© conseil général de lASAVoie, ARCHives déPARtementales 01 10 km Genève w France 14 | En images cnrs I LE JOURNAL Histoire Pendant deux mille ans, les carrières du mont Vouan, en Haute-Savoie, ont été exploitées pour la qualité de leur roche : plus de 100 000 meules, ces disques de pierre qui équipaient les moulins, en ont ainsi été extraites. Sur le terrain, des scientifiques tentent de reconstituer l’histoire de ce site exceptionnel. Les secrets d’une belle carrière lac léman Mont Vouan Suisse Par Esther Leburgue « Les meulières racontent l’histoire du pain. » Partout où ses recherches l’ont mené, Alain Belmont, du Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes 1, a récolté des légendes sur ces carrières dont on extrayait, pendant des siècles, les meules des moulins. Elles témoignent de la richesse des propriétaires de ces gisements, mais surtout de l’importance des meules, des disques de roche atteignant jusqu’à 2 mètres de diamètre sur 50 centimètres d’épaisseur pour un poids de 4 tonnes, qui pouvaient coûter aussi cher qu’une maison. « Les hommes ont commencé à moudre le grain dès la Préhistoire et utilisent depuis cette époque des meules pour les aider dans ce travail », raconte le chercheur. La qualité de la roche a toujours été un élément crucial : une pierre trop friable, et voilà qu’au lieu de manger un pain blanc et moelleux vous mastiquiez un pain sombre plein de grains de sable qui finissaient par attaquer votre dentition. Les hommes ont donc compris très tôt la valeur d’un bon gisement. Le mont Vouan en est un. Cette montagne de Haute-Savoie, de 4 kilomètres de long sur 1 kilomètre de large, est un gruyère percé de 65 meulières, mises au jour par la campagne de fouilles dirigée par Alain Belmont. Le programme de recherche a débuté au premier trimestre 2010 et s’achèvera fin 2011. Le site du mont Vouan a été exploité entre le i er siècle avant ou après J.-C. et jusqu’en 1860-1870, une période pendant laquelle le scientifique estime qu’entre 100 000 et 200 000 meules sont sorties des entrailles de la montagne ! La méthode des artisans ? Après avoir mis à nu la roche puis tracé le contour de la future meule, ils la détouraient en creusant une tranchée circulaire large de 30 à 50 centimètres et profonde d’autant. Ils la détachaient ensuite en frappant doucement au marteau sur les coins, en se guidant avec le bruit et les vibrations. « Une enquête menée sous Napoléon nous apprend que les meules du mont Vouan équipaient les moulins de l’est du département de l’Ain, du canton de Genève, du sud du canton de Vaud et de toute la Haute-Savoie, à l’exception de la vallée de Chamonix, qui possédait sa propre carrière », précise Alain Belmont. Pourquoi un tel succès ? « La qualité de la roche du mont Vouan tient à son pourcentage élevé en silice. Les carottes que l’on a prélevées sur place confirment sa résistance », ajoute-t-il. En 2010, la campagne de fouilles et de relevés s’est concentrée sur deux sites : Grand’Gueule et la meulière à Vachat. Leur spécificité ne réside pas dans © photos : A. Belmont/CNRSPHotothèque |