w Par Vahé Ter Minassian 6 C’est un instrument unique au monde. Un dispositif monumental installé sur la commune de Caumont, en Ariège, sur 4 hectares, et constitué de 48 cages de 100 m 2 reliées entre elles par 76 couloirs de 20 mètres de long. Cette installation d’acier, de filets et de plastique, dont la livraison définitive est prévue en avril et l’inauguration, en mai, a un nom : le Métatron. Et un objectif : permettre aux écologues de réaliser des expériences grandeur nature sur des populations d’espèces terrestres et d’observer la migration de certains individus d’une zone à une autre, au gré des variations de leur environnement. Par exemple, le Métatron, dont 24 cages sont déjà opérationnelles, sert actuellement à tester la façon dont les espèces s’adaptent aux changements climatiques ou, au contraire, les fuient en colonisant de nouveaux territoires plus propices. Grâce à lui, les scientifiques peuvent mesurer pour la première fois, de manière contrôlée et à grande échelle, l’effet d’une augmentation de la tempé rature ou de l’humidité de l’air sur la dispersion des populations animales. Avec l’espoir de découvrir ce qui caractérise les individus les mieux à même de faire face à une modification du climat. un dispositif géant de 48 cages Cet instrument, dont le coût avoisine le million d’euros, a été imaginé à quelques kilomètres de Caumont, à la Station d’écologie expérimentale de Moulis 1, dirigée par Jean Clobert. Chacune des 48 unités va abriter une communauté d’espèces animales et végétales auxquelles les scientifiques pourront imposer des conditions d’humidité et de température parti culières. Comment ? En déclenchant par Internet ou depuis un ordinateur | L’événement cnrs I LE JOURNAL Instrument En Ariège, le Métatron va permettre de vastes expériences sur les déplacements des espèces en fonction de leur environnement. L’écologie grandeur nature Morphe. Sous-population d’individus d’une même espèce qui se différencient par leurs traits anatomiques et comportementaux. installé dans un préfabriqué l’ouverture d’un dispositif d’arrosage ou le déploiement de voiles d’ombrage. Ces paramètres seront ensuite contrôlés en continu et tout au long de l’année via l’informatique. Un tour de force technique bien sûr, mais surtout un service inédit qui ouvre la voie à des recherches très variées : évaluation de l’effet d’un parasite ou de prédateurs sur les écosystèmes, étude de la pollinisation d’un champ par des abeilles, interprétation des comportements des morphes d’une espèce ou encore, évidemment, mesure des conséquences des changements climatiques. C’est d’ailleurs sur ce dernier thème que l’équipe de Moulis réalise actuellement des expériences, en attendant la mise en place, en septembre prochain, d’un comité de pilotage chargé de sélectionner les projets, venus du monde entier, qui seront conduits au Métatron. Entamées l’été dernier sur les 24 cages existantes, les études abordent une nouvelle phase avec l’arrivée des beaux jours. Elles font appel à deux espèces modèles – le lézard et le papillon –, dont sont spécialistes Jean Clobert, qui anime 01 02 le réseau français des stations d’écologie expérimentale, et Michel Baguette, professeur au Muséum national d’histoire naturelle. « Bien qu’elles soient conduites indépendamment l’une de l’autre, ces expériences ont le même but, explique Michel Baguette. Répondre à la question : comment le changement climatique filtret-il les individus et sur quels critères ? » Quelle faune pour quel climat Pour ce faire, les biologistes examinent la manière dont des animaux réagissent à une variation de température ou d’humidité de l’atmosphère. Vont-ils rester sur place et s’adapter en réduisant leur fécondité ou vont-ils choisir la voie de l’exil en empruntant les corridors ? C’est précisément ce qu’essaient de comprendre les scientifiques. Chaque jour, durant toute la durée des expériences, ils attrapent dans l’installation les papillons qui se sont aventurés dans d’autres cages et récupèrent dans des pièges placés dans les couloirs les juvé niles de lézards ayant tenté de s’échapper. Puis ils soumettent ces bestioles à des batteries de tests physiologiques et cognitifs destinés à 01 02 Reconstitutions d’une prairie fauchée (à gauche) et d’une prairie humide non fauchée (à droite) au sein du Métatron. Des capteurs de température, d’humidité et de lumière ont été installés au milieu des deux cages. © photos : A. Trochet |