CNRS Le Journal n°268 sep/oct 2012
CNRS Le Journal n°268 sep/oct 2012
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°268 de sep/oct 2012

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,5 Mo

  • Dans ce numéro : La Nature pour modèle

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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© HASSAN/SHAMAN LABS w 22 sales ou sombres. Ceux-ci sont capables d’instaurer un champ électrique et d’en ressentir les perturbations induites par le milieu alentour. « Le corps est à la fois l’organe locomoteur et la surface sensible au travers de laquelle il perçoit le milieu, souligne le chercheur. Cela permet de faire des liens directs entre les sensations et les actions, sans passer par une représentation abstraite de l’ensemble de l’espace, très gourmande en calculs. » Ces liens, ce sont des boucles, dites sensori-motrices, rapides et nombreuses, sous forme d’algorithmes que les infor maticiens concoctent en étroite collaboration avec des neurobiologistes. « Avec cette approche sensori-motrice, le champ électrique interagit avec l’environnement proche. Cela provoque chez le robot des réactions directes et adaptées », complète Frédéric Boyer. 03 LES VERTUS DE LA SOUPLESSE Acroban et Sigmaban ont fait de la balançoire et dansé cet été à l’exposition internationale de Yeosu, en Corée du Sud. Ces robots humanoïdes, développés par le Laboratoire bordelais de recherche en informatique 1 et Inria, ont exhibé leurs articulations d’une souplesse remarquable. Leurs bras, bassin et colonne vertébrale adaptent en effet constamment leurs positions aux perturbations. Obtenir ce type de souplesse, qui reproduit l’élasticité des tissus vivants, c’est l’un des nouveaux défis des robots bio-inspirés. À terme, ils pourront ainsi encaisser les chocs sans se casser ni en restituer brutalement l’énergie. « C’est indispensable pour que les robots puissent interagir avec les hommes au quotidien sans les blesser », commente Frédéric Boyer, de l’Institut de recherche en communications et cybernétique de Nantes. « L’autre intérêt, c’est de leur permettre d’exécuter des mouvements avec moins de précision sans rater leur prise, parce que leur élasticité compensera les petits chocs dus aux imprécisions », indique le chercheur. Bénéfice net pour la cervelle du robot : des tonnes de calculs en moins avant de faire le moindre geste. 1. Unité CNRS/Université Bordeaux-I/Université Bordeaux-Segalen/IPB. EN LIGNE. > www.rhoban-project.org/| L’enquête CNRS I LE JOURNAL 03 En poussant son collègue qui se prélasse sur sa balancelle, Acroban dévoile la souplesse de ses bras qui absorbent les chocs. ŒIL COMPOSÉ. Juxtaposition de plusieurs petits yeux élémentaires. Copier l’autonomie des animaux, et notam ment des insectes, offre bien d’autres avantages : une agilité et une compacité inédites, pour une faible consommation d’énergie. Aucun engin volant actuel, bardé d’altimètres, de radars et de GPS, ne rivalise de fait avec les acrobaties de la mouche et de son modeste cerveau. « Elle possède un pilote automatique minimaliste qui repose notam ment sur le flux optique », informe Stéphane Viollet, responsable de l’équipe Biorobotique de l’Institut des sciences du mouvement 4, à Marseille. Ce flux, c’est la vitesse apparente des images qui défilent sur la rétine. Pour comprendre, il faut s’imaginer en vol à 50 mètres d’altitude : vu de là, un massif d’arbres semblera défiler très lentement. Tandis qu’à 1 mètre de haut seulement il aura l’air de défiler très vite. DES INSECTES INSPIRANTS Ce flux renseigne donc l’insecte sur la distance qui le sépare du sol. Et le principe est le même avec le défilement des images de n’importe quel obstacle sur la rétine panoramique de la voltigeuse. En définitive, une poignée de neurones dédiés à la détection de mouvements lui suffisent pour naviguer en toute sérénité. « Nous avons déjà montré, il y a quelques années, qu’un petit robot, Octave, mini-hélicoptère de 100 grammes accroché à une perche, parvenait à contrôler automatiquement son altitude, à décoller et à atterrir en douceur grâce à un œil sommaire de seulement 2 pixels et fondé sur le flux optique », commente Stéphane Viollet. Les informations captées par les pixels sont transmises à un circuit électronique, lequel reproduit fidèlement les neurones de la mouche détecteurs de mouvement. Cet efficace pilote automatique a déjà donné naissance à un brevet CNRS. Les chercheurs veulent maintenant le perfectionner. En plus du flux optique, leur futur capteur visuel s’inspire de l’anatomie de l’œil de la mouche drosophile et de ses 600 facettes. « Pour la première fois au monde, nous avons construit un œil composé de forme incur vée et souple. Il est couvert d’environ 600 yeux élémentaires composés d’une micro lentille et d’un pixel. Chaque 04 05 œil a un champ visuel de quelques degrés dans une direction différente des autres », précise Stéphane Viollet, qui est l’un des responsables scientifiques de ce projet baptisé Curvace et financé par l’Union européenne. Résultat : un champ visuel de 180 degrés, quand l’œil précédent ne disposait que d’une vision limitée à quelques degrés. Reste à fignoler les algorithmes et l’électronique embarquée. « C’est un défi majeur étant donné la compacité de Curvace », insiste le chercheur, rappelant que le dispositif d’une dizaine de millimètres de diamètre est aussi léger qu’une pièce de 2 centimes, pour une consommation de quelques milliwatts seulement. TOUJOURS PLUS D’AUTONOMIE Le laboratoire collabore dès à présent avec le groupe PSA Peugeot-Citroën. Cela donnera peut-être bientôt des capteurs optiques de détection de chocs frontaux pour assister le freinage des voitures. Ainsi que des détecteurs de mouvements de la main qui permettront au conducteur d’actionner différentes commandes sans les toucher. « Mais le © DGA/F. VRIGNAUD
N°268 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2012 L’enquête | 23 w À voir sur le journal en ligne : le reportage photo à l’Institut des sciences du mouvement. but ultime est de construire un petit robot volant autonome d’une centaine de grammes capable de voler comme les mouches ou les abeilles, évitement d’obstacles et vol stationnaire compris, explique Stéphane Viollet. À ce sujet, nous avons prouvé il y a quelques mois que notre robot Oscar parvenait à se stabiliser en vol en fixant son œil sur une cible, même si son corps subissait quantité de perturbations. Exactement comme le colibri butinant une fleur. » En partenariat avec Astrium, l’Onéra et l’ESA, son collègue Franck Ruffier imagine déjà des applications pour améliorer l’autonomie des micro-aéronefs de demain. Sur la Lune, Mars ou ailleurs, ils devront explo rer seuls des territoires inconnus et, bien sûr, sans GPS…C. Z. 1. Unité CNRS/Université de Nantes/Centrale Nantes/École des mines de Nantes. 2. Partenaires de l’Irccyn sur ce projet : EPFL, SSSA, IIBCE, Subatech, Unic, Ubo et Udelar. 3. Mathématicien pionnier de l’intelligence artificielle (1912-1954), lire notre hors-série de mai 2012 : http:Ilwww2.cnrs.fr/journal/4787.htm 4. Unité CNRS/Aix-Marseille Université. CONTACTS : Frédéric Boyer > frederic.boyer@mines-nantes.fr Franck Ruffier > franck.ruffier@univ-amu.fr Stéphane Viollet > stephane.viollet@univ-amu.fr © H. RAGUET/CNRS PHOTOTHÈQUE 04 Franck Ruffier et son mini-hélicoptère, Octave. Accroché à une perche, ce dernier adapte son altitude suivant le défilement des bandes qu’il voit au sol. 05 Ce défilement s’inspire du flux optique qui permet à certains insectes de naviguer, comme cette abeille, dont on étudie le vol dans un corridor couvert de bandes de diverses largeurs. 06 Cette vitre autonettoyante utilise les propriétés hydrophobes de l’effet lotus, observé dans les années 1970 sur la plante éponyme. 07 Comme les feuilles de lotus, la surface de cette plaque est hérissée de microrugosités qui permettent aux gouttes d’eau de garder une forme de perle. Les chimistes à l’école du vivant Paul Valéry écrivait que « c’est en copiant qu’on invente ». Nombre de chimistes, appliqués à imiter les processus naturels, pourraient faire leur cet adage. « La chimie bio-inspirée a démarré et connu de gros développements dans les années 1970, explique Ludovic Jullien, directeur du laboratoire Processus d’activation sélectif par transfert d’énergie uni-électronique ou radiatif 1, à Paris. Au départ, on essayait de reproduire certaines structures moléculaires qui remplissent une fonction biologique, par exemple la photosynthèse ou la catalyse. » Quarante ans plus tard, des progrès impor tants conduisent à de multiples applications, certaines encore balbutiantes, comme la production d’hydrogène ou les moteurs moléculaires, et d’autres plus proches du stade industriel, comme les nanomédicaments. UNE SOURCE D’INNOVATIONS Un domaine à part entière de la chimie a même fait un grand bond en avant grâce à la bio-inspiration : la chimie des matériaux. Elle s’est enrichie en comprenant comment certains organismes vivants marient des molécules organiques et miné rales pour construire des structures aux propriétés intéressantes (lire l’encadré p. 25). Les innovations qui en découlent sont nombreuses : nanoparticules anticancéreuses, dépôts anticorrosion ou encore capteurs de gaz rares. « Face aux préoccupations économiques et écologiques qui exigent de plus en plus des maté riaux qu’ils soient recyclables, biodégradables, très performants, voire intelligents, les matériaux hybrides naturels représentent à la fois un modèle, un potentiel de ressources et une source d’inspiration inépuisables, explique Clément Sanchez, du laboratoire Chimie de la mati ère condensée de Paris 2. Le chimiste des maté riaux est à l’école du monde vivant. » Lier des molécules d’essences 06 07 © R.F. APPENZELLER © D. QUÉRÉ, M. CALLIES/CNRS PHOTOTHÈQUE



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