVEMbre-décEMbre 2012 Portrait | 29 w Par LAUre CAILLOce Gero Decher figure dans le Top 10 des publications les plus citées en chimie ces dix dernières années. Son article « Fuzzy Nanoassemblies : Toward Layered Polymeric Multicomposites 1 », publié en 1997 dans la revue Science, vient de passer la barre des 5 000 citations. Il faut dire que l’Allemand de 56 ans, professeur à l’université de Strasbourg et chercheur à l’institut Charles-Sadron du CNRS, est à l’origine d’une petite révolution dans le domaine des matériaux : les multicouches de polyélectrolytes. Appliqués sur des matériaux, ces films, véritables « millefeuilles moléculaires », sont capables de donner des propriétés nouvelles aux surfaces qu’ils recouvrent : catalytiques, anticorrosives, antisalissures, ignifuges, antibactériennes, anticoagulantes… s’affranchir des idées reçues La découverte de Gero Decher part d’un principe connu des manuels de chimie depuis longtemps : la plupart des matériaux portant à leur surface des charges électriques, des molécules de charge opposée peuvent venir s’y fixer. Les films multicouches décrits par Gero Decher empilent ainsi les couches : positive, puis négative, puis positive… et ainsi de suite ! Mais alors, où est l’innovation ? « Jusqu’au début des années 1990, on s’était contenté de créer une seule couche, sans voir l’intérêt de poursuivre, explique le chimiste. Ce n’était écrit nulle part, mais le sens commun voulait que la deuxième couche, si elle parvenait à se créer, décrocherait la première. » Gero Decher, alors jeune chercheur à la faculté de Mayence, en Allemagne, ne s’arrête pas à cette idée. Deux années durant, il mène des essais, et réussit alors ce que nul n’avait jusque-là songé à réaliser. Ses résultats se heurtent tout d’abord au scepticisme de ses pairs, qui pensent qu’il s’agit là d’un cas particulier. « Pourtant, en refaisant l’expérience, tous obtenaient le même effet », raconte le chimiste, qui a toujours mis un point d’honneur à décrire dans ses articles les procédures expérimentales dans leurs moindres détails, afin d’en faciliter la reproduction. Dès lors, la technologie fait l’objet d’un brevet, déposé avec un consortium d’industriels allemands. Le chercheur n’est pas étranger au monde de l’industrie : c’est chez Ciba Geigy (aujourd’hui Novartis) qu’il a effectué son post-doc, en 1987. « Je suis passionné de recherche « Je suis passionné de recherche fondamentale, mais je ne perds jamais de vue les applications sur lesquelles mes découvertes peuvent déboucher. » fondamentale, mais je ne perds jamais de vue les applications sur lesquelles mes découvertes peuvent déboucher », témoigne Gero Decher. TECHNIQue à fort potentiel À la fin de son contrat à Mayence, il se met en quête d’un poste permanent. Et pose finalement ses béchers, en 1995, à l’université Louis-Pasteur de Strasbourg. « J’étais prêt à aller travailler n’importe où sur la planète. Ma femme m’a suivi en Alsace. La biculturalité de la région, si proche de l’Allemagne, nous a séduits. Aujourd’hui, mes enfants sont bilingues ! » se réjouit-il. C’est au sein de cette faculté, à l’institut Charles- Sadron, qu’il lance l’équipe « multicouches de polyélectrolytes ». Son fameux article fondateur paraît dans Science deux ans plus tard. Il concerne le dépôt couche par couche (appelé aussi « LbL » pour « Layer by Layer ») et décrit tout le potentiel de cette technique : fait notable, elle peut être utilisée avec des couches biofonctionnelles, comme des protéines ou de l’ADN, ce qui ouvre la voie à des applications en biologie et en médecine. De cette façon, on peut rendre biocompatibles des implants ou organiser le relargage de médicaments en intégrant des molécules actives au cœur même du « millefeuille moléculaire ». L’inclusion de cellules vivantes permet même d’envisager la construction de tissus artificiels ! La portée de cette publication est immense, et l’intérêt de la communauté scientifique, immédiat. Quinze ans plus tard, il est toujours aussi vivace : 1000 articles sont parus en 2010, et pas moins de 300 laboratoires dans le monde travaillent sur le sujet. Les industriels ne sont pas en reste. Les premiers produits utilisant la technique LbL apparaissent au début des années 2000 : les lentilles de contact avec revêtement LbL hydrophile, ou encore les films pour prolonger la conservation des fruits et légumes (grâce à la capture de l’éthylène qui accélère leur mûrissement). Gero Decher ne s’en tient pas là et peaufine la technique. Il cherche notamment à accélérer le processus de fabrication, encore trop long à son goût. En effet, chaque couche exige plusieurs minutes de trempage dans un bain, et il faut donc une journée entière pour obtenir un revêtement d’une cinquantaine de couches. En 2005, il publie un article collectif dans lequel il décrit une nouvelle technique, la pulvérisation, et la compare au trempage. Ce faisant, il pulvérise… des records de vitesse ! « Utiliser un spray permet d’aller cent fois plus vite que par trempage », souligne-t-il. Mieux, cela autorise l’application de films multicouches sur de grandes surfaces : des voitures, par exemple, ou des vitres sur lesquelles on voudrait construire un film de blindage. Aller 100 fois plus vite En 2010, la pulvérisation simultanée de deux substances accélère encore le processus, de 5 à 100 fois selon les matériaux utilisés ! Aujourd’hui, s’il est toujours soucieux d’améliorer le dispositif, Gero Decher explore avec son équipe l’étendue des applications possibles du LbL : membranes de nanofiltration, couches conductrices, ou encore dispositifs magnétiques. Les films n’ont pas livré tous leurs secrets. 1. Science, 29 août 1997, vol. 277, n°5330,pp. 1232-1237. 2. Unité CNRS/Université de Strasbourg. Contact : Institut Charles-Sadron, Strasbourg Gero Decher > decher@ics.u-strasbg.fr



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