w 20 | L’enquête Les plus de 80 ans seront QUATRE fois plus nombreux en 2050 dans le monde. © J. VAN DER BROEK/HH-REA avec la foule. Une confrontation qui renforce un sentiment d’incompétence physique chez les plus âgés et suscite un sentiment d’insécurité. » En l’absence de nécessité précise, nombre de personnes âgées évitent aussi de sortir s’il leur faut descendre puis remonter plusieurs étages à pieds. Si l’on veut construire une société pour tous les âges, il faudra donc repenser l’aménagement de l’espace public et de nos habitats. « La France est très en retard sur ces questions, les personnes handicapées en savent quelque chose », commente la sociologue. Bien sûr, l’isolement 03 03 À domicile ou en établissement, le coût des soins représente en France une lourde charge financière pour les personnes âgées dépendantes et leur famille. Visionnez un extrait du film Vivre chez Rothschild sur le journal feuilletable en ligne > www2.cnrs.fr/journal et la solitude des personnes âgées figurent également en bonne place parmi les grands enjeux de société. Et, sur un mode plus léger, on sait que la fracture numérique concerne particulièrement les seniors, encore souvent rebutés par des ordi nateurs et des téléphones mobiles aux interfaces inadaptées. « Il faudrait cesser de percevoir le vieillissement comme une aliénation, ajoute Monique Membrado, c’est de plus en plus le cas dans nos sociétés jeunistes où l’on valorise le contrôle de soi, la productivité et la vitesse. » « Dans les pays du Sud, w Depuis qu’elle a été déclarée chantier prioritaire en 2011, la question de la dépendance suit un calendrier chargé. Après le rapport de la députée Valérie Rosso-Debord, publié en juin 2010, et la contribution des sénateurs le 1 er février 2011, les rapports de quatre groupes de travail ont été présentés le 2 février par Roselyne Bachelot, la ministre de la Cohésion sociale. Nicolas Sarkozy vient aussi de lancer une consultation nationale en février. Et l’ensemble devrait aboutir à une première série de décisions présentées cet automne dans le cadre des lois de finances. Différentes questions se posent. D’abord, rappelons que les personnes âgées dites dépendantes devraient passer de 1,1 million aujourd’hui à 1,6 million en 2040 en France. Et que, actuellement, « l’aide qui leur est apportée est surtout le fait de la famille et en majorité l’œuvre des femmes, note la sociologue Monique Membrado. Compte tenu du taux d’activité des femmes, si on ne repense pas le partage des responsabilités CNRS I LE JOURNAL l’avancée en âge est encore valorisée, et les personnes âgées, respectées », signale l’anthropologue Nicole Chapuis-Lucciani. « D’ailleurs, l’âgisme, attitude de discrimination ou de ségrégation à l’encontre des personnes âgées, est désormais reconnu comme le troisième grand « isme » des sociétés occidentales, avec le racisme et le sexisme. Il serait même plus fréquent qu’eux, quoique plus difficile à repérer », poursuit la chercheuse. LUTTER CONTRE L’ÂGISME Dans une étude réalisée à partir de près de 300 entretiens avec des personnes âgées en France, Enguerran Macia, chercheur dans l’équipe de Nicole Chapuis- Lucciani, a montré la déplorable influence de cette tendance sur l’estime de soi. Celle-ci est en effet clairement diminuée lorsque les sujets perçoivent – certains n’en perçoivent pas – des stéréotypes négatifs liés à l’âge. « Si on ne travaille DÉPENDANCE : L’INDISPENSABLE RÉFORME entre les sexes, il y aura à l’avenir un tarissement des aidants familiaux ». Ne plus faire reposer cette aide sur les familles implique que des efforts soient faits sur la professionnalisation de cette activité, sa revalorisation, comme c’est déjà le cas en Suède et au Danemark. C’est aussi un problème de finances et de vision de la société. « Les personnes de plus de 60 ans reconnues comme dépendantes touchent l’Aide personnalisée d’autonomie (APA) », rappelle Monique Membrado. Mais ce sont en moyenne 1 500 euros mensuels au moins qui restent à leur charge, que ce soit à domicile ou en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, pointait la députée Valérie Rosso-Debord. « Le coût des soins ne devrait pas appauvrir la personne dépendante et sa famille », commente Nicole Kerschen, juriste à l’Institut de sciences sociales du politique 1, à Nanterre. Mais le droit français, héritage du Code civil Napoléon, demeure centré sur la famille et oblige à vie les ascendants et |