w 26 | L’enquête Or il existe une enzyme, appelée télomérase, capable de reconstituer les télomères perdus lors des divisions. Le hic : elle n’est active que durant le développement embryonnaire et dans les cellules de la lignée germinale. Et si l’un des remèdes anti-âge consistait à réactiver ce mécanisme ? « C’est une piste étudiée, indique Éric Gilson, mais ce n’est pas si simple : en effet, la réactivation de la télomérase est aussi une des caractéristiques des cellules cancéreuses. C’est elle qui leur permet de se multiplier sans limites. » LES GÈNES SCRUTÉS À LA LOUPE Les gènes fournissent une autre piste. Certains favorisent en effet un vieillissement harmonieux. Et, depuis les années 1990, on en découvre sans cesse de nouveaux dont les effets sont spectaculaires. Par exemple, on sait depuis 1993 que, chezC. elegans, un ver nématode transparent de 1 millimètre de long, la mutation induite du gène daf-2 double l’espérance de vie. Exemple inverse : l’inactivation du gène ROR-α chez la souris induit un vieillissement précoce. « Ce gène est impliqué dans la stabilité des fonctions lors de l’avancée en âge. Il joue sur la survie des cellules, la résistance au stress oxydatif, l’inflammation et la multiplication cellulaire. Lorsqu’il est muté chez la souris, les individus ont un cocktail de patho logies liées à l’âge : ostéoporose, athérosclérose, neurodégénérescence… », explique Jean Mariani. Les gènes impliqués dans le vieillissement sont pour la plupart des gènes maîtres ou des gènes régulateurs : ils contrôlent l’expression de centaines d’autres gènes aux fonctions aussi diverses que fondamentales pour l’organisme. D’où l’espoir qu’ils suscitent : en jouant sur leur fonction, on pourrait obtenir des UN INSTITUT POUR LA LONGÉVITÉ L’hôpital Charles-Foix, à Ivry-sur-Seine, est en train de devenir l’un des principaux centres français pour la gérontologie. Il est en effet le siège du pôle Allongement de la vie, qui regroupe de nombreux partenaires, dont le CNRS. Autour de la thématique de l’avancée en âge, ce pôle cherche à créer une synergie entre la recherche scientifique et médicale, l’enseignement supérieur et l’innovation technologique. Par ailleurs, il s’investit aux côtés des collectivités locales dans la réflexion sur la place des LIGNÉE GERMINALE. Composée de cellules appelées à devenir ovules ou spermatozoïdes. 09 Avant de pouvoir servir aux études sur le vieillissement, le verC. elegans est placé dans un milieu de culture. 10 Les vers chez lesquels le gène slcf-1 (dont l’expression est visible en vert) est inactivé, soit par un régime, soit artificiellement, vivent plus longtemps. 11 Le gène NHR-80 (en vert) est aussi un déterminant de la longévité. personnes âgées dans la société. Au cœur de cet effort se trouve l’Institut de la longévité et du vieillissement 1, placé sous la direction scientifique de Jean Mariani, qui sera inauguré cette année. Il regroupera à terme une centaine de personnes et comptera une animalerie unique de 60 000 rongeurs vieillissants, pour devenir le premier centre français de recherche sur la longévité. S. E. 1. Unité CNRS/UPMC. CONTACT : Aude de Touchet > aude.detouchet@cfx.aphp.fr © H. RAGUET/CNRS PHOTOTHÈQUE ©L. MOUCHIROUD/AGING CELL. 2011 © ÉQUIPE H. AGUILANIU 09 10 11 bienfaits généralisés. Mais attention, « leur rôle n’est pas de réguler la longévité. Ils régulent d’autres fonctions, comme la reproduction, le métabolisme ou la résistance au stress, ce qui a un effet important sur la longévité », précise Hugo Aguilaniu, chercheur au Laboratoire de biologie moléculaire de la cellule 5, à Lyon. LIMITER SON ALIMENTATION ? Pour étudier les gènes de la longévité, divers modèles animaux se présentent, mais le plus populaire est le fameuxC. elegans. Ce ver, dont le génome est facilement manipulable, est constitué d’un peu moins de 1000 cellules et ne vit que 17 jours en moyenne. Mais n’est-il pas un peu trop éloigné de l’homme ? « Non. Les gènes de la longévité se sont conservés le long de l’évolution, et les gènes du nématode ont de proches homologues chez les mammifères », signale Jean Mariani.C. elegans a notamment permis de mieux comprendre les régulations génétiques qui se mettent en place lors de l’intervention la plus remarquable permettant d’augmenter la longévité d’un animal : la restriction alimentaire. Elle consiste à réduire de manière drastique et permanente les rations fournies aux animaux sans les exposer à des carences en éléments essentiels. « Elle a été testée depuis longtemps sur de très nombreux organismes, de la levure au singe, et 12 CNRS I LE JOURNAL la réponse semble être universelle », affirme Hugo Aguilaniu. Ainsi, chez la souris, on constate une longévité augmentée de 20 à 30% et, chezC. elegans, de 50 à 100%. Cette longévité accrue induit une réorganisation très profonde de l’expression génétique. En 2007, les premiers gènes impliqués ont été découverts. Ils sont d’autant plus intéressants que la restriction alimentaire réduit aussi le risque de cancers, de maladies neurodégénératives et d’autres pathologies liées à l’âge. Les chercheurs tentent à présent de mieux comprendre ces puissants mécanismes anti-âge dont dispose l’organisme et qui ne se mettent en branle que lorsqu’il est soumis aux conditions adverses d’un manque de nourriture. « « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort », disait Nietzsche. Et, dans ce cas, il est clair qu’un stress alimentaire induit une réponse adaptative très profonde », remarque Florence Solari. Comprendre cette réponse revient à désenchevêtrer les liens qui unissent le métabolisme et la longévité. Le but à terme : tirer les bénéfices d’une restriction calorique sans en subir les contraintes. Un pas dans ce sens a été effectué par une équipe du laboratoire de cette chercheuse, qui a découvert le rôle d’un gène |