CNRS Le Journal n°268 sep/oct 2012
CNRS Le Journal n°268 sep/oct 2012
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°268 de sep/oct 2012

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,5 Mo

  • Dans ce numéro : La Nature pour modèle

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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16 À l’étage en dessous, ce ne sont plus ces piqûres qui intéressent les scientifiques, mais les tide lines, des lignes brunes. La chercheuse Anne-Laurence Dupont et ses collègues s’investissent dans un vaste programme international d’étude de ces auréoles colorées qui surgissent sur le papier lorsqu’il est mis en contact avec de l’eau. Parallèlement, ils examinent un procédé faisant appel à un solvant à base de composés, appelés aminoalkylalcoxysilanes, pour renforcer des documents fortement fragilisés par l’acidification, tel ce vieux journal protégé par une poche plastique qu’Anne-Laurence Dupont tire d’une armoire et que l’on ne parviendrait pas à manipuler sans qu’il tombe en miettes. Et ce n’est pas le seul trésor que recèlent les placards du centre de conservation. La chercheuse Véronique Rouchon vient d’achever l’examen de l’un des papiers les plus anciens au monde, un échantillon vieux de deux mille ans, découvert en 2006 par l’équipe de Jean-Paul Desroches et de Guilhem André, du laboratoire Archéologies et sciences de l’Antiquité 3, lors de la mission archéologique française en Mongolie, et conservé depuis précieusement dans une boîte en polystyrène. 11 | En images CNRS I LE JOURNAL À voir sur le journal en ligne : le film Les Autochromes Lumière et la suite du reportage photo au CRCC. Véronique Rouchon et ses collègues se penchent aussi sur l’encre noire dite ferro-gallique. « Principal moyen d’écriture en Europe occidentale du Moyen Âge au xix e siècle, fabri quée à partir de sulfate de fer, de gomme arabique et de noix de galle, elle pose un problème récur rent aux conservateurs, explique la scientifique. Avec le temps, elle diffuse à travers le papier, en brunit le verso et en détériore la cellulose jusqu’à créer des fractures et des trous. » Les chercheurs ont établi que le fer II, contenu dans l’encre, était le principal agent chimique de cette dégradation. Ils ont alors reproduit artificiellement le phénomène afin d’identifier le traitement le plus efficace à mettre en œuvre dans le cas des documents très endommagés. Au terme de cette vaste étude conduite durant une dizaine d’années, en partie au synchrotron Soleil d’Orsay, ils ont proposé des traitements inédits, consistant non plus en une immersion dans une solution, mais en un simple contact avec un inter calaire chargé en produits actifs. Innover pour conserver l’ancien, telle est la vocation du CRCC. 1. Unité CNRS/MNHN/MCC. 2. Unité MCC. 3. Unité CNRS/Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense/Université Paris-I-Panthéon-Sorbonne/MCC. CONTACT : Centre de recherche sur la conservation des collections, Paris Bertrand Lavédrine > lavedrin@mnhn.fr 09 10 08 08 Les spécialistes du CRCC doivent évaluer les procédés de restauration du papier dégradé par les encres anciennes. Pour cela, ils prélèvent des échantillons sur de vieux documents dont ils étudient le comportement. 09 10 D’autres travaux se rapportent au conditionnement des manuscrits anciens. Du papier neuf est imprégné d’encres et soumis à différents environnements. Ses propriétés sont ensuite analysées. Cette méthodologie a permis de développer une technique innovante de stabilisation des papiers très endommagés. 11 Victimes de l’acidification, certains vieux documents faits à partir de pâte à bois non purifiée sont difficilement manipulables. Le CRCC a mis au point des traitements de masse capables de renforcer des échantillons dont les scientifiques testent ensuite, comme ici, les propriétés mécaniques. EN LIGNE. Plus d’infos sur les Journées du patrimoine au CNRS : > www.cnrs.fr/journees-patrimoine © PHOTOS : B. LETERRIER/CNRS PHOTOTHÈQUE
N°268 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2012 Décryptage | 17 PAR GAËLLE LAHOREAU Demain, les dépouilles humaines fourniront-elles des cellules souches pour guérir les patients atteints de myopathies, de diabète ou de maladies neurodégénératives ? C’est l’une des perspectives de travaux publiés dans Nature Communications 1 en juin. Pourtant, leur enjeu initial était tout autre : trouver la cause du décès d’un patient mort depuis quatre jours. L’aspect bien conservé des cellules souches de muscles a surpris les chercheurs, qui se sont mis à les cultiver. Avec succès : elles se sont multipliées et différenciées en fibres musculaires. CE QUE L’ON VIENT DE DÉCOUVRIR « Nous n’imaginions pas que des cellules puissent survivre dans un cadavre plus de deux jours », se souvient le biologiste Shahragim Tajbakhsh, coauteur de ces travaux. Or on sait désormais que les cellules souches musculaires peuvent survivre au moins dix-sept jours : l’étude a en effet porté sur seize personnes décédées entre six et dix-sept jours auparavant. Comment expliquer cette longévité en l’absence de circulation sanguine, d’oxygène et de nutriments ? « Lorsqu’elles sont dans des conditions défavorables, les cellules souches entrent en mode « crise », analyse le chercheur. Pour cela, elles réduisent leur activité et leur nombre de mitochondries, ces usines qui produisent de l’énergie à partir d’oxygène. » Privées de cette matière première, les cellules hiberneraient en quelque sorte. CE QUE CES TRAVAUX IMPLIQUENT Première retombée : « Nous savons désormais que, pour conserver des cellules souches, il faut les maintenir dans un milieu très pauvre en oxygène afin Biologie Les cellules souches de muscles peuvent survivre plusieurs semaines après la mort. Le chercheur Shahragim Tajbakhsh évoque les perspectives de cette découverte. Des cellules souches exploitables post mortem ? © PHOTOS : INSTITUT PASTEUR CELLULES SOUCHES. Présentes notamment dans l’embryon, le sang de cordon et différents tissus après la naissance, ces cellules indifférenciées peuvent se spécialiser en cellules du foie, du pancréas, etc. qu’elles se mettent en dormance, indique Shahragim Tajbakhsh. Or, actuellement, les tissus sont gardés à l’air ambiant. En les plaçant simplement dans des sachets dédiés à la culture des bactéries anaérobies [qui n’ont pas besoin d’oxygène,ndlr], nous avons conservé des cellules souches de muscles entre deux et trois semaines. » Bien au-delà donc des deux à trois jours généralement de mise. Un brevet international sur cette méthode a été déposé. CE QUE CELA POURRAIT CHANGER « Cette découverte ouvre énormément de possibilités pour les scientifiques qui pourront prélever des cellules souches après les différentes démarches relatives au don. Par exemple sur des personnes atteintes d’une mala die rare, pour mieux comprendre leur pathologie ou tester des médicaments », explique Shahragim Tajbakhsh. Autre perspective : la thérapie cellulaire. Celle-ci est déjà pratiquée, notamment pour traiter des leucémies à partir de cellules souches prélevées dans la moelle osseuse de donneurs vivants. Le seront-elles bientôt SHAHRAGIM TAJBAKHSH Ce spécialiste de la formation des organes chez l’embryon et des muscles dirige l’unité Cellules souches s et développement (CNRS/Institut Pasteur). sur des personnes après leur mort ? D’un point de vue éthique, l’utilisation de cellules souches post mortem ne semble pas poser de questions spécifiques autres que celles relatives au don d’organes et de tissus. « C’est donc une source à considérer pour un éventuel usage clinique, souligne le biologiste. Cela ne réglerait pas le problème du rejet des cellules transplantées, mais permettrait d’avoir plus de donneurs potentiels et une meilleure compatibilité entre receveur et donneur. Nous pourrions ainsi réduire les listes d’attente, si longues pour les cellules souches de moelle, et, dans l’avenir, pour celles provenant d’autres organes. » 1. Nature Communications, 12 juin 2012, vol. 3, n°903. q Cette cellule (un myotube) a été créée in vitro à partir de tissu musculaire humain collecté dix-sept jours post mortem. CONTACT : Cellules souches et développement, Paris Shahragim Tajbakhsh > shahragim.tajbakhsh@pasteur.fr



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