CNRS Le Journal n°252-253 jan/fév 2011
CNRS Le Journal n°252-253 jan/fév 2011
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°252-253 de jan/fév 2011

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 4,2 Mo

  • Dans ce numéro : La chimie prend soin de nous

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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©M.HIbert/CNrSPHototHèque 05 w 20 05 simulation d’un médicament potentiel sur son récepteur selon la technique du criblage virtuel. c’est en se fixant sur un récepteur, généralement une protéine, qu’une molécule exerce son effet thérapeutique. cristaLLographie. Méthode utilisée pour localiser les atomes dans l’espace et comprendre comment ils s’assemblent. en moins d’effets secondaires pour les malades », note Georges Massiot. Cela est particulièrement vrai dans le cas du cancer, où les chimio thérapies entraînent souvent de graves effets indésirables. Aux chimistes donc d’innover pour mettre au point des traitements moins agressifs. Au CNRS, où le cancer est un axe majeur de recherche, les scientifiques en ont fait une priorité. Les espoirs des nanomédicaments « L’heure n’est plus aux molécules dites cytotoxiques qui, en s’attaquant aux cellules cancéreuses, tuent au passage des cellules saines, explique Françoise Guéritte, mais à des substances qui luttent contre des mécanismes propres au cancer. Nous venons ainsi d’identifier dans une plante de Malaisie une molécule capable d’inhiber l’action de protéines spécifiques qui en temps normal empêchent les cellules cancéreuses de mourir. » Même objectif pour Jean-Daniel Brion : « Dans les tumeurs cancéreuses, on observe une prolifération anormale des vaisseaux sanguins. Si on parvient à supprimer spécifiquement ces vaisseaux, on élimine du même coup la tumeur. Nous venons justement de découvrir une molécule capable d’agir de cette façon et dont les premiers tests in vivo sont très prometteurs. » De telles molécules, dites antiangiogéniques, existent déjà, mais celle-ci a l’avantage d’être plus stable dans l’organisme et plus facile à synthétiser. Dans leur quête de traitements toujours plus efficaces, les chercheurs ne se contentent pas d’inventer de nouvelles molécules. Ils mettent également au point des véhicules – des visionnez un extrait du film Guérir en nanos sur le journal feuilletable en ligne > www2.cnrs.fr/journal | L’enquête cnrs I LE JOUrnAL Les tests virtueLs utiLisés en renfort Les robots ne sont pas les seuls à faire du criblage de molécules. Les ordinateurs aussi mènent l’enquête pour découvrir des substances actives. L’intérêt est de pouvoir tester virtuellement encore plus de molécules, celles déjà présentes dans les chimiothèques, mais aussi de nouvelles simulées pour l’occasion par les chercheurs. Seule condition pour la mise en pratique : la structure en trois dimensions de la cible biologique sur laquelle va interagir la molécule virtuelle doit être parfaitement connue. Pour cela, les chimistes utilisent la cristallographie aux rayons X ou la résonance magnétique nucléaire. Sur leurs écrans d’ordinateur, les chercheurs peuvent alors manipuler chaque molécule simulée et observer si celle-ci se fixe ou non sur sa cible reconstituée numériquement. « Cela nous permet de dresser un premier portrait-robot assez précis de la molécule avant de la synthétiser, confie Jean-Daniel Brion, du laboratoire Biomolécules : conception, isolement, synthèse, à Châtenay-Malabry. De cette façon, nous avons conçu et testé en amont une molécule qui bloque les récepteurs de la progestérone. Particulièrement sensibles à cette hormone, certaines cellules cancéreuses sont alors freinées dans leur développement. » Actuellement testé sur des animaux, le nouveau produit pourrait aboutir un jour à un traitement contre le cancer du sein. vecteurs – capables de les délivrer directement au bon endroit. Grâce à leur taille nanométrique, cent fois plus petite qu’un globule rouge, ces particules qui contiennent le principe actif pénètrent plus facilement au cœur de l’organe, du tissu ou de la cellule malade. Constitués de matériaux biodégradables (des polymères ou des lipides), ces vecteurs modernes ont différentes formes : sphères, pelotes de laine… Pour le moment, seulement une dizaine de ces nanomédicaments sont sur le marché. Mais ils devraient se généraliser dans le futur. « Leur grand atout est de permettre de diminuer les doses d’une molécule active à donner aux malades et donc de réduire sa toxicité, note Patrick Couvreur, du laboratoire Physicochimie, pharmacotechnie, biopharmacie 4, à Châtenay-Malabry. Ainsi, nous effectuons actuellement des essais cliniques avec un nanomédicament que nous avons mis au point contre le cancer du foie. Celui-ci n’est pas toxique pour le cœur, contrairement à la même molécule délivrée sous une forme traditionnelle. » On comprend pourquoi les chimistes améliorent sans arrêt ces nanovecteurs. Ceux de première génération, utilisés depuis les années 1990, étaient reconnus ©IMageS:F.CaILLauD/SagaSCIeNCe/CNrSPHototHèque comme des corps étrangers par l’organisme qui les dirigeait vers le foie. Ils n’étaient donc utiles que pour des pathologies hépatiques. La deuxième génération est dite furtive, parce que recouverte de polymères hydrophiles et flexibles qui la rendent invisible au système immunitaire. Déjà sur le marché, elle a permis d’étendre les indications. La thérapie génique progresse Et l’heure est maintenant aux véhicules de troisième génération, équipés de véritables « têtes chercheuses » (vitamine, hormone, anticorps, peptide…) qui vont reconnaître de manière sélective les cibles impliquées dans une maladie. « Grâce à eux, on tente aujourd’hui d’entrer à l’intérieur du cerveau, une barrière réputée infranchissable par beaucoup de médicaments 5, se réjouit Patrick Couvreur. Avec l’espoir d’aboutir enfin à des traitements contre les maladies dégénératives comme la maladie d’Alzheimer. » 06 08 07 ces trois liposomes sont des vecteurs de médicaments. ceux de première génération, dits simples (06), ne ciblaient que le foie. ceux de deuxième génération, dits pégylés (07), ont permis d’étendre les indications. Les liposomes pégylés et décorés (08), de troisième génération, sont désormais capables de diffuser les médicaments de manière sélective.
n°252-253 I JAnvIEr-févrIEr 2011 L’enquête | 21 w Et les promesses des nanovecteurs ne s’arrêtent pas là. Capables de délivrer aux cellules des substances médicamenteuses, ils pourraient à l’avenir leur apporter des portions d’ADN. C’est la fameuse thérapie génique, qui vise à remplacer un gène manquant ou défectueux. Actuellement, les vecteurs les plus utilisés dans ce but sont des virus, car ils sont naturellement dotés de tout l’arsenal nécessaire pour entrer dans les cellules et y délivrer leur patrimoine génétique. Il suffit de les modifier pour les rendre non infectieux. Les résultats ne sont toutefois pas encore à la hauteur des espérances des scientifiques. « Le problème des virus est qu’ils entraînent une réponse immunitaire de l’organisme et qu’ils ne peuvent donc délivrer le gène thérapeutique qu’une seule fois au malade, explique Daniel Scherman, directeur de l’Unité de pharmacologie chimique et géné tique et d’imagerie 6, à Paris. Ce qui n’est pas le cas des vecteurs synthétiques. » arninterférent. Petite séquence génétique qui, en inhibant l’action d’un ARN messager, porteur de l’information génétique, empêche la synthèse de la protéine correspondante. 09 grâce à des vecteurs chimiques, des molécules d’Arn interférent (en rouge) ont été introduites dans des cellules de souris (en vert). Un petit bémol : les nanovecteurs sont encore loin d’afficher les performances des virus pour délivrer l’ADN à leur cible. Mais les chimistes continuent de les faire progresser et pensent même à une autre stratégie, plus simple à mettre en œuvre. « Il ne s’agirait plus d’admi nistrer de l’ADN, mais de l’ARN dit interférent, qui est de plus petite taille et n’a pas besoin de pénétrer jusqu’au noyau des cellules pour être efficace, informe le chercheur. Une fois dans la cellule, cette molécule bloquerait l’expression d’un gène responsable d’une maladie. » Une technique que le chimiste et son équipe testent en ce moment sur des animaux et qui pourrait conduire à des traitements contre les maladies inflammatoires telle l’arthrite ou encore contre certains cancers. Médicaments plus efficaces, véhicules pour les délivrer avec une grande précision, les malades ont beaucoup à attendre des avancées développées dans 09 20 µm les laboratoires. D’autant que les chercheurs travaillent sur une autre piste prometteuse : dans le futur, les traitements seront personna lisés. En effet, dressant la carte d’identité génétique d’un patient, on pourra prévoir à quelles molécules celuici sera le plus sensible et à quelle vitesse il les dégradera. Ainsi, on pourra adapter le type de traitement et sa posologie. À la croisée des chemins entre la recherche de médicaments et la génétique, la pharmacogénomique consiste à étudier les facteurs génétiques qui permettent d’établir la façon dont une personne réagit à un ©V.eSCrIou/CNrS médi cament. Aujourd’hui en plein développement, on soigne déjà grâce à elle les malades au cas par cas. Exemple : les scientifiques utilisent les variations des gènes impliqués dans la dégradation de certains médicaments par les enzymes du foie pour déterminer quel patient éliminera lentement une molécule. On peut alors administrer une dose plus faible de médicament et réduire sa toxicité. des pistes encourageantes Et ce n’est pas tout. « Pour certains types de cancer, on ne se contente plus de donner à chaque patient le même médicament, note Daniel Scherman. On étudie très finement quelles mutations génétiques sont présentes dans les tumeurs et on ajuste le traitement en fonction. » Même la thérapie génique pourrait bénéficier à l’avenir de cette médecine personnalisée. « Les mutations qui sont à l’origine de certaines maladies génétiques sont différentes entre les patients, poursuit le chercheur. On commence à mettre au point des petits morceaux d’ADN adaptés à chaque malade. Pour la dystrophie musculaire de Duchenne, des essais sont en cours, qui impliquent notamment des chercheurs du CNRS. » Présents depuis la découverte d’un nouveau principe actif jusqu’à la mise au point d’un nouveau vecteur pour délivrer la molécule directement sur sa cible, les chimistes n’ont pas fini d’œuvrer pour la santé de tous. J. b. 1.unitéCNrS/universitéParis-Sud-XI. 2.unitéCNrS/InstitutCurie/université Paris-Sud-XI/universitéParis-Descartes. 3.unitéCNrS/universitédeStrasbourg. 4.unitéCNrS/universitéParis-Sud-XI. 5.Danslecerveau,lesvaisseauxsanguins sontbeaucoupplusétanches: lesmédicamentsvéhiculésparlesang ontbeaucoupdemalàensortir. 6.unitéCNrS/universitéParis-Descartes/Inserm/ChimieParistech. cOnTAcTs : Jean-daniel brion > jean-daniel.brion@u-psud.fr patrick couvreur > patrick.couvreur@u-psud.fr françoise guéritte > francoise.gueritte@icsn.cnrs-gif.fr marcel hibert > marcel.hibert@pharma.u-strasbg.fr georges massiot > georges.massiot@cnrs-dir.fr claude monneret > claude.monneret@curie.fr daniel scherman > daniel.scherman@parisdescartes.fr



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