©C. ZANNETTACCI/MUSÉE DU QUAI BRANLY ©J.-P. SAUVAGE/CNRS PHOTOTHÈQUE w POLYMÈRE. Macromolécule constituée par la répétition d’unités de base. 26 | L’enquête CNRS I LE JOURNAL Se rapprocher de la complexité de la nature, un enjeu pour Jean-François Lutz, de l’Institut du CNRS Charles-Sadron, à Strasbourg, qui développe une technique visant à maîtriser la construction d’un polymère. « Notre objectif est de contrôler l’ordre des molécules qui le composent de manière similaire à la nature lorsqu’elle écrit les séquences de bases de l’ADN », explique le chercheur. Pour ce faire, les scientifiques alsaciens font croître des macromolécules de polystyrène. Durant ce processus, des molécules spécifiques, les maléimides, sont insérées à des temps précis entre les maillons du polymère. Leur avantage ? En leur ajoutant un groupe spécifique d’atomes, elles peuvent être différenciées. Le laboratoire en a mis au point une trentaine : autant de lettres d’un alphabet moléculaire. « Pour l’heure, nous parvenons à en incorporer une dizaine d’entre elles sur chaque chaîne », précise Jean-François Lutz. w Apprenti amateur d’art, le robot Berenson a passé une semaine au musée du quai Branly en avril dernier. « Un visiteur lui indiquait s’il aimait ou non les statues devant lesquelles il passait. Berenson apprenait ainsi le style qui plaisait à cette personne, notamment du point de vue des formes », détaille Philippe Gaussier, de l’Équipe traitement de l’information et système 1, responsable avec DES MOTEURS QUI ONT DU MUSCLE Et s’il était possible d’imiter le muscle dans ses détails les plus fins ? C’est l’un des paris relevés il y a quelques années par les chercheurs de l’Institut de chimie de Strasbourg 1, qui poursuivent leurs efforts pour développer des dispositifs appelés moteurs moléculaires. « En 2000, nous avons synthétisé un premier moteur qui mime le glissement des filaments d’actine sur ceux de myosine 2 dans les muscles, raconte Jean-Pierre Sauvage, pionnier dans ce domaine. La contraction ou l’allongement de notre système se produit grâce à une réaction chimique appropriée. » Aujourd’hui, le laboratoire alsacien poursuit ces travaux en assemblant un polymère à partir d’un moteur moléculaire initial optimisé. « On pourrait q Muscle moléculaire de synthèse capable de se contracter et de s’allonger. DES MOLÉCULES EN BON ORDRE envisager d’utiliser de tels systèmes dans la fabrication de dispositifs électro-, photoou chimio-mécaniques, mais il s’agit pour le moment de mimer le fonctionnement du muscle ; il est prématuré de parler de bionique », prévient Jean-Pierre Sauvage. Des moteurs d’un autre genre sont également sur l’établi. « Nous mimons le fonctionnement des protéines chaperons. Celles-ci accueillent dans leur cavité naturelle des enzymes qui ne sont plus actives, car ayant subi des déformations. Grâce à une sorte de massage, la protéine chaperon leur redonne leur forme initiale. En nous inspirant de ce mécanisme, nous avons créé un compresseur moléculaire capable de capturer une molécule et d’en modifier la forme. » 1. Unité CNRS/Université de Strasbourg. 2. L’actine et la myosine sont les deux principaux constituants des fibres musculaires. Leur interaction dynamique permet la contraction musculaire. CONTACT : Jean-Pierre Sauvage, jpsauvage@unistra.fr À ce stade, les séquences créées comportent encore quelques défauts. Mais les perspectives sont énormes, notamment dans le domaine du stockage de l’information. « Les maillons d’un polymère pourraient représenter des bits d’information à l’échelle de l’angström, soit de 10 à 1000 fois plus petite que celle des nanotechnologies actuelles », souligne le chercheur. Autre déclinaison de cette approche : introduire dans ces polymères d’un nouveau genre des parties aux propriétés intéressantes, hydrophobes, hydrophiles, chargées négativement ou positivement, ouvrant le champ à des machines monomoléculaires pouvant catalyser certaines réactions comme le font les enzymes. « Il faudra toutefois patienter, peut-être entre dix et vingt ans, avant de voir ces applications fonctionner », estime Jean-François Lutz. CONTACT : Jean-François Lutz, jflutz@unistra.fr l’anthropologue Denis Vidal 2 de ce projet cofinancé par l’entreprise Partenering 3.0. et le Labex Patrima. Ensuite, selon la préférence esthétique que le robot venait ainsi d’acquérir, il souriait ou grimaçait en regardant de nouvelles statues. » 1. Unité CNRS/UCP/Ensea. 2. De l’Institut de recherche pour le développement. CONTACT : Philippe Gaussier, gaussier@ensea.fr © PHOTOS : F. SCHNELL/NS3E/ISL DES ANTENNES q Les antennes du bombyx du mûrier (à gauche) sont composées de brins millimétriques porteurs de nombreuses sensilles directement reliées aux neurones sensoriels. Ce microlevier |