© PHOTOS : L. RONAT/CNRS PHOTOTHÈQUE N°254 I MARS 2011 En images | 15 w PAR ÉMILIE BADIN « On m’avait parlé de cet endroit comme d’un paradis pour les zoologues. Quand j’y suis arrivé, je n’ai pas été déçu : l’île regorge de serpents et de tortues. Je n’avais jamais vu pareille richesse, à part en Nouvelle-Calédonie ou en Australie du Nord. » Cette île, évoquée par Xavier Bonnet, chercheur du Centre d’études biologiques de Chizé 1, c’est celle de Golem Grad. D’une superficie de 18 hectares, elle est située au milieu du lac Prespa, en Macédoine, à quelques brasses des frontières grecque et albanaise. Aujourd’hui désertée par l’homme, elle constitue une réserve naturelle du parc national de Galicica. Au zoologue curieux, elle réserve deux étonnantes surprises : des couleuvres aux couleurs inédites et des tortues homosexuelles. 04 05 01 Couleuvres tessellées sur les berges de Golem Grad, où cette espèce est très abondante. 02 Gros plan sur une tortue d’Hermannadulte, autre espèce très prospère sur l’île. 03 Accouplement entre deux tortues mâles sur le plateau rocailleux de Golem Grad. 04 05 Marquage d’un bébé tortue et collage d’un drapeau sur un mâle pour faciliter sa localisation. Ce mâle est déjà équipé d’un émetteur qui permet de le suivre par radiopistage et d’un thermocron qui enregistre en continu la température de la carapace. 06 Ici, les scientifiques numérotent des tortues mâles pour une expérience dite de translocation. Ils les déplacent à un autre endroit de l’île, puis étudient leurs mouvements. ALBANIE Pour étudier de près ces phénomènes uniques au monde, en collaboration avec ses collègues serbes et macédoniens, Xavier Bonnet y organise au printemps une nouvelle expédition scientifique. La première date de 2008. Sur l’île de Golem Grad, au milieu d’une forêt de genévriers, une douzaine de chercheurs, étudiants et volontaires avaient alors planté leurs tentes et installé leur belvédère d’observation. « C’est un endroit magnifique et fascinant qui grouille de serpents, s’enthousiasme le chercheur. L’île compte probablement entre 10 000 et 50 000 individus de couleuvres tessellées. C’est phénoménal ! On y observe un polymorphisme inédit chez ces vertébrés. Si certaines couleuvres affichent le motif classique à damier, 03 06 d’autres ont la peau unie noire ou beige, ce qui n’avait encore jamais été observé dans une population. Les tortues, des tortues d’Hermann, sont tout aussi surprenantes : sur la plage, entre les saules, la population comprend aussi bien des mâles que des femelles. Mais, sur les hauteurs de l’île, sur les plateaux rocailleux plantés de pruniers, il n’y a pratiquement que des mâles. Ils se courtisent et s’accouplent en émettant des petits bruits caractéristiques sans ambiguïté… » Depuis 2008, douze autres expéditions ont été menées sur l’île de Golem Grad. « L’objectif est de capturer un maximum d’animaux afin de les caractériser puis de les marquer individuellement avec un tatouage, indique le biologiste. On espère ensuite les recapturer pour suivre leur évolution et avoir une idée de leur taux de survie, de croissance et de reproduction. Il y a tant d’individus qu’en trois ans LAC D’OHRID Golem Grad MACÉDOINE LAC PRESPA PETIT LAC PRESPA GRÈCE REPÈRE. Non venimeuse, la couleuvre tessellée est une espèce que l’on trouve dans les milieux humides du Sud-Est de l’Europe.