©11DR ; 12MiNiStèReDeLaCuLtuReetDeLaCoMMuNiCatioN–DRaCD’aquitaiNe ; 13M.LaRivièRe–aRChiveSLavaL 11 12 w 26 « Avec le recul, on est atterré par l’accumulation des erreurs commises (…) qui mirent gravement en danger des peintures qui avaient survécu aux atteintes du temps pendant près de 20 000 ans 1 », résume le préhistorien Jean Clottes, spécialiste des grottes ornées. Mais, « à l’époque, on ne savait pas… », commentent aujourd’hui la plupart des observateurs, comme les conservateurs Alain Rieu et Muriel Mauriac. Selon cette dernière, la plus grosse erreur fut sans doute d’avoir ouvert la grotte à un si grand nombre de visiteurs à partir de juillet 1948, le chaos de la Seconde Guerre mondiale une fois dissipé, sept ans et demi après la découverte de la cavité. Pour l’offrir au public et faciliter sa progression vers les salles ornées, « des travaux d’aménagement inconsidérés ont été réalisés », observe le préhistorien Norbert Aujoulat. Le sol a été évidé pour l’abaisser de 1 mètre dans la zone du Passage. Différents éléments de maçonnerie ont été construits, dont des escaliers à l’entrée de la Salle des Taureaux. Et on a creusé une ouverture monumentale en guise d’entrée avec une porte « digne d’un | L’enquête cnrs I LE JOUrnAL Les erreurs dupassé 13 11 Entrée de la grotte en 1940. Le petit trou, de 20 centimètres à l’origine, est ici déjà élargi. 12 L’entrée, après les travaux de 1947, est devenue monumentale… 13 Prémices des travaux pour abaisser le sol de la salle des taureaux, en 1940. Assis devant, Jacques marsal (de profil) et marcel ravidat (de face), deux des quatre découvreurs de la grotte. temple égyptien, ajoute le chercheur, alors qu’à sa découverte l’ouverture consistait en un petit trou d’à peine 20 centimètres de large… » La grotte, son volume, sa communication avec l’extérieur et ses échanges thermiques s’en sont trouvés profondément modifiés. L’équilibre entre les micro-organismes en tout genre qui régnait jusque-là dans la cavité n’attendait plus qu’un souffle pour vaciller… une ventiLation inadaPtée Ce souffle viendra du système de ventilation installé sous l’escalier d’entrée en 1957. Le but de l’énorme machine, utilisée généralement dans les sous-marins, est d’extraire le gaz carbonique (CO 2) présent en excès du fait de l’affluence de visiteurs et qui provoque parfois des malaises. Elle doit aussi augmenter la température, de 12,7 °C jusqu’à 14 °C, toujours pour le confort du public. « Ce fut le début des ennuis, souligne Norbert Aujoulat. À partir de 1960, des taches vertes se sont développées sur les parois. » Il s’agit d’une algue qui a proliféré au voisinage des vasques de lumière durant l’hiver 1962-1963. Cette maladie verte, sans doute introduite durant les travaux de terrassement ou par le va-et-vient des visiteurs, a été disséminée par la machine de ventilation. L’éclairage artificiel installé dans la grotte, la température trop élevée et l’humidité ambiante auraient ensuite fait le reste en favorisant la croissance de l’algue. Dans le même temps est apparue une maladie blanche. Des voiles de calcite 2 blanche se sont déposés sur les parois à cause d’un cocktail d’infiltration et de condensation d’eau. Certains ont recouvert les peintures. On s’inquiète alors de voir les voiles s’opacifier, en partie du fait de la présence de CO 2. « On aurait pu décider de stopper les visites dès 1962 », analyse Muriel Mauriac. Et ne pas atteindre cette année-là le chiffre mirobolant de 100 000 visiteurs, avec des pics de fréquentation à 1 800 par jour durant l’été. « Mais il faut rappeler qu’il s’agit à l’époque d’une propriété privée, celle de M. de la Rochefoucauld, exploitée par une société qui fait travailler une douzaine de personnes », poursuit Alain Rieu. En avril 1963, André Malraux, ministre des Affaires culturelles, impose au propriétaire de fermer au public. |