w edgar morin en 5 dates 18 1921 Naissance à Paris 1950 Entrée au CNRS 1977 Publication du tome I de La Méthode 2001 Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres et de la Légion d’honneur 2010 Président du conseil scientifique de l’Institut des sciences de la communication Visionnez l’entretien du sociologue Michel Burnier avec Edgar Morin sur le journal feuilletable en ligne > www2.cnrs.fr/journal Propos recueillis par Stéphanie arc | Le grand entretien cnrs I LE JOURNAL Analyse Edgar Morin, philosophe et sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS, nous livre sa réflexion sur l’interdisciplinarité. L’indispensable rencontre des savoirs En juin 2010, votre nomination à la présidence du conseil scientifique de l’Institut des sciences de la communication du CNRS (iscc) 1 a couronné, à l’aube de vos 90 ans, une remarquable carrière au sein du CNRS. Elle se situe dans la droite ligne de vos recherches, fondatrices dans le domaine de la communication… Edgar Morin : En effet. Je me suis intéressé très tôt à la question de la communication, dont j’ai toujours pensé qu’elle était un élément fondamental de la vie sociale en ce qu’elle est indissociable de son organisation. Dès les années 1960, dans la lignée de la sociologie américaine de Paul Lazarsfeld, j’ai ainsi réalisé une étude sur les médias et « la culture de masse », cet univers culturel né de la communication 2. À la même époque, nous avons également créé, avec Georges Friedmannet Roland Barthes, le Centre d’études des communications de masse 3. Par la suite, la notion de communication a toujours été une dimension importante de mes recherches, jusqu’à mes réflexions actuelles sur l’affaire Wikileaks et Internet comme force libertaire extraordinaire. Autre exemple, dans mon dernier ouvrage, La Voie, je montre que le stade de la globalisation du monde, débutant avec l’effondrement du système soviétique et l’économie dite de capitalisme généralisé, coïncide avec le moment où la télécommunication immédiate est possible, par texte avec le fax puis Internet, par image avec la télévision et par son avec le téléphone portable… Autrement dit, le moment où la planète peut être instantanément réunie. Vous avez aussi montré que la communication est fondamentale dans le domaine de la recherche… E. M. : Tout mon travail a consisté à faire se rencontrer les savoirs. Et ce de diverses façons, car les échanges entre disciplines peuvent s’effectuer sous plusieurs formes, que j’ai appelées : transdisciplinarité, interdisciplinarité et polydisciplinarité. J’ai commencé par découvrir les vertus de la transdisciplinarité tandis que je © E. FougERE/VIP Images/Corbis menais, en 1948, des recherches sur l’homme et la mort 4. Au mot « mort », le catalogue de la Bibliothèque nationale n’indiquait en effet que deux ouvrages de métaphysique : j’ai donc dû entreprendre des recherches transversales dans l’ensemble des sciences humaines, de la Préhistoire à l’ethnographie, sans oublier les sciences des religions, la philosophie, la psychologie, la psychanalyse, l’histoire… mais aussi la biologie ! J’ai compris, du même coup, que réfléchir sur les problèmes fondamentaux requiert la jonction des connaissances de plusieurs disciplines. Plus tard, j’ai fait l’expérience de l’interdisciplinarité en participant à un vaste programme lancé en 1961 dans la commune de Plozévet 5, qui réunissait nombre de chercheurs en sciences humaines et sociales censés travailler ensemble. Ce qui n’est pas chose aisée… |