CNRS Le Journal n°268 sep/oct 2012
CNRS Le Journal n°268 sep/oct 2012
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°268 de sep/oct 2012

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,5 Mo

  • Dans ce numéro : La Nature pour modèle

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 26 - 27  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
26 27
©C. ZANNETTACCI/MUSÉE DU QUAI BRANLY ©J.-P. SAUVAGE/CNRS PHOTOTHÈQUE w POLYMÈRE. Macromolécule constituée par la répétition d’unités de base. 26 | L’enquête CNRS I LE JOURNAL Se rapprocher de la complexité de la nature, un enjeu pour Jean-François Lutz, de l’Institut du CNRS Charles-Sadron, à Strasbourg, qui développe une technique visant à maîtriser la construction d’un polymère. « Notre objectif est de contrôler l’ordre des molécules qui le composent de manière similaire à la nature lorsqu’elle écrit les séquences de bases de l’ADN », explique le chercheur. Pour ce faire, les scientifiques alsaciens font croître des macromolécules de polystyrène. Durant ce processus, des molécules spécifiques, les maléimides, sont insérées à des temps précis entre les maillons du polymère. Leur avantage ? En leur ajoutant un groupe spécifique d’atomes, elles peuvent être différenciées. Le laboratoire en a mis au point une trentaine : autant de lettres d’un alphabet moléculaire. « Pour l’heure, nous parvenons à en incorporer une dizaine d’entre elles sur chaque chaîne », précise Jean-François Lutz. w Apprenti amateur d’art, le robot Berenson a passé une semaine au musée du quai Branly en avril dernier. « Un visiteur lui indiquait s’il aimait ou non les statues devant lesquelles il passait. Berenson apprenait ainsi le style qui plaisait à cette personne, notamment du point de vue des formes », détaille Philippe Gaussier, de l’Équipe traitement de l’information et système 1, responsable avec DES MOTEURS QUI ONT DU MUSCLE Et s’il était possible d’imiter le muscle dans ses détails les plus fins ? C’est l’un des paris relevés il y a quelques années par les chercheurs de l’Institut de chimie de Strasbourg 1, qui poursuivent leurs efforts pour développer des dispositifs appelés moteurs moléculaires. « En 2000, nous avons synthétisé un premier moteur qui mime le glissement des filaments d’actine sur ceux de myosine 2 dans les muscles, raconte Jean-Pierre Sauvage, pionnier dans ce domaine. La contraction ou l’allongement de notre système se produit grâce à une réaction chimique appropriée. » Aujourd’hui, le laboratoire alsacien poursuit ces travaux en assemblant un polymère à partir d’un moteur moléculaire initial optimisé. « On pourrait q Muscle moléculaire de synthèse capable de se contracter et de s’allonger. DES MOLÉCULES EN BON ORDRE envisager d’utiliser de tels systèmes dans la fabrication de dispositifs électro-, photoou chimio-mécaniques, mais il s’agit pour le moment de mimer le fonctionnement du muscle ; il est prématuré de parler de bionique », prévient Jean-Pierre Sauvage. Des moteurs d’un autre genre sont également sur l’établi. « Nous mimons le fonctionnement des protéines chaperons. Celles-ci accueillent dans leur cavité naturelle des enzymes qui ne sont plus actives, car ayant subi des déformations. Grâce à une sorte de massage, la protéine chaperon leur redonne leur forme initiale. En nous inspirant de ce mécanisme, nous avons créé un compresseur moléculaire capable de capturer une molécule et d’en modifier la forme. » 1. Unité CNRS/Université de Strasbourg. 2. L’actine et la myosine sont les deux principaux constituants des fibres musculaires. Leur interaction dynamique permet la contraction musculaire. CONTACT : Jean-Pierre Sauvage, jpsauvage@unistra.fr À ce stade, les séquences créées comportent encore quelques défauts. Mais les perspectives sont énormes, notamment dans le domaine du stockage de l’information. « Les maillons d’un polymère pourraient représenter des bits d’information à l’échelle de l’angström, soit de 10 à 1000 fois plus petite que celle des nanotechnologies actuelles », souligne le chercheur. Autre déclinaison de cette approche : introduire dans ces polymères d’un nouveau genre des parties aux propriétés intéressantes, hydrophobes, hydrophiles, chargées négativement ou positivement, ouvrant le champ à des machines monomoléculaires pouvant catalyser certaines réactions comme le font les enzymes. « Il faudra toutefois patienter, peut-être entre dix et vingt ans, avant de voir ces applications fonctionner », estime Jean-François Lutz. CONTACT : Jean-François Lutz, jflutz@unistra.fr l’anthropologue Denis Vidal 2 de ce projet cofinancé par l’entreprise Partenering 3.0. et le Labex Patrima. Ensuite, selon la préférence esthétique que le robot venait ainsi d’acquérir, il souriait ou grimaçait en regardant de nouvelles statues. » 1. Unité CNRS/UCP/Ensea. 2. De l’Institut de recherche pour le développement. CONTACT : Philippe Gaussier, gaussier@ensea.fr © PHOTOS : F. SCHNELL/NS3E/ISL DES ANTENNES q Les antennes du bombyx du mûrier (à gauche) sont composées de brins millimétriques porteurs de nombreuses sensilles directement reliées aux neurones sensoriels. Ce microlevier
© A. ANGELOVA, B. ANGELOV, V.M. GARAMUS, P.COUVREUR, S. LESIEUR/J. PHYS. CHEM. LETT. 2012 N°268 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2012 L’enquête | 27 DE NOUVEAUX VÉHICULES POUR LES MÉDICAMENTS La nature n’a pas son pareil pour créer des frontières. La cellule biologique illustre ce principe, avec sa paroi à la fois souple et solide. En 1965, le chercheur britannique Alec Bangham a simplifié son modèle et mis en évidence les premiers liposomes. Mesurant de 20 nanomètres à quelques microns, ces vésicules sont constituées de lipides qui s’auto-assemblent lorsqu’ils sont plongés dans l’eau. Un principe qui a été repris pour piéger des molécules d’intérêt. Injectés par voie intraveineuse, certains médicaments ainsi encapsulés sont transportés dans le sang, mais peu altérés. Une fois les liposomes absorbés par les cellules, leur membrane est détruite par des enzymes, et la substance active, libérée. L’un des enjeux actuels consiste à optimiser le ciblage des cellules malades. À l’Institut Galien Paris-Sud 1, l’équipe de Sylviane Lesieur s’y intéresse. « Certaines bactéries s’alignent et se meuvent sous l’influence du champ magnétique terrestre, explique la chercheuse. En comprenant leur fonctionnement, nous avons élaboré les magnétoliposomes. Grâce à un aimant, il est possible de concentrer la substance anticancéreuse qu’ils transportent dans des tumeurs malignes et de les résoudre plus efficacement. » Autre innovation, portée par Angelina Angelova, du même laboratoire, en partenariat avec l’Institut de chimie macromoléculaire de Prague : les cubosomes ou hexagosomes. Ces nanoparticules sont de vraies éponges qui permettront d’embarquer une plus grande quantité de molécules biologiquement actives. 1. Unité CNRS/Université Paris-Sud. CONTACT : Sylviane Lesieur, sylviane.lesieur@u-psud.fr DE PAPILLON POUR RENIFLER LES EXPLOSIFS détecteur d’explosifs (à droite), recouvert de nanotubes de TiO2, en imite le principe. À voir sur le journal en ligne : la série complète des images sur ce sujet. q Similitude structurelle entre le virus CCMV (à gauche) et une nanoparticule lipidique de type cubosome (à droite). À voir sur le journal en ligne : le film Médaille de l’innovation CNRS 2012 : Patrick Couvreur et une série d’images sur ce sujet. Un détecteur d’explosif inspiré des antennes d’un papillon a été conçu par les chercheurs du laboratoire alsacien Nanomatériaux pour les systèmes sous sollicitations extrêmes 1, en collaboration avec le Laboratoire des matériaux, surfaces et procédés pour la catalyse 2, à Strasbourg. Constitué d’un microlevier en silicium portant près de 500 000 nanotubes de dioxyde de titane, il repère des concentrations de trinitrotoluène (TNT) de l’ordre de 800 parties par quadrillion (ppq), soit 800 molécules de TNT parmi 10 000 milliards de molécules d’air. Un immense bon en avant, les systèmes actuels ne détectant qu’une molécule pour 1 milliard de molécules d’air. Concrètement, pour savoir si l’air ambiant contient des traces de TNT, il suffit de faire vibrer PRODUIRE L’HYDROGÈNE COMME LES PLANTES Parmi les nouvelles technologies de l’énergie, l’utilisation de l’hydrogène est une solution séduisante. Mais la filière ne peut se développer qu’avec la maîtrise de la première étape-clé : la production d’hydrogène en grande quantité. Le procédé le plus courant consiste à électrolyser, soit à casser par un courant électrique, la molécule d’eau. Une technique qui nécessite l’utilisation de platine comme catalyseur, un métal extrêmement rare et coûteux. Est-il possible de s’en affranchir ? « Pour mettre en œuvre la photosynthèse, la nature produit des catalyseurs remarquables, les hydrogénases, des enzymes qui existent dans de nombreux organismes », renseigne Marc Fontecave, directeur du laboratoire Chimie des processus biologiques 1, à Paris. Ces hydrogénases utilisent exclusivement des métaux abondants comme le fer et le nickel pour produire l’hydrogène. Il y a quelques années, les chimistes du CNRS et du CEA s’en sont inspirés pour développer un catalyseur d’hydrogène synthétique qu’ils ont associé à des nanotubes de carbone afin d’améliorer son activité. Aujourd’hui, leurs travaux se poursuivent : amélioration du catalyseur initial, développement de nouveaux matériaux d’électrode sur le même modèle, à base de cobalt cette fois. 1. Unité CNRS/Collège de France. CONTACT : Marc Fontecave, mfontecave@cea.fr le microlevier : la manière dont il vibre est modifiée lorsqu’il absorbe des molécules d’explosifs. Les 500 000 nanotubes, alignés verticalement sur le microlevier, permettent de multiplier par cent sa surface de détection et augmentent d’autant les chances de capturer les molécules recherchées. Pour imaginer ce détecteur, les scientifiques se sont inspirés du bombyx du mûrier, un papillon de nuit pouvant réagir à quelques molécules de phéromones seulement. Reste désormais à adapter le système pour détecter d’autres explosifs et à l’intégrer à un appareil facilement utilisable. 1. Unité CNRS/ISL. 2. Unité CNRS/Université de Strasbourg. CONTACT : Denis Spitzer, denis.spitzer@isl.eu q Production d’hydrogène, sous irradiation lumineuse, à l’aide d’un photocatalyseur bio-inspiré. À voir sur le journal en ligne : le film Hydrogène au volant et une série d’images sur ce sujet. Pour en savoir + à lire i Biomimétisme Quand la nature inspire des innovations durables Janine M. Benyus, Rue de l’échiquier, coll. « Initial(e)s DD », 2011, 400 p. La Bionique Quand la science imite la nature Agnès Guillot et Jean-Arcady Meyer, Dunod, coll. « Universciences », 2008, 248 p. Chimie des matériaux hybrides Clément Sanchez, Collège de France/Fayard, coll. « Leçons inaugurales du Collège de France », 2012, 88 p. Photonique des Morphos Serge Berthier, Springer, 2010, 248 p. Robots étrangement humains Emmanuel Grimaud et Denis Vidal (dir.), Gradhiva, n°15, 2012, musée du quai Branly, 240 p. © G. PARNALLAND/FOTOLIA © P.AVAVIAN/CEA



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :