CNRS Le Journal n°251 décembre 2010
CNRS Le Journal n°251 décembre 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°251 de décembre 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 6 Mo

  • Dans ce numéro : Sauver Lascaux

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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w 24 Depuis l’interruption des traitements chimiques – le dernier remonte au mois de janvier 2008 –, doublée d’une présence humaine réduite à la portion congrue, Lascaux semble retrouver peu à peu une certaine stabilité. Comme en témoigne l’actuelle régression des taches noires dans l’Abside et dans la Nef. « D’après nos dernières observations visuelles, 1% des peintures sont aujourd’hui atteintes par ce phénomène », estime Jean-Michel Geneste, membre de l’unité de recherche Pacea 2, responsable des études scientifiques au sein de la cavité. La mélanine étant un pigment organique, elle a en effet tendance à s’estomper naturellement avec le temps. Cela est notamment le cas au-dessus des cornes de la grande vache noire, où les auréoles, encore nettement visibles il y a quelques mois, se font plus discrètes. Des signes de rémission qui pourraient signifier que cette contamination ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir. g.f. 1.unitéCNRS/Cea/universitédelaMéditerranée. 2.DelaPréhistoireàl’actuel:culture,environnementet anthropologie(unitéCNRS/universitébordeaux-i/MinistèredelaCultureetdelaCommunication/inrap). cOntActs : claude alabouvette > claude.alabouvette@dijon.inra.fr Jean-Michel geneste > jean-michel.geneste@culture.gouv.fr thierry Heulin > thierry.heulin@cea.fr Piero tiano > p.tiano@icvbc.cnr.it Lascaux : de La découverte à nos Jours 12 sePteMbre 1940 georges Agniel, simon coencas, Jacques marsal et marcel ravidat explorent la grotte de Lascaux pour la première fois. Quatre jours avant, ce dernier avait découvert l’entrée de la cavité : un petit trou de 20 centimètres de large. 27 déceMbre 1940 La grotte est classée monument historique. | L’enquête cnrs I LE JOUrnAL 08 toute présence humaine dans la grotte provoque une augmentation significative de la température ambiante. Une relation clairement mise en évidence par des simulations numériques comme celle-ci. 1960 On constate l’apparition d’une maladie blanche (voile de calcite) et d’une maladie verte (colonie d’algues). 1957 Une machine de régénération et de climatisation de l’air est installée. 1947 de colossaux travaux d’aménagement sont entrepris. 13 JuiLLet 1948 La grotte est ouverte au public. unsiteau climat Lascaux est comme un patient placé sous assistance climatique. Trônant à l’entrée du réseau souterrain, une machine installée en 2000 a pour mission d’empêcher la formation de condensation sur les parois qui pourrait endommager les peintures. Car, entre les travaux d’aménagement de 1947 et le changement climatique d’aujourd’hui, l’atmosphère de la grotte a été profondément perturbée. Et les mouvements d’eau et d’air qui asséchaient naturellement les parois depuis des millénaires ont en partie disparu. La circulation de l’eau d’abord : « Lascaux est située à quelques mètres sous la surface, dans ce que nous appelons la zone d’infiltration diffuse du massif calcaire », indique Valérie Plagnes, 1962 Pas moins de 100 000 personnes visitent la grotte cette année-là, avec des pics pouvant atteindre 1 800 visiteurs certains jours d’été. 1963 La grotte est fermée au public sur la demande d’André malraux, ministre des Affaires culturelles. des traitements chimiques contre la maladie verte sont appliqués. 1940 1950 1960 1970 08 hydrogéologue au sein de l’unité de recherche Sisyphe 1 et membre du conseil scientifique. Avant la découverte de la cavité, une partie de l’eau de pluie, qui circulait dans les couches géologiques situées juste au-dessus, rejoignait chaque automne l’éboulis d’entrée et coulait dans la grotte. Le ProbLèMe de L’eau et de L’air « Cette eau, à la température inférieure à celle de l’air intérieur, provoquait lors de son passage des points froids naturels au niveau du sol », précise la chercheuse. Ces points captaient l’humidité, empêchant la condensation sur les parois. Ce cycle 1965-1967 La machine de ventilation qui aurait favorisé la dispersion de la maladie verte est démontée et remplacée par un nouveau système dit à batterie froide. ©LaboRatoiRetRèfLe-CNRS-uNiveRSitéboRDeaux-i/MCC–DRaCD’aquitaiNe 1972 son propriétaire,m. de la rochefoucauld, fait don de la grotte à l’état.
n°251 I décEmbrE 2010 L’enquête | 25 w précaire quasi immuable au cours des derniers milliers d’années a largement contribué à l’état de conservation exceptionnel des peintures jusqu’aux grands aménagements de la cavité. En dégageant l’éboulis situé à l’entrée de la grotte, puis en canalisant l’eau d’infiltration pour l’empêcher de pénétrer à l’intérieur, les premiers gestionnaires ont perturbé ce régulateur naturel. C’est alors qu’un second régulateur, la circulation de l’air, s’est détraqué à la faveur du changement climatique régional. Par le passé, les parties profondes de la grotte, plus isolées de l’extérieur, bénéficiaient d’une température plus stable et un peu plus élevée qu’à l’entrée. L’air froid de l’entrée se superposait alors à l’air chaud des profondeurs, provoquant un phénomène de convection : une circulation naturelle de l’air qui participait à l’assèchement des parois. une teMPérature fLuctuante Or, depuis trente ans, le département de la Dordogne connaît des hivers moins rigoureux. Du fait de sa proximité avec la surface, Lascaux subit de plein fouet les effets de ce radoucissement. À partir de 1985, la température moyenne à l’entrée de la grotte a fini par dépasser celle qui régnait dans les parties profondes. Résultat, l’air s’est réchauffé près de la voûte de la cavité. « Quand de l’air chaud se superpose à de l’air froid, il se stratifie, et la convection s’interrompt », explique Philippe Malaurent, ingénieur au laboratoire Ghymac 2, chargé de suivi des paramètres climatiques de la grotte. Cette stagnation de l’air a favorisé la condensation de l’eau sur les parois de la cavité. Si bien que, vers la fin des années 1980, l’ancien régulateur climatique, installé dans les années 1960, n’éliminait plus l’humidité que dans la Salle des Taureaux, à l’entrée. Il fut donc remplacé en 2000 par la machine actuelle, que certains jugent encore inadaptée. « Ce n’est pas tant la conception de cette machine qui est en cause qu’une mauvaise prise en compte du changement climatique dans l’évolution de la climatologie de la grotte », note Jean-Jacques Delannoy, géologue au 10 1979 La grotte est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. 1983 Lascaux II, fac-similé de la salle des taureaux et du diverticule axial, est ouvert au public dans une cavité à 350 mètres de la grotte originale. 10 Ici en couleurs estompées, le panneau de la Vache-qui-tombe et la frise des Petits chevaux, situés dans le diverticule axial. sein de l’unité de recherche Edytem 3 et membre de l’actuel conseil scientifique. Rétablir les mouvements de convection dans l’ensemble de la grotte reste le meilleur moyen de protéger les peintures. Pour y parvenir à coup sûr, l’une des stratégies consisterait à installer des cellules de refroidissement, sortes de points froids statiques, à l’intérieur du réseau souterrain. Une solution qui ne peut être envisageable qu’en dernier recours, tant l’introduction de matériel dans l’enceinte de la grotte peut être lourde de conséquences : assèchement trop brutal des parois, risque de fuite du fluide de refroidissement, difficulté à gérer plusieurs points froids en même temps… Mais nous n’en sommes pas là. Depuis 2001, à la faveur d’une très légère hausse des températures dans les parties profondes de la grotte, les mouvements de convection sont même réapparus. « Cette année, l’assistance climatique n’a été mise en route que le 22 juin, soit un mois plus tard qu’en 2009 », souligne Philippe Malaurent. Peut-être les signes avant-coureurs d’un possible retour à l’équilibre de la cavité… g.f. 1.Structureetfonctionnementdessystèmes hydriquescontinentaux(unitéCNRS/uPMC/écolepratiquedeshautesétudesdeParis). 2.Géosciences,hydrosciences,matériaux, construction(universitébordeaux-i/université Michel-de-Montaigne-bordeaux-iii). 3.environnements,dynamiquesetterritoires delamontagne(unitéCNRS/universitédeSavoie). cOntActs : Jean-Jacques delannoy > jean-jacques.delannoy@univ-savoie.fr Philippe Malaurent > p.malaurent@ghymac.u-bordeaux1.fr valérie Plagnes > valerie.plagnes@upmc.fr 2001 Le système de climatisation, devenu obsolète, a de nouveau été changé. dans les mois qui suivent, un champignon blanc envahit l’entrée de la salle des taureaux. Une couverture de chaux et un fongicide sont apposés. 2007 des taches noires issues d’un nouveau champignon, apparues depuis quelques années, sont observées à proximité des peintures. de nouveLLe traces à surveiLLer 1980 1990 2000 2010 09 09 telles des arabesques, les vermiculations (ici dans la grotte chauvet) sont des phénomènes géologiques fréquents en milieu souterrain. Parce qu’elles ressemblent étrangement aux traces laissées par un lombric, les spécialistes des milieux souterrains les ont baptisées vermiculations. Déjà présentes en différents endroits de la cavité, d’autres marques de ce genre ont été observées au cours de l’automne 2009. Ce phénomène géologique, relativement fréquent dans les milieux souterrains d’origine calcaire, résulte du déplacement sur de très courtes distances de particules d’argiles présentes sur les parois. Ces impuretés, insolubles dans l’eau, sont ensuite déplacées au gré des saisons par l’eau issue de l’infiltration ou de la condensation des parois. Bien que le phénomène ne semble pour l’heure avoir aucun impact sur les fresques de Lascaux, un protocole de suivi de son évolution vient d’être mis en place pour une durée d’un an. Du côté du conseil scientifique, on se veut rassurant : « Ces vermiculations sont présentes en très grand nombre dans d’autres grottes ornées, comme celles de Chauvet ou de Cussac, sans que cela ne nuise à l’intégrité des peintures ou des gravures », précise Jean-Jacques Delannoy. 2008 L’Unesco menace d’inscrire la grotte sur la liste du patrimoine mondial en péril. L’idée est écartée après la visite des experts de l’organisation internationale. ©j.-j.DeLaNNoy 2010 Un nouveau conseil scientifique, présidé par le paléontologue yves coppens, est nommé. ©MiNiStèReDeLaCuLtuReetDeLaCoMMuNiCatioN–CNP



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