w 14 ProPos recueiLLis Par grégOry fLéchEt | Le grand entretien cnrs I LE JOUrnAL Analyse Chargéparlegouvernementderéfléchiràlasortiedecrise,ÉlieCohen, directeurderechercheauCNRS,nouslivresavisiondelaconjonctureéconomique. Économie: les incertitudes de 2011 après la faillite de la banque Lehman Brothers en septembre 2008, le système financier s’est retrouvé au bord du gouffre, provoquant une grave crise économique mondiale. selon vous, comment va évoluer la situation en 2011 ? Élie cohen : L’année 2010 aura été celle du rebond : la reprise du commerce international et la demande issue des pays émergents ont fini par inciter les entreprises des pays développés à reprendre leurs achats et leurs investissements. L’année 2011 s’annonce en revanche plus incertaine, car les aides publiques ne sont plus là pour soutenir la croissance qui est désormais conditionnée uniquement par l’activité économique des entreprises et la consommation des ménages. Plusieurs signaux laissent donc penser que 2011 verra une consolidation des économies européennes et non une accélération de leur croissance. À l’inverse, des pays comme l’Inde ou la Chine, dont les économies sont tirées à la fois de l’intérieur, par de grands plans d’équipement et par le développement de la consommation, et de l’extérieur, par les besoins occidentaux, devraient mieux surmonter cette période de transition. Peut-on dire aujourd’hui que l’économie de marché a su tirer des leçons de ces bouleversements ? É.c. : Non. À la faveur de la crise, des scénarios assez radicaux ont été envisagés pour réformer le système, tels que la création d’une taxe sur les transactions financières assez dissuasive pour tuer certaines opérations spéculatives sans fondement économique. À l’image de ce qui a été fait après la crise de 1929, on a aussi envisagé de séparer les différentes activités de la finance en contraignant les banques à se spécialiser dans l’une ou l’autre. Au plus fort de la crise, on a même pensé nationaliser celles-ci ! Mais, finalement, les États ont préféré sauver au plus vite le système en lui fournissant les capitaux nécessaires à la reprise de son activité. Depuis, les banques ont décidé de rétablir leur situation financière le plus « Il est fondamental que la France respecte ses engagements de maîtrise budgétaire et fiscale, soit 3% de déficit en 2013. » rapidement possible. Et, pour ce faire, il est plus rentable de spéculer sur les matières premières que de prêter de l’argent à des PME du sud de la France. L’effondrement de l’économie irlandaise est d’ailleurs venu nous rappeler que la crise n’était pas terminée.comment expliquer cette déroute du Tigre celtique ? É.c. : En pariant sur une stratégie très attractive en matière de réglementation et de fiscalité des entreprises, l’Irlande est parvenue à construire une industrie de pointe dans les domaines de l’informatique et du biomédical. En vingt ans, ce pays est ainsi devenu le deuxième plus riche de l’Union européenne après le Luxembourg. Puis la finance a pris le relais et alimenté une formidable bulle spéculative dans l’immobilier. Le secteur financier a fini par atteindre trois fois la valeur du produit intérieur brut (PIB) national. Mais, à la suite de la crise américaine, le gouvernement qui avait décidé de garantir de manière illimitée les engagements des banques irlandaises a été incapable d’éponger leurs pertes. Résultat, les Irlandais doivent aujourd’hui payer les pertes bancaires en souscrivant des dettes à des coûts croissants. Doit-on craindre en 2011 une contagion à d’autres pays, notamment au sein de l’union européenne ? É.c. : Au sein de la zone euro, il y a aujourd’hui des pays dont les déficits et la dette augmentent rapidement, alors que le niveau de compétitivité économique par rapport à l’Allemagne, notre maître étalon dans ce domaine, ne cesse de se creuser. Or, lorsqu’un pays qui se trouve dans une telle situation est à la fois incapable de dévaluer sa monnaie, du fait de son appartenance à une zone monétaire unique, et d’exporter davantage, car son industrie n’est plus assez compétitive, il n’a plus aucun moyen de rembourser ses dettes, qui augmentent. Dans les mois à venir, le Portugal et peut-être l’Espagne pourraient ainsi se retrouver dans la même situation d’insolvabilité que l’Irlande. Qu’en est-il de la France ? É.c. : En 2009, l’économie française est celle qui a le mieux résisté à la crise dans l’ensemble de l’Union européenne. Deux raisons à cela : au plus fort de la crise, nous avons bénéficié de ces précieux filets de sécurité que sont nos systèmes de |