© R. Ruzgys 01 w 38 Événement wCertains ont déjà témoigné auprès de leurs compatriotes. D’autres n’en ont jamais parlé. Tous sont heureux de se livrer aux micros de ces chercheurs venus parfois de très loin pour recueillir leur histoire. L’histoire de leur vie, entamée en Pologne, en Ukraine, dans les trois États Baltes, en Roumanie, en Hongrie… Et qui a soudain basculé pour se poursuivre dans un camp de travail soviétique ou un village isolé de Sibérie. La voix de ces rescapés ne s’éteindra plus : elle retentit désormais sur la Toile, dans le muséevirtuel sobrement intitulé « Archives sonores-Mémoires européennes du Goulag », que le Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen 1, à Paris, vient de lancer, en collaboration avec la radio RFI, le Centre Marc-Bloch de Berlin, le Cefres 2 de Prague et le Centre franco-russe de recherches en sciences sociales et humaines de Moscou. « Avant et après la Seconde Guerre mondiale, près d’un million d’Européens ont été déportés, raconte Alain Blum, l’un des trois fondateurs du projet. Les technologies numériques nous permettent aujourd’hui de reconstituer une histoire collective à partir des témoignages individuels. » L’idée du site est née un jour de printemps 2005, lors d’une rencontre entre Alain Blum, | Culture cnrs I LE JOURNAL Les voix du Goulag © V. ARRAK 02 01 03 04 05 Photos de déportés dans les camps du Goulag et les villages isolés de Sibérie. 02 Dessin du train de déportation, au départ de Tartu, en Estonie (1949). sa collègue Marta Craveri et Valérie Nivelon, journaliste à RFI. Pour le financer, les chercheurs déposent un projet à l’Agence nationale de la recherche, qui sera accepté en 2007. De son côté, RFI fournira des moyens techniques, et surtout son expérience de la voix et de la prise de son. Jamais pareille entreprise transfrontalière n’a été menée. Des témoignages ont certes déjà été recueillis, mais toujours dans un cadre strictement national. EN LIGNE. > http:Ilmuseum.gulagmemories.eu Treize scientifiques européens – des anthropologues, des géographes, des historiens et des sociologues –, de huit nationalités différentes, partent donc à la recherche des rescapés des goulags dans leurs pays d’origine ou d’accueil, voire en Sibérie et au Kazakhstan pour ceux qui sont restés là où ils avaient été déportés, soixante ans plus tôt. Ils vont en retrouver 160. Qui sont-ils ? « Avant la guerre, ce sont surtout des membres des élites économiques, socia les ou politiques des pays nouvellement annexés », explique Marta Craveri. Après la guerre, les arrestations et déportations concernent les collaborateurs des nazis, vrais ou supposés, les combattants nationalistes et tous ceux qui sont soupçonnés de les aider, souvent des paysans. Des villages entiers sont brûlés, et les populations envoyées en Sibérie. Dans les camps du Goulag et les villagesperdus dans la taïga, la vie s’organise |