w PAR XAVIER MÜLLER 8 | Actualités CNRS I LE JOURNAL Nanosciences Des équipes françaises ont découvert qu’un phénomène physique, objet de très nombreuses recherches dans le monde, n’était pour l’heure qu’un mirage. La piézorésistance géante était un leurre C’était l’une des découvertes majeures en nanosciences en 2006 : l’observation par des chercheurs de l’université de Californie, à Berkeley, d’une piézorésistance géante dans des nanofils de silicium. La piézorésistance est la faculté d’un matériau à changer de résistance électrique lorsqu’il est étiré ou comprimé. Elle était alors dite géante, car les physiciens américains pensaient voir dans les nanofils un phénomène cent fois plus important que dans les matériaux classiques, tel le silicium massif. UN MIRAGE EXPÉRIMENTAL Rêve d’ingénieur, la piézorésistance géante était rapidement apparue comme le moyen de produire des capteurs de contraintes mécaniques ultrasensibles et économes en énergie. Les portes d’un vaste marché, allant du contrôle qualité des ailes d’avion jusqu’aux accéléromètres des smartphones, s’ouvraient, du moins le pensait-on. Car il semblerait que tout cet enthousiasme repose sur… un château de cartes. Une équipe emmenée par Alistair Rowe, du Laboratoire de physique de la matière condensée 1 de Palaiseau, vient en effet de reléguer la piézorésistance géante au rang d’artéfact, autrement dit de mirage expérimental 2. Au départ, Alistair Rowe ne cherchait pas à jouer les trouble-fête. Quand, avec son collègue SteveArscott, de l’Institut d’électronique, de microélectronique et de nanotechnologie 3 de Villeneuve-d’Ascq, il décide de reproduire l’expérience de Berkeley, c’est dans l’espoir de mieux comprendre l’effet et d’identifier ensuite d’autres matériaux exhibant une piézorésistance géante. q Dans le cercle rouge, on distingue un microfil de silicium tendu entre deux électrodes roses. Grâce à ce dispositif, les chercheurs ont mis en évidence le malentendu sur la piézorésistance géante. Seulement voilà, lorsque les deux chercheurs déforment à leur tour des nanofils, rien ne se passe comme prévu : « Les mesures de la résistance électrique des nanofils changeaient tout le temps, rien n’était reproductible », se rappelle-t-il. LA PIÉZO FAIT DE LA RÉSISTANCE Une refonte totale du montage expérimental apportera l’explication : la résistance électrique des fils garde en fait la mémoire des mesures précédentes. De là, les pièces du puzzle s’assemblent, et les physiciens comprennent qu’ils n’observent pas en réalité de piézorésistance géante, mais juste des déplacements insoupçonnés de charges électriques entre la surface des nanofils et les électrodes qui y sont branchées. En clair, ils sont en train de mesurer un phénomène que leur instrumentation a créé : une chimère. Selon Alistair Rowe, l’équipe de Berkeley n’aurait pu réaliser en 2006 qu’elle était mystifiée, car elle employait une technique de mesure trop rudimentaire. |