CNRS Le Journal n°252-253 jan/fév 2011
CNRS Le Journal n°252-253 jan/fév 2011
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°252-253 de jan/fév 2011

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 4,2 Mo

  • Dans ce numéro : La chimie prend soin de nous

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 14 - 15  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
14 15
w 14 ProPos recueiLLis Par grégOry fLéchEt | Le grand entretien cnrs I LE JOUrnAL Analyse Chargéparlegouvernementderéfléchiràlasortiedecrise,ÉlieCohen, directeurderechercheauCNRS,nouslivresavisiondelaconjonctureéconomique. Économie: les incertitudes de 2011 après la faillite de la banque Lehman Brothers en septembre 2008, le système financier s’est retrouvé au bord du gouffre, provoquant une grave crise économique mondiale. selon vous, comment va évoluer la situation en 2011 ? Élie cohen : L’année 2010 aura été celle du rebond : la reprise du commerce international et la demande issue des pays émergents ont fini par inciter les entreprises des pays développés à reprendre leurs achats et leurs investissements. L’année 2011 s’annonce en revanche plus incertaine, car les aides publiques ne sont plus là pour soutenir la croissance qui est désormais conditionnée uniquement par l’activité économique des entreprises et la consommation des ménages. Plusieurs signaux laissent donc penser que 2011 verra une consolidation des économies européennes et non une accélération de leur croissance. À l’inverse, des pays comme l’Inde ou la Chine, dont les économies sont tirées à la fois de l’intérieur, par de grands plans d’équipement et par le développement de la consommation, et de l’extérieur, par les besoins occidentaux, devraient mieux surmonter cette période de transition. Peut-on dire aujourd’hui que l’économie de marché a su tirer des leçons de ces bouleversements ? É.c. : Non. À la faveur de la crise, des scénarios assez radicaux ont été envisagés pour réformer le système, tels que la création d’une taxe sur les transactions financières assez dissuasive pour tuer certaines opérations spéculatives sans fondement économique. À l’image de ce qui a été fait après la crise de 1929, on a aussi envisagé de séparer les différentes activités de la finance en contraignant les banques à se spécialiser dans l’une ou l’autre. Au plus fort de la crise, on a même pensé nationaliser celles-ci ! Mais, finalement, les États ont préféré sauver au plus vite le système en lui fournissant les capitaux nécessaires à la reprise de son activité. Depuis, les banques ont décidé de rétablir leur situation financière le plus « Il est fondamental que la France respecte ses engagements de maîtrise budgétaire et fiscale, soit 3% de déficit en 2013. » rapidement possible. Et, pour ce faire, il est plus rentable de spéculer sur les matières premières que de prêter de l’argent à des PME du sud de la France. L’effondrement de l’économie irlandaise est d’ailleurs venu nous rappeler que la crise n’était pas terminée.comment expliquer cette déroute du Tigre celtique ? É.c. : En pariant sur une stratégie très attractive en matière de réglementation et de fiscalité des entreprises, l’Irlande est parvenue à construire une industrie de pointe dans les domaines de l’informatique et du biomédical. En vingt ans, ce pays est ainsi devenu le deuxième plus riche de l’Union européenne après le Luxembourg. Puis la finance a pris le relais et alimenté une formidable bulle spéculative dans l’immobilier. Le secteur financier a fini par atteindre trois fois la valeur du produit intérieur brut (PIB) national. Mais, à la suite de la crise américaine, le gouvernement qui avait décidé de garantir de manière illimitée les engagements des banques irlandaises a été incapable d’éponger leurs pertes. Résultat, les Irlandais doivent aujourd’hui payer les pertes bancaires en souscrivant des dettes à des coûts croissants. Doit-on craindre en 2011 une contagion à d’autres pays, notamment au sein de l’union européenne ? É.c. : Au sein de la zone euro, il y a aujourd’hui des pays dont les déficits et la dette augmentent rapidement, alors que le niveau de compétitivité économique par rapport à l’Allemagne, notre maître étalon dans ce domaine, ne cesse de se creuser. Or, lorsqu’un pays qui se trouve dans une telle situation est à la fois incapable de dévaluer sa monnaie, du fait de son appartenance à une zone monétaire unique, et d’exporter davantage, car son industrie n’est plus assez compétitive, il n’a plus aucun moyen de rembourser ses dettes, qui augmentent. Dans les mois à venir, le Portugal et peut-être l’Espagne pourraient ainsi se retrouver dans la même situation d’insolvabilité que l’Irlande. Qu’en est-il de la France ? É.c. : En 2009, l’économie française est celle qui a le mieux résisté à la crise dans l’ensemble de l’Union européenne. Deux raisons à cela : au plus fort de la crise, nous avons bénéficié de ces précieux filets de sécurité que sont nos systèmes de
n°252-253 I JAnvIEr-févrIEr 2011 Le grand entretien | 15 protection sociale et de redistribution de l’argent public. Seconde explication : l’économie française est diversifiée. La France n’étant pas une grande puissance industrielle et exportatrice comme l’Allemagne, elle a donc moins subi le choc de 2008-2009. Toutefois, en ce début de sortie de crise, cette nonspécialisation ne permet pas à la croissance française d’être portée par la reprise de la demande des pays émergents en biens d’équipement. Pour l’avenir, compte tenu de l’ampleur de ses déficits et de sa dette, il est fondamental que la France respecte ses engagements de maîtrise budgétaire et fiscale, soit 3% de déficit en 2013. Faute de quoi, sa dette sera dégradée, et ses conditions de financement se durciront. Le Premier ministre vous a confié la réalisation d’un rapport proposant des pistes pour sortir notre pays de la crise.comment allez-vous procéder ? É.c. : Avec Gilbert Cette et Philippe Aghion, membres comme moi du Conseil d’analyse économique (CAE), nous avions rédigé un premier rapport sur les leviers de la croissance en 2007. Il s’agit à présent de l’actualiser à la lumière de la crise, de la contrainte budgétaire plus forte et de la nouvelle configuration européenne. Nous allons explorer différentes pistes pour stimuler la croissance, en particulier dans le secteur industriel, en réfléchissant au potentiel économique de nos entreprises en fonction du modèle de production choisi. selon vous, une conséquence assez inattendue de la crise serait la récente réforme des retraites… É.c. : En effet. Lorsqu’en 2007 le candidat Sarkozy s’était engagé à ne pas réformer le système des retraites, il ne se doutait pas qu’une crise financière viendrait déprimer massivement nos recettes fiscales. Avec l’augmentation du chômage, les cotisations sociales ont diminué alors même que la part du budget de l’État dédiée au financement des pensions de retraite continuait d’augmenter. Pour limiter nos dépenses publiques, Nicolas Sarkozy a estimé qu’il était socialement plus acceptable de plaider la réforme des retraites que celle de l’assurance maladie ou du chômage. À mon avis, repousser l’âge du départ à la retraite est cependant loin d’être suffisant pour espérer son financement durable. Il faudra donc soit décider de passer à un régime de retraite à la carte, comme en Suède, soit se résigner à taxer les papy boomers dans la mesure où cette génération aura profité de carrières complètes et d’une accumulation de patrimoine sans précédent. À Lire. > Penser la crise, Élie Cohen, Fayard, 2010, 432 p. La crise en 5 DaTes sePTemBre 2008 La banque Lehman Brothers annonce sa faillite, la plus grande de l’histoire des états-Unis. novemBre-DÉcemBre 2008 La crise économique frappe le secteur automobile aux états-Unis et en Europe. Janvier-FÉvrier 2009 Le taux de chômage explose dans les pays développés. avriL 2009 Le g20 se réunit pour redéfinir le capitalisme mondial. novemBre 2010 L’Irlande accuse un déficit public record de son PIB de 32%. ©photoS:C.fRÉSilloN/CNRSphotothèque cOntAct : centre de recherches politiques de sciences Po, Paris Élie cohen > elie.cohen@wanadoo.fr



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :