CNRS Le Journal n°254 mars 2011
CNRS Le Journal n°254 mars 2011
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°254 de mars 2011

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,9 Mo

  • Dans ce numéro : Faire face au vieillissement

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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w 20 | L’enquête Les plus de 80 ans seront QUATRE fois plus nombreux en 2050 dans le monde. © J. VAN DER BROEK/HH-REA avec la foule. Une confrontation qui renforce un sentiment d’incompétence physique chez les plus âgés et suscite un sentiment d’insécurité. » En l’absence de nécessité précise, nombre de personnes âgées évitent aussi de sortir s’il leur faut descendre puis remonter plusieurs étages à pieds. Si l’on veut construire une société pour tous les âges, il faudra donc repenser l’aménagement de l’espace public et de nos habitats. « La France est très en retard sur ces questions, les personnes handicapées en savent quelque chose », commente la sociologue. Bien sûr, l’isolement 03 03 À domicile ou en établissement, le coût des soins représente en France une lourde charge financière pour les personnes âgées dépendantes et leur famille. Visionnez un extrait du film Vivre chez Rothschild sur le journal feuilletable en ligne > www2.cnrs.fr/journal et la solitude des personnes âgées figurent également en bonne place parmi les grands enjeux de société. Et, sur un mode plus léger, on sait que la fracture numérique concerne particulièrement les seniors, encore souvent rebutés par des ordi nateurs et des téléphones mobiles aux interfaces inadaptées. « Il faudrait cesser de percevoir le vieillissement comme une aliénation, ajoute Monique Membrado, c’est de plus en plus le cas dans nos sociétés jeunistes où l’on valorise le contrôle de soi, la productivité et la vitesse. » « Dans les pays du Sud, w Depuis qu’elle a été déclarée chantier prioritaire en 2011, la question de la dépendance suit un calendrier chargé. Après le rapport de la députée Valérie Rosso-Debord, publié en juin 2010, et la contribution des sénateurs le 1 er février 2011, les rapports de quatre groupes de travail ont été présentés le 2 février par Roselyne Bachelot, la ministre de la Cohésion sociale. Nicolas Sarkozy vient aussi de lancer une consultation nationale en février. Et l’ensemble devrait aboutir à une première série de décisions présentées cet automne dans le cadre des lois de finances. Différentes questions se posent. D’abord, rappelons que les personnes âgées dites dépendantes devraient passer de 1,1 million aujourd’hui à 1,6 million en 2040 en France. Et que, actuellement, « l’aide qui leur est apportée est surtout le fait de la famille et en majorité l’œuvre des femmes, note la sociologue Monique Membrado. Compte tenu du taux d’activité des femmes, si on ne repense pas le partage des responsabilités CNRS I LE JOURNAL l’avancée en âge est encore valorisée, et les personnes âgées, respectées », signale l’anthropologue Nicole Chapuis-Lucciani. « D’ailleurs, l’âgisme, attitude de discrimination ou de ségrégation à l’encontre des personnes âgées, est désormais reconnu comme le troisième grand « isme » des sociétés occidentales, avec le racisme et le sexisme. Il serait même plus fréquent qu’eux, quoique plus difficile à repérer », poursuit la chercheuse. LUTTER CONTRE L’ÂGISME Dans une étude réalisée à partir de près de 300 entretiens avec des personnes âgées en France, Enguerran Macia, chercheur dans l’équipe de Nicole Chapuis- Lucciani, a montré la déplorable influence de cette tendance sur l’estime de soi. Celle-ci est en effet clairement diminuée lorsque les sujets perçoivent – certains n’en perçoivent pas – des stéréotypes négatifs liés à l’âge. « Si on ne travaille DÉPENDANCE : L’INDISPENSABLE RÉFORME entre les sexes, il y aura à l’avenir un tarissement des aidants familiaux ». Ne plus faire reposer cette aide sur les familles implique que des efforts soient faits sur la professionnalisation de cette activité, sa revalorisation, comme c’est déjà le cas en Suède et au Danemark. C’est aussi un problème de finances et de vision de la société. « Les personnes de plus de 60 ans reconnues comme dépendantes touchent l’Aide personnalisée d’autonomie (APA) », rappelle Monique Membrado. Mais ce sont en moyenne 1 500 euros mensuels au moins qui restent à leur charge, que ce soit à domicile ou en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, pointait la députée Valérie Rosso-Debord. « Le coût des soins ne devrait pas appauvrir la personne dépendante et sa famille », commente Nicole Kerschen, juriste à l’Institut de sciences sociales du politique 1, à Nanterre. Mais le droit français, héritage du Code civil Napoléon, demeure centré sur la famille et oblige à vie les ascendants et
N°254 I MARS 2011 L’enquête | 21 pas sur l’acceptation du droit à vieillir, nos sociétés courent au désastre », alerte Monique Membrado. « Le moyen le plus efficace de le faire est d’en parler à l’école primaire en expliquant les mythes et les réalités de la vieillesse, de la même façon que ce qui est réalisé de nos jours au sujet du racisme et du sexisme », conclut Nicole Chapuis-Lucciani.C. Z. 1. Unité CNRS/Ucad (Sénégal)/Université de Bamako(Mali)/CNRST(Burkina Faso). 2. Unité CNRS/Université Paul-Sabatier- Toulouse-III. 3. Unité CNRS/Université de Toulouse-II- Le Mirail/EHESS. CONTACTS : Nicole Chapuis-Lucciani > nicole_chapuis@hotmail.fr Éric Le Bourg > lebourg@cict.fr Monique Membrado > membrado@univ-tlse2.fr les descendants à payer pour les membres de la famille qui ne peuvent pas subvenir eux-mêmes à leurs besoins », alors que, dans les pays nordiques, c’est la collectivité qui prend le relais de la famille à partir de l’âge de 18 ans. De manière générale, l’Europe, plus centrée sur l’individu, tend vers la reconnaissance de droits sociaux universels, que chacun acquiert dès sa naissance, et qui tiennent compte de ses besoins tout au long de la vie. « La création d’un cinquième risque, en référence aux quatre risques déjà couverts par la Sécurité sociale [promesse de campagne du candidat Sarkozy] va bien dans ce sens puisqu’il n’y aurait pas de discrimination par l’âge », se réjouissent les deux chercheuses. À condition que son lourd financement relève de la solidarité nationale et non de l’assurance privée, ce qui ne semble pas encore joué.C. Z. 1. Unité CNRS/Université Paris Ouest-Nanterre La Défense/ENS Cachan. CONTACT : Nicole Kerschen > nicole.kerschen@u-paris10.fr Des emplois pour les seniors REPÈRE. Les quatre branches ou risques sont : la maladie, les accidents du travail et les maladies professionnelles, la famille et la retraite (source : www.securite-sociale.fr). 04 05 04 05 Campagne d’affichage réalisée en 2006 en France. Le taux d’emploi des plus de 55 ans dans notre pays est toujours l’un des plus bas d’Europe. « Le pacte générationnel construit après la guerre pour les retraites ne fonctionne plus », indique Anne-Marie Guil lemard, professeur à l’université Paris-Descartes et sociologue à l’Institut Marcel-Mauss 1, à Paris. On le sait, le système de répartition où les personnes actives financent les pensions grâce à des cotisations était au bord de l’asphyxie. Ainsi, en France, les prévisions de ces dernières années affichaient sept retraités pour dix actifs en 2040 contre quatre actuellement. Et l’Europe glissait sur la même pente savonneuse. « Dans les années 1960, l’espérance de vie après l’âge légal de la retraite, fixé à 65 ans, était en moyenne de 5 ans, illustre Stéphanie Toutain, démographe et sociologue au Centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale, société 2, à Villejuif, et qui a travaillé sur le vieillissement des populations. La durée des cotisations s’étendait sur 45 ans, car l’entrée sur le marché du travail se faisait en moyenne à 20 ans. De nos jours, elle survient plutôt autour de 25 ans, en raison de l’allongement de w la durée des études. Avec un départ à la retraite fixé à 60 ans, une carrière – donc la durée de cotisation – se limite à 35 ans. Alors qu’a contrario l’allongement de notre espérance de vie porte la durée de la retraite à plus de 20 ans. Le ratio devient intenable… », poursuit la chercheuse. FÂCHEUSES PRÉRETRAITES La solution choisie lors de la réforme de 2010 a été de repousser graduellement l’âge légal de la retraite jusqu’à 62 ans. En théorie, elle permettra un double bénéfice : davantage de cotisations et moins de pensions à verser. Selon Jean-Pierre Laffargue, économiste à l’unité Paris Jourdan Sciences économiques 3, cette réforme, mathématiquement trop timorée, sera probablement soumise à une nouvelle révision. Et puis, « repousser l’âge de la retraite n’induit pas automatiquement le prolongement de la vie active », insiste Anne-Marie Guillemard. En effet, la moitié des Français quittent le travail à 58 ans ou moins, « soit bien avant l’âge légal, qui était de 60 ans jusqu’à il y a peu, souligne-t-elle, et c’est par le chômage et le licenciement que les gens sortent… » © PHOTOS : HAMILTON/REA



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