16 À l’étage en dessous, ce ne sont plus ces piqûres qui intéressent les scientifiques, mais les tide lines, des lignes brunes. La chercheuse Anne-Laurence Dupont et ses collègues s’investissent dans un vaste programme international d’étude de ces auréoles colorées qui surgissent sur le papier lorsqu’il est mis en contact avec de l’eau. Parallèlement, ils examinent un procédé faisant appel à un solvant à base de composés, appelés aminoalkylalcoxysilanes, pour renforcer des documents fortement fragilisés par l’acidification, tel ce vieux journal protégé par une poche plastique qu’Anne-Laurence Dupont tire d’une armoire et que l’on ne parviendrait pas à manipuler sans qu’il tombe en miettes. Et ce n’est pas le seul trésor que recèlent les placards du centre de conservation. La chercheuse Véronique Rouchon vient d’achever l’examen de l’un des papiers les plus anciens au monde, un échantillon vieux de deux mille ans, découvert en 2006 par l’équipe de Jean-Paul Desroches et de Guilhem André, du laboratoire Archéologies et sciences de l’Antiquité 3, lors de la mission archéologique française en Mongolie, et conservé depuis précieusement dans une boîte en polystyrène. 11 | En images CNRS I LE JOURNAL À voir sur le journal en ligne : le film Les Autochromes Lumière et la suite du reportage photo au CRCC. Véronique Rouchon et ses collègues se penchent aussi sur l’encre noire dite ferro-gallique. « Principal moyen d’écriture en Europe occidentale du Moyen Âge au xix e siècle, fabri quée à partir de sulfate de fer, de gomme arabique et de noix de galle, elle pose un problème récur rent aux conservateurs, explique la scientifique. Avec le temps, elle diffuse à travers le papier, en brunit le verso et en détériore la cellulose jusqu’à créer des fractures et des trous. » Les chercheurs ont établi que le fer II, contenu dans l’encre, était le principal agent chimique de cette dégradation. Ils ont alors reproduit artificiellement le phénomène afin d’identifier le traitement le plus efficace à mettre en œuvre dans le cas des documents très endommagés. Au terme de cette vaste étude conduite durant une dizaine d’années, en partie au synchrotron Soleil d’Orsay, ils ont proposé des traitements inédits, consistant non plus en une immersion dans une solution, mais en un simple contact avec un inter calaire chargé en produits actifs. Innover pour conserver l’ancien, telle est la vocation du CRCC. 1. Unité CNRS/MNHN/MCC. 2. Unité MCC. 3. Unité CNRS/Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense/Université Paris-I-Panthéon-Sorbonne/MCC. CONTACT : Centre de recherche sur la conservation des collections, Paris Bertrand Lavédrine > lavedrin@mnhn.fr 09 10 08 08 Les spécialistes du CRCC doivent évaluer les procédés de restauration du papier dégradé par les encres anciennes. Pour cela, ils prélèvent des échantillons sur de vieux documents dont ils étudient le comportement. 09 10 D’autres travaux se rapportent au conditionnement des manuscrits anciens. Du papier neuf est imprégné d’encres et soumis à différents environnements. Ses propriétés sont ensuite analysées. Cette méthodologie a permis de développer une technique innovante de stabilisation des papiers très endommagés. 11 Victimes de l’acidification, certains vieux documents faits à partir de pâte à bois non purifiée sont difficilement manipulables. Le CRCC a mis au point des traitements de masse capables de renforcer des échantillons dont les scientifiques testent ensuite, comme ici, les propriétés mécaniques. EN LIGNE. Plus d’infos sur les Journées du patrimoine au CNRS : > www.cnrs.fr/journees-patrimoine © PHOTOS : B. LETERRIER/CNRS PHOTOTHÈQUE |