© G. FÉREY/CNRS PHOTOTHÈQUE 08 w 08 Cette molécule de MIL-101 est inspirée des zéolithes, minéraux aux squelettes remplis de trous. 24 différentes n’est évidemment pas la seule prouesse de la nature qui intéresse les chimistes. La facilité avec laquelle les structures moléculaires organiques se font et se défont s’avère tout aussi inspirante. Ainsi, la chimie supramoléculaire, spécifique à ces liaisons moléculaires dites faibles et au phénomène d’autoassemblage, a été initiée il y a quarante ans par le Prix Nobel Jean-Marie Lehn, de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires 3, à Strasbourg. L’une des applications bio-inspirées est l’encapsulation de médicaments, qui reproduit l’auto-assemblage des membranes de cellules biologiques (lire l’encadré p. 27). DES TECHNIQUES COMPLEXES Mimer la nature n’est toutefois pas une tâche aisée : logique, sa complexité est le fruit de milliards d’années de perfectionnements. De nouvelles combinaisons sont ainsi sans arrêt testées. Un jeu de Lego qui n’a été que récemment observé au niveau des molécules organiques elles-mêmes. « En 2008, nous avons montré qu’au sein d’un mélange complexe de molécules, certaines peuvent se reconnaître et se dupliquer, expose Nicolas Giuseppone, directeur adjoint de l’Institut du CNRS Charles-Sadron, à Strasbourg. Apparaît alors un phénomène d’accroissement de l’espèce chimique qui se reproduit le plus efficacement, au détriment du reste. Ce qui peut être interprété comme une forme | L’enquête CNRS I LE JOURNAL 09 10 de darwinisme moléculaire. » Ce résultat s’inscrit dans le cadre de la toute jeune chimie combinatoire dynamique, qui consiste à élaborer certains produits en mélangeant un ensemble de molécules, puis en laissant les combinaisons conduire à une sélection naturelle du plus efficace. Une technique que les laboratoires pharmaceutiques testent actuellement pour fabriquer des médicaments. UNE RÉVOLUTION EN MARCHE ? À force de s’inspirer de la nature, les chimistes pourraient même mener, à terme, une vraie révolution en reproduisant l’une des caractéristiques fondamentales des êtres vivants : leur fonctionnement en système dit ouvert. Autrement dit, ils échangent constamment de la matière et de l’énergie avec leur environnement. « Traditionnellement, les chimistes Les fibres de 100 nanomètres de ce dispositif (09), élaboré à l’Institut Charles-Sadron (10), se forment par auto-assemblage de milliers de molécules et croissent par auto-réplication. © N. GIUSEPPONE utilisent des systèmes fermés : on mélange des produits dans un flacon, on attend et on observe ce qu’on a obtenu. Le résultat est un système mort qui n’évolue plus, expli que Ludovic Jullien. Le vivant produit et consomme sans cesse des molécules, de l’énergie. L’idée de concevoir de tels systèmes ouverts en chimie, qui évolueraient et s’adapteraient en fonction des contraintes environnementales, est un horizon fascinant. » Mais lointain. Cette chimie des systèmes reste pour le moment très fondamentale, et ses applications sont encore à inven-ter. Mais, en se fondant sur ce qui fait l’essence même de la vie, elle pourrait finir par constituer le nec plus ultra de la bio-inspiration. F. D. 1. Unité CNRS/ENS/UPMC. 2. Unité CNRS/UPMC/ENSCP/Collège de France. 3. Unité CNRS/Université de Strasbourg. CONTACTS : Nicolas Giuseppone > giuseppone@ics.u-strasbg.fr Ludovic Jullien > ludovic.jullien@ens.fr Clément Sanchez > clement.sanchez@upmc.fr ©C. FRÉSILLON/CNRS PHOTOTHÈQUE |