PAR ANDREA DAVOUST w 28 Quand elle vous parle de ses recherches menées au Laboratoire d’informatique de Grenoble (LIG) 1, Sihem Amer- Yahia s’enflamme. Qu’il s’agisse de ses travaux sur les réseaux sociaux, sur le traitement des phénoménales quantités de données du Web ou encore d’un projet de ville intelligente qui offrirait d’innombrables services aux citoyens connectés, ses fines mains s’animent avec la même passion. Après dix ans passés à travailler pour les géants américains AT & T et Yahoo !, cette scientifique reconnue a rejoint le CNRS en décembre 2011. Depuis son arrivée, elle apprécie « le luxe d’avoir le temps de la réflexion et de l’expérimentation » tout en se penchant sur des problèmes très concrets pour les entreprises et les consommateurs. EN ROUTE VERS L’AMÉRIQUE Retour en 1999. Sihem Amer-Yahia soutient son doctorat au sein de l’université Paris-Sud et d’Inria, après avoir créé des outils pour convertir de gros volumes de données numériques d’un format à un autre. Une période intense pour la jeune étudiante, et pas seulement sur le plan scientifique. Venue d’Algérie, un pays déchiré par le terrorisme dans les années 1990, elle se sent pousser des ailes : « J’avais le sentiment que tout était possible, se souvient-elle. À cette époque, j’ai rencontré des gens de tous les pays. Cela a fait de moi une autre personne. » Sa thèse en poche, elle s’envole de l’autre | Portrait CNRS I LE JOURNAL Informatique Après un passage chez AT & T et Yahoo !, cette scientifique a rejoint le CNRS il y a quelques mois. Sa spécialité ? La gestion des informations dans les réseaux sociaux. Sihem Amer-Yahia Virtuose du Web côté de l’Atlantique pour effectuer un post-doctorat au sein de la compagnie américaine de télécommunications AT & T. « À New York, j’avais l’impression d’être chez moi », raconte-t-elle. Elle en profite aussi pour revenir à une passion d’enfance, la danse, qui l’a visiblement dotée d’une gestuelle gracieuse. Chez AT & T Labs, Sihem Amer- Yahia ne tarde pas à briller. Elle se consacre au langage XML, qui commence à s’imposer pour les échanges d’informations entre ordinateurs. Sa particularité par rapport à d’autres langages comme le HTML : il contient des métadonnées, c’est-à-dire des informations sur les données stockées ou transmises, et facilite ainsi les échanges entre bases de données. Précisément, la chercheuse étudie la recherche d’informations dans des documents XML. Le succès est au rendez-vous : en partenariat avec des collègues de l’université Cornell et de sociétés comme IBM et Microsoft, elle développe dans cette optique un langage qui est devenu depuis un standard du W3C, l’organisme qui établit les normes dans le domaine de l’Internet. Repérée par Yahoo !, Sihem Amer- Yahia rejoint en 2006 son laboratoire new-yorkais. C’est le début de l’explosion des contenus publiés par les utilisateurs : la société vient tout juste d’acquérir le service d’hébergement d’images Flickr et le site de partage de liens Delicious. La chercheuse explore de nouvelles manières de connecter les grandes quantités de données produites par les utilisateurs. DE YAHOO ! AU CNRS « Nous avons commencé par analyser les avis des internautes pour y déceler des similarités, les agglomérer et recommander des liens », explique-t-elle. Par exemple, pour établir sur Flickr des itinéraires touristiques à partir de photographies de voyage des internautes. « Vous devez définir un objectif en termes de satisfaction de l’utilisateur et encourager les gens à cliquer plus ou à poster « Je crois dans la sagesse de la foule [sur Internet]. Elle a juste besoin d’être guidée, et ses informations d’être mises en forme. » davantage de commentaires », poursuitelle. Durant cette période, la scientifique enchaîne les projets à court terme, comme Yahoo ! Voyages, Yahoo ! Personals – un site de rencontres aujourd’hui fermé –, ou encore Flickr. Après ces douze années passées dans le privé, Sihem Amer-Yahia souhaitait renouer avec le monde académique. Au printemps 2011, elle rejoint donc l’Institut de recherche en informatique du Qatar, où elle met au point, avec la chaîne de télé vision Al Jazeera et des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology, de nouveaux outils d’analyse pour aider les journalistes à mieux cerner leur public. À la fin de cette même année, elle tente sa chance au CNRS et intègre |