© ÉQUIPE CASTRO/LORCA w 10 | Actualités CNRS I LE JOURNAL Chimie Un procédé plus propre pour le plastique PAR XAVIER MÜLLER w C’est un petit pas vers la chimie verte qui pourrait bien se transformer en botte de sept lieues. Une équipe de scientifiques a découvert un moyen plus propre de produire les matières plastiques omniprésentes dans notre quotidien. Ces plastiques sont produits par réactions de polymérisation en présence de catalyseurs toxiques comme le nickel ou le chrome. Or les chercheurs ont réussi à générer la polymérisation sans recourir à ces polluants 1. Un tour de force publié en décembre dans Angewandte Chemie, International Edition, qui augure de plastiques plus propres et moins coûteux. Lors de la polymérisation, les catalyseurs sont chargés d’assembler les composés chimiques de base – des hydrocarbures – en une longue chaîne moléculaire. En cherchant de nouveaux catalyseurs, Mostafa Taoufik, du laboratoire Chimie, catalyse, polymères et procédés 2, à Villeurbanne, a eu l’idée de MITOSE. Processus par lequel se divisent presque toutes les cellules de notre corps et qui aboutit à la formation de deux cellules « filles » génétiquement identiques à la cellule « mère ». PAR CLEMENTINE WALLACE POLYMÉRISATION. Réaction chimique entraînant l’union de plusieurs molécules d’un composé pour former une grosse molécule. w Les mécanismes d’action de Greatwall, une protéine qui s’avérerait indispensable dans le déclenchement de la mitose, viennent d’être élucidés. Ce nouveau chef d’orchestre, dont le nom reflète l’ampleur de la mission – Great Wall fait référence à la grande muraille de Chine –, pourrait être une cible thérapeutique mettre à l’épreuve un matériau à base d’alumine (Al 2 O 3) , un composé chimique utilisé pour fabriquer l’aluminium, sur lequel ont été greffés chimiquement des îlots moléculaires formés d’un atome d’aluminium et d’un atome d’hydrogène. « Nous avons été surpris de découvrir que le dérivé d’alumine possédait une efficacité catalytique, même si elle est bien inférieure à celle des catalyseurs usuels », raconte Régis Gauvin, qui a participé à l’étude. Ce dernier appartient à l’Unité de catalyse et de chimie du solide 3, à Villeneuve-d’Ascq. C’est ce même laboratoire qui, à l’aide d’une technique innovante de résonance magnétique nucléaire sur solide, spécificité de l’unité, a a priori percé l’origine du pouvoir catalytique des îlots moléculaires. « Nous avons observé que la liaison aluminium-hydrogène dans les îlots était anormalement forte », décrit Laurent Delevoye, le physicien qui s’est occupé de Biologie L’indispensable protéine Greatwall q La protéine Greatwall est indispensable au bon déroulement de la mitose. Sur ces images, l’ADN de la cellule est marqué en bleu. supplémentaire dans la lutte contre le cancer, selon l’équipe de Thierry Lorca et d’Anna Castro, du Centre de recherche de biochimie macromoléculaire 1 de Montpellier. Jusqu’à présent, la mise en route de la mitose était essentiellement attribuée à l’activation d’une autre protéine, la kinase Cdk1-cycline B. La fonction de Greatwall, elle, restait peu connue. « On pensait qu’elle avait un rôle secondaire, rappelle Thierry Lorca. Mais l’entrée en mitose repose en fait sur l’activation conjointe et indépendante de ces deux protéines. » Ainsi, les chercheurs ont d’abord observé que l’élimination de Greatwall bloque complètement l’entrée en mitose des cellules. Leurs derniers travaux, publiés dans Science, en décembre 2010, décrivent comment la protéine se rend indispensable. Alors que la Cdk1-cycline B agit en activant certains substrats essentiels pour l’entrée en mitose, une enzyme ce volet des recherches. C’est cette particularité qui procurerait son efficacité catalytique au dérivé d’alumine. Que cette efficacité soit modeste face à celle des métaux n’est pas un obstacle à une industrialisation massive. D’après les chercheurs, l’alumine pourrait largement compenser, par sa facilité d’utilisation, sa quasi-innocuité et son coût modeste. 1. Ces recherches ont bénéficié du soutien du réseau RMN Très hauts champs, géré par l’Institut de chimie du CNRS, et qui fait partie des Très grandes infrastructures de recherche. 2. Unité CNRS/Université Claude-Bernard- Lyon-I/CPE Lyon. 3. Unité CNRS/Université Lille-I/ENS Chimie Lille/Centrale Lille/Université d’Artois. CONTACTS : Unité de catalyse et de chimie du solide, Villeneuve-d’Ascq Laurent Delevoye > laurent.delevoye@ensc-lille.fr Chimie, catalyse, polymères et procédés, Villeurbanne Mostafa Taoufik > taoufik@cpe.fr nommée PP2A s’applique à faire exactement le travail inverse ! Or Greatwall inhibe cette enzyme, par l’intermédiaire de deux molécules aussi identifiées par l’équipe : c’est donc grâce à elle que la mitose peut être enclenchée. La création d’inhibiteurs de Greatwall pourrait être une nouvelle approche pour contenir l’évolution de certains cancers, en bloquant les divisions cellulaires incontrôlées qui les caractérisent. « Tous les cancers ne répondent pas de la même manière aux différentes drogues, il est donc toujours intéressant d’avoir le plus de cibles thérapeutiques possibles », conclut le scientifique. 1. Unité CNRS/Universités Montpellier-I et -II. CONTACT : Centre de recherche de biochimie macromoléculaire, Montpellier Thierry Lorca > thierry.lorca@crbm.cnrs.fr |