w Innovation 34 Un logiciel qui simule la filtration de l’eau par Laure cAILLOce wTraitement des eaux usées ou des effluents industriels et bientôt peutêtre dessalement de l’eau de mer… La nanofiltration, qui consiste à filtrer l’eau à l’aide d’une membrane percée de trous nanométriques, est en plein essor. Seulement voilà, évaluer l’efficacité du procédé n’est pas une mince affaire. Les tests grandeur nature sont très coûteux et, en l’absence de données précises sur les performances des membranes, les entreprises se retrouvent parfois à bâtir des installations surdimensionnées, ou au contraire à renoncer à leur projet. Développé depuis plusieurs années par des chercheurs du CNRS, un logiciel de simulation, baptisé Nanoflux, pourrait servir à contourner cet obstacle. Véritable outil d’aide à la décision, il permet d’estimer le nombre et la surface des membranes nécessaires pour un projet donné. Son histoire commence lorsque John Palmeri – actuellement chercheur au Laboratoire de physique théorique 1, à Toulouse – rejoint l’Institut européen des membranes (IEM) 2, à Montpellier, au début des années 1990. Sa mission : modéliser les transferts à travers les membranes de nanofiltration. Avec leurs pores à l’échelle dunanomètre, celles-ci retiennent les plus grosses molécules – polluants ou composés organiques, présents dans les eaux usées notamment – | Stratégie cnrs I LE JOURNAL et laissent passer les molécules d’eau ainsi que certains ions. Un procédé respectueux de l’environnement, qui évite l’utilisation de produits chimiques nocifs. L’outil, développé avec Patrice David, ingénieur d’étude à l’IEM, s’améliore au fil des ans et se dote d’une véritable interface utilisateurs, plus simple à manipuler par les chercheurs du laboratoire. Nanoflux contient une base de données des membranes commerciales existantes et permet de simuler le comportement de toutes les molécules et de tous les ions possibles, grâce à des critères de taille et de charge électrique. « Nous avons réalisé que Nanoflux ne servirait pas qu’à nos chercheurs, mais pourrait aussi intéresser des industriels », raconte John Palmeri. Le logiciel quitte alors les paillasses pour rejoindre le portefeuille de Fist, la filiale du CNRS destinée à la valorisation de la recherche. Ses développeurs ont eu raison : cinq licences, dont deux à l’international, ont déjà été vendues, et l’intérêt pour le logiciel ne cesse de grandir. 1. Unité CNRS/Université Paul-Sabatier. 2. Unité CNRS/ENSCM Chimie Montpellier/Université Montpellier-II. Contact : Laboratoire de physique théorique, Toulouse John Palmeri > john.palmeri@irsamc.ups-tlse.fr q De nombreux dispositifs sont testés pour améliorer la filtration de l’eau. © J. Dietl/FotoLIA ©n.CREFF Trois questions à Odile Cohen-Haguenauer, coordinatrice du réseau européen CliniGene « L’âge d’or de la thérapie génique » Du 7 au 9 avril, les experts du réseau européen CliniGene se réunissent à Paris pour faire le point sur les dernières avancées dans le domaine de la thérapie génique. Pouvezvous nous rappeler de quoi il s’agit ? La thérapie génique consiste, d’une manière générale, à introduire dans une cellule une séquence génétique (ADN ou ARN) tel un médicament afin de résoudre la ou les anomalies responsables d’une maladie. On exploite ainsi la connaissance du fonctionnement intime des gènes pour proposer des méthodes thérapeutiques inédites dans des maladies héréditaires rares, comme des déficits immunitaires ou des myopathies, et d’autres plus fréquentes : Parkinson, Alzheimer, rétinopathies, diabète, maladies cardio-vasculaires, du sang, etc. La thérapie génique a-t-elle beaucoup progressé ces dernières années ? Après des débuts en dents de scie, cette discipline médicale connaît de formidables avancées. Le colloque sera d’ailleurs l’occasion de montrer que l’âge d’or de la thérapie génique, dont CliniGene est le fer de lance européen, se concrétise enfin. Par exemple, dans l’adrénoleucodystrophie, une équipe française a pu interrompre la destruction progressive du cerveau. Par ailleurs, la thérapie génique a déjà permis à un enfant aveugle de recouvrer la vue ! S’agissant du cancer, les défis sont immenses et s’appuient sur l’approche combinée de la thérapie génique et de l’immunothérapie pour « ressusciter » la capacité à reconnaître une tumeur comme étrangère et à détruire les cellules malignes. Quels sont les principaux obstacles techniques restant à surmonter ? Il faut progresser dans la précision à chaque étape : cibler les séquences génétiques, le contrôle de leur expression au bon moment et au bon endroit pour obtenir l’effet escompté sans perturber le fonctionnement physiologique des autres gènes et de l’organisme. Un nouveau défi est de parvenir à fabriquer des produits de qualité pharmaceutique. Au sein du réseau d’excellence européen CliniGene, que je coordonne depuis le Laboratoire de biotechnologie et de pharmacologie appliquée 1, neuf plateformes technologiques travaillent dans la multidisciplinarité indispensable au progrès, grâce au soutien de la Commission européenne. Propos recueillis par Philippe Testard-Vaillant 1. Unité CNRS/ENS Cachan. Contact : Odile Cohen-Haguenauer > odile.cohen@ens-cachan.fr en ligne. > www.clinigene.eu |