CNRS Le Journal n°252-253 jan/fév 2011
CNRS Le Journal n°252-253 jan/fév 2011
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°252-253 de jan/fév 2011

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 4,2 Mo

  • Dans ce numéro : La chimie prend soin de nous

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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©3DCeraM/CHu-LIMogeS w 26 | L’enquête cnrs I LE JOUrnAL ces matériaux quiréparentlecorps Les êtres dotés de corps étrangers sont déjà là, ce n’est plus de la science- fiction. Et nous sommes tous concernés. En nombre croissant, implants et prothèses permettent aujourd’hui de remplacer partiellement, voire totalement, certains organes déficients. Rien qu’en France 120 000 prothèses de hanche posées chaque année améliorent la locomotion de personnes souffrant de douleurs au bassin. En Europe, ce sont 1,5 million de greffes osseuses qui sont réalisées par an. Des chiffres impressionnants et un passage obligé : la chimie. « Cette discipline est indis pensable pour fabriquer la matière de la prothèse, pour élaborer ses propriétés de biocompatibilité – la tolérance de l’implant par l’organisme hôte – et de durabilité », rappelle Didier Letourneur, qui dirige le Laboratoire de bio-ingénierie de polymères cardio-vasculaires 1, à Villetaneuse. L’os est un bon exemple des progrès récents en matière de greffons artificiels. Pendant longtemps, on a rabiboché les os cassés à l’aide d’implants en métal ou bien taillés dans une autre partie osseuse du patient, souvent les côtes. Désormais, 20% des greffes osseuses utilisent des matériaux artificiels issus tout droit de la chimie : des céramiques en phosphate de calcium, à la composition et, surtout, à la structure poreuse proche de l’os. des prothèses sur mesure Directeur du laboratoire Science des procédés céramiques et de traitements de surface 2 de Limoges et spécialiste des procédés de mise en forme des céramiques, Thierry Chartier a ainsi développé un 18 19 18 fabriqué en céramique hydroxyapatite, cet implant crânien sur mesure sert à remplacer des défauts osseux importants. 19 structure cristalline de l’hydroxyapatite phosphocalcique, de l’os synthétique. Dr procédé innovant de fabrication en trois dimensions, qui vient d’être employé par une société pour produire des prothèses osseuses sur mesure. La technique consiste à produire la prothèse dans un mélange de résine et de poudre de céramique. Un faisceau laser y dessine ensuite, couche après couche, la forme de la prothèse repérée au préalable par scanner sur le patient. Puis la résine est brûlée et disparaît du matériau, conférant à celui-ci son caractère poreux. La technique a été développée par la société 3DCeram, en collaboration avec le CHU de Limoges. Une étude clinique menée au CHU vient de montrer que des implants crâniens de plus de 10 centimètres pouvaient être réalisés grâce à ce procédé. Dans certaines situations, remplacer l’os cassé ne suffit pas. C’est le cas de l’ostéoporose, une fragilité des os dont souffrent beaucoup de femmes après 50 ans. La blessure la plus courante est une fracture du col du fémur. Soigner ce type de fracture à l’aide d’une prothèse ou d’un clou est un pis-aller, car l’ostéoporose touche le cœur des os et, tôt ou tard, l’os cassera ailleurs. des impLants osseux bioactifs Bruno Bujoli, qui dirige l’unité Chimie et interdisciplinarité : synthèse, analyse, modélisation 3, à Nantes, avec l’appui de ses partenaires – l’Insermet la société Graftys –, a trouvé la parade. L’astuce consiste en des implants médicaments capables de libérer lentement un principe actif. Concrètement, l’idée du chercheur prend la forme d’une pâte blanchâtre. Celle-ci contient du phosphate de calcium qui va se solidifier et former de l’os artificiel, mais aussi un bisphosphonate, une molécule utilisée dans le traitement de l’ostéoporose. Après injection par chirurgie mini-invasive dans la fracture, la pâte se solidifie, puis, des mois durant, largue son médicament. « Nous sommes
n°252-253 I JAnvIEr-févrIEr 2011 L’enquête | 27 w au début des tests cliniques avec le CHR Sainte-Marguerite de Marseille », confie Bruno Bujoli. L’équipe a déposé deux brevets pour la concoction de la pâte et a récemment été auréolée pour sa découverte du prix de la meilleure thèse 2010 en physique-chimie de la fondation EADS. moins de risques de reJet Implants osseux, prothèses articulaires, implants auditifs… Toutes les prothèses rencontrent le même problème une fois dans le corps : la biocompatibilité. Celuici détecte facilement tout ce qui n’est pas de nature biologique et déclenche ses défenses, ce qui peut aboutir au rejet de la prothèse. Dans les années 1980, une mauvaise prise en compte de ce paramètre avait entraîné une fréquentation assidue des blocs opératoires par les sportifs dont le ligament croisé du genou avait rompu : le ligament synthétique en polymère qu’on avait utilisé en remplacement leur avait causé des inflammations qui ont nécessité de nouvelles opérations. S’il existe aujourd’hui des normes strictes en matière de biocompatibilité que doivent respecter les implants, elles ne sont pas suffisantes selon Véronique Migonney, qui dirige le Laboratoire de chimie, structures et propriétés de biomatériaux et d’agents thérapeutiques 4, réparti sur deux sites, à Villetaneuse et à Bobigny. Pour améliorer l’acceptation par le corps des ligaments artificiels produits par la société Lars, Véronique Migonney 20 21 Une fois injectée, cette pâte blanchâtre se solidifie pour former de l’os artificiel. On distingue à droite, au microscope, ce type de médicament implanté sur un os de brebis. 22 Ligaments artificiels, dits bioactifs, vus au microscope. 23 ces petits vaisseaux synthétiques en forme de tube de 2 millimètres de diamètre se comportent comme des vaisseaux naturels, ce qui facilite leur implantation. a une solution : elle les habille d’un « camouflage biologique ». En clair, explique-t-elle, « nous greffons sur le ligament des polymères bioactifs, c’est-à-dire qui possèdent des motifs chimiques que l’on retrouve dans l’environnement des cellules ». Décoré de ces motifs, le ligament artificiel ne suscite plus l’ire du corps. Testé avec succès chez 56 brebis, il est en cours de certification chez l’homme. des vaisseaux sanguins artificieLs Si la biocompatibilité chimique est un critère important d’acceptation de la prothèse par le corps, attention également au comportement mécanique du greffon artificiel qui peut mener à son rejet. Par exemple, la rigidité est un paramètre clé pour les vaisseaux sanguins artificiels. Ceux-ci sont implantés chez des patients, diabétiques notamment, dont l’irrigation sanguine des membres est si gravement perturbée qu’elle peut mener à l’amputation. Le problème est qu’après l’implantation l’organisme perçoit rapidement la rigidité anormale de ces vaisseaux synthétiques et obstrue par coagulation les implants les plus étroits. Pour y remédier, ©b.bujoLI/CNrS 20 22 23 2 mm Didier Letourneur a développé les premiers petits vaisseaux synthétiques qui passent le cap de l’implantation. « Nous utilisons des polymères naturels issus de cultures de bactéries et de champignons que nous mettons en forme par chimie de réticulation [l’art de souder les polymères entre eux pour leur conférer leurs propriétés voulues] », dévoile Didier Letourneur. Le résultat a l’aspect d’un banal tube, mais qui se comporte mécaniquement comme un vaisseau naturel, en particulier lors des soubresauts dus aux contractions cardiaques. Autre avantage, les polymères sont naturellement dégradables : lors d’expériences 21 faites chez le rat, un nouveau vaisseau a remplacé l’implant en quelques mois. Des expériences supplémentaires vont à présent devoir être conduites chez l’homme pour s’assurer sur le long terme du succès complet de la méthode. x.m. 1.unitéInserm/universitéParis-Diderot/universitéParis-Nord-XIII. 2.unitéCNrS/universitédeLimoges/eNSCI. 3.unitéCNrS/universitédeNantes. 4.unitéCNrS/universitéParis-Nord-XIII. cOnTAcTs : bruno bujoli > bruno.bujoli@univ-nantes.fr thierry chartier > thierry.chartier@unilim.fr didier Letourneur > didier.letourneur@inserm.fr véronique migonney > veronique.migonney@univ-paris13.fr ©j.-M.bouLer/INSerM ©N.ISaaCLISMMaetj.zHou,CSPbat,FreCNrS3043 ©j.INo/uNIVerSItéParIS-NorD-XIII,C.LeVISage/INSerM&D.LetourNeur/CNrS



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