CNRS Le Journal n°254 mars 2011
CNRS Le Journal n°254 mars 2011
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°254 de mars 2011

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,9 Mo

  • Dans ce numéro : Faire face au vieillissement

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 26 - 27  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
26 27
w 26 | L’enquête Or il existe une enzyme, appelée télomérase, capable de reconstituer les télomères perdus lors des divisions. Le hic : elle n’est active que durant le développement embryonnaire et dans les cellules de la lignée germinale. Et si l’un des remèdes anti-âge consistait à réactiver ce mécanisme ? « C’est une piste étudiée, indique Éric Gilson, mais ce n’est pas si simple : en effet, la réactivation de la télomérase est aussi une des caractéristiques des cellules cancéreuses. C’est elle qui leur permet de se multiplier sans limites. » LES GÈNES SCRUTÉS À LA LOUPE Les gènes fournissent une autre piste. Certains favorisent en effet un vieillissement harmonieux. Et, depuis les années 1990, on en découvre sans cesse de nouveaux dont les effets sont spectaculaires. Par exemple, on sait depuis 1993 que, chezC. elegans, un ver nématode transparent de 1 millimètre de long, la mutation induite du gène daf-2 double l’espérance de vie. Exemple inverse : l’inactivation du gène ROR-α chez la souris induit un vieillissement précoce. « Ce gène est impliqué dans la stabilité des fonctions lors de l’avancée en âge. Il joue sur la survie des cellules, la résistance au stress oxydatif, l’inflammation et la multiplication cellulaire. Lorsqu’il est muté chez la souris, les individus ont un cocktail de patho logies liées à l’âge : ostéoporose, athérosclérose, neurodégénérescence… », explique Jean Mariani. Les gènes impliqués dans le vieillissement sont pour la plupart des gènes maîtres ou des gènes régulateurs : ils contrôlent l’expression de centaines d’autres gènes aux fonctions aussi diverses que fondamentales pour l’organisme. D’où l’espoir qu’ils suscitent : en jouant sur leur fonction, on pourrait obtenir des UN INSTITUT POUR LA LONGÉVITÉ L’hôpital Charles-Foix, à Ivry-sur-Seine, est en train de devenir l’un des principaux centres français pour la gérontologie. Il est en effet le siège du pôle Allongement de la vie, qui regroupe de nombreux partenaires, dont le CNRS. Autour de la thématique de l’avancée en âge, ce pôle cherche à créer une synergie entre la recherche scientifique et médicale, l’enseignement supérieur et l’innovation technologique. Par ailleurs, il s’investit aux côtés des collectivités locales dans la réflexion sur la place des LIGNÉE GERMINALE. Composée de cellules appelées à devenir ovules ou spermatozoïdes. 09 Avant de pouvoir servir aux études sur le vieillissement, le verC. elegans est placé dans un milieu de culture. 10 Les vers chez lesquels le gène slcf-1 (dont l’expression est visible en vert) est inactivé, soit par un régime, soit artificiellement, vivent plus longtemps. 11 Le gène NHR-80 (en vert) est aussi un déterminant de la longévité. personnes âgées dans la société. Au cœur de cet effort se trouve l’Institut de la longévité et du vieillissement 1, placé sous la direction scientifique de Jean Mariani, qui sera inauguré cette année. Il regroupera à terme une centaine de personnes et comptera une animalerie unique de 60 000 rongeurs vieillissants, pour devenir le premier centre français de recherche sur la longévité. S. E. 1. Unité CNRS/UPMC. CONTACT : Aude de Touchet > aude.detouchet@cfx.aphp.fr © H. RAGUET/CNRS PHOTOTHÈQUE ©L. MOUCHIROUD/AGING CELL. 2011 © ÉQUIPE H. AGUILANIU 09 10 11 bienfaits généralisés. Mais attention, « leur rôle n’est pas de réguler la longévité. Ils régulent d’autres fonctions, comme la reproduction, le métabolisme ou la résistance au stress, ce qui a un effet important sur la longévité », précise Hugo Aguilaniu, chercheur au Laboratoire de biologie moléculaire de la cellule 5, à Lyon. LIMITER SON ALIMENTATION ? Pour étudier les gènes de la longévité, divers modèles animaux se présentent, mais le plus populaire est le fameuxC. elegans. Ce ver, dont le génome est facilement manipulable, est constitué d’un peu moins de 1000 cellules et ne vit que 17 jours en moyenne. Mais n’est-il pas un peu trop éloigné de l’homme ? « Non. Les gènes de la longévité se sont conservés le long de l’évolution, et les gènes du nématode ont de proches homologues chez les mammifères », signale Jean Mariani.C. elegans a notamment permis de mieux comprendre les régulations génétiques qui se mettent en place lors de l’intervention la plus remarquable permettant d’augmenter la longévité d’un animal : la restriction alimentaire. Elle consiste à réduire de manière drastique et permanente les rations fournies aux animaux sans les exposer à des carences en éléments essentiels. « Elle a été testée depuis longtemps sur de très nombreux organismes, de la levure au singe, et 12 CNRS I LE JOURNAL la réponse semble être universelle », affirme Hugo Aguilaniu. Ainsi, chez la souris, on constate une longévité augmentée de 20 à 30% et, chezC. elegans, de 50 à 100%. Cette longévité accrue induit une réorganisation très profonde de l’expression génétique. En 2007, les premiers gènes impliqués ont été découverts. Ils sont d’autant plus intéressants que la restriction alimentaire réduit aussi le risque de cancers, de maladies neurodégénératives et d’autres pathologies liées à l’âge. Les chercheurs tentent à présent de mieux comprendre ces puissants mécanismes anti-âge dont dispose l’organisme et qui ne se mettent en branle que lorsqu’il est soumis aux conditions adverses d’un manque de nourriture. « « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort », disait Nietzsche. Et, dans ce cas, il est clair qu’un stress alimentaire induit une réponse adaptative très profonde », remarque Florence Solari. Comprendre cette réponse revient à désenchevêtrer les liens qui unissent le métabolisme et la longévité. Le but à terme : tirer les bénéfices d’une restriction calorique sans en subir les contraintes. Un pas dans ce sens a été effectué par une équipe du laboratoire de cette chercheuse, qui a découvert le rôle d’un gène
N°254 I MARS 2011 L’enquête | 27 deC. elegans nommé slcf-1. Les chercheurs, qui ont publié en février leurs résultats dans Aging Cell 6, se sont aperçus que le fameux gène était inactivé lorsque les vers étaient mis au régime. Ensuite, en inactivant le gène chez des vers nourris normalement, ils sont parvenus à mimer les effets d’une restriction calorique : ces vers vivaient 40% plus longtemps que leurs congénères chez lesquels slcf-1 fonctionnait normalement. « L’un des aspects remarquables de ce gène est qu’il n’est exprimé que dans l’intestin et, pourtant, ses effets antivieillissement s’observent sur l’organisme entier. Il a donc une action à distance dont on doit encore découvrir les mécanismes », affirme Florence Solari. LES BIENFAITS DU RESVÉRATROL Autre façon de mimer les effets de la restriction calorique : le vin rouge. Ou plutôt un antioxydant présent dans le vin rouge, le resvératrol. C’est ce qu’a constaté l’unité Mécanismes adaptatifs : des organismes aux communautés 7, grâce à une étude menée chez le microcèbe, un petit lémurien. « En mangeant normalement, un individu âgé dont l’alimentation est complémentée par du resvératrol retrouve un métabolisme d’individu jeune », commente Martine Perret, chercheuse au sein de l’unité. Ce résultat apporte bien sûr un nouvel éclairage sur le fameux French 12 Observation au microscope des marqueurs signalant l’expression de certains gènes du vieillissement. © H. RAGUET/CNRS PHOTOTHÈQUE paradox, c’est-à-dire l’apparente contradiction entre le riche régime alimentaire des Français et leur santé. Les liens avec la reproduction sont un autre aspect essentiel de la longévité. Une augmentation de la durée de vie est en effet souvent associée une diminution de la fécondité. ChezC. elegans, il était déjà connu que l’ablation des cellules de la lignée germinale offrait au ver 60% de vie en bonne santé supplémentaire. Aujourd’hui, l’équipe d’Hugo Aguilaniu vient de découvrir une des clés de cette longévité accrue : un nouveau gène du vieillissement, appelé NHR-80, qui Pour en savoir + à lire i Retraites, démographie, santé… Vieillir en France aujourd’hui et demain Coordonné par Éric Le Bourg, Vuibert, 2010 Les Défis du vieillissement Âge, emploi, retraite : perspectives internationales Anne-Marie Guillemard, Armand Colin, coll. « U », 2010 Le Nouvel Âge des retraites De la Seconde Guerre mondiale au Plan Calcul Stéphanie Toutain, Ellipses, coll. « Transversale Débats », 2007 La Réforme des systèmes de retraite : à qui les sacrifices ? Jean-Pierre Laffargue, Éditions Rue D’Ulm, coll. « Cepremap », 2007 L’Anthropologie du vivant : objets et méthodes Nicole Chapuis-Lucciani, Anne-Marie Guihard-Costa et Gilles Boëtsch, CNRS Éditions, 2010 Prendre soin d’un proche âgé Les enseignements de la France et du Québec Serge Clément et Jean-Pierre Lavoie (dir.), Érès, coll. « Pratiques gérontologiques », 2005 à voir i Vivre chez Rothschild (2003, 66 min), réalisé par Daniel Friedmann, produit par CNRS > http:Ilvideotheque.cnrs.fr/index. php ? urlaction=doc&id_doc=1202 en ligne i La cellule animale Voyage au cœur du vivant. un dossier de la collection Sagascience du CNRS : > http:Ilwww.cnrs.fr/cellule pourrait lui aussi devenir une cible thérapeutique pour ralentir le vieillissement, même chez des individus fertiles. VIVE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE ! Mais il n’y a pas que les gènes dans la vie. « Au sein d’un groupe identique génétiquement, on peut observer d’importantes variations de longévité entre individus, même chez un organisme aussi simple queC. elegans », rappelle Jean Mariani. Les facteurs environnementaux ont donc une influence décisive sur le vieillissement réussi. Chez l’homme, par exemple, l’activité physique a un effet très positif via une meilleure vascularisation de l’organisme et l’augmentation de la production de facteurs trophiques, signaux moléculaires qui « ordonnent » aux cellules de se maintenir en vie. De même, il est avéré que la stimulation cognitive lutte contre le déclin cognitif lié à l’âge et pourrait même retarder l’apparition de maladies neurodégénératives. Autrement dit, vivre dans un environnement riche socialement et intellectuellement peut nous préserver de façon significative. Les connaissances sur la biologie du vieillissement se font de plus en plus précises. Est-ce à dire que nous vivrons un jour 1000 ans, comme le soutiennent certains prophètes de la biologie anti-âge ? « Le but actuel de nos recherches est plutôt d’améliorer la qualité du vieillissement en diminuant les maladies et les handicaps qui l’accompagnent », rétorque le chercheur. Car avoir une vie longue comme celle de Mathusalem n’est pas une fin en soi. S. E. 1. Unité CNRS/UPMC. 2. Unité CNRS/Inserm/Université Claude-Bernard- Lyon-I/Centre Léon-Bérard. 3. Unité CNRS/Université Paris-Sud-XI/Institut Gustave-Roussy. 4. Unité CNRS/Université Nice-Sophia Antipolis/Inserm. 5. Unité CNRS/ENS Lyon/Université Claude-Bernard- Lyon-I/Hospices civils de Lyon. 6. www2.cnrs.fr/presse/communique/2092.htm 7. Unité CNRS/MNHN. CONTACTS : Hugo Aguilaniu > hugo.aguilaniu@ens-lyon.fr Corinne Dupuy > dupuy@igr.fr Éric Gilson > eric.gilson@ens-lyon.fr Jean Mariani > jean.mariani@snv.jussieu.fr Martine Perret > martine.perret@wanadoo.fr Florence Solari > solari@lyon.fnclcc.fr



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :