w 22 jusqu’au début du Paléolithique supérieur, la grotte Cosquer affiche 27 000 ans, et la grotte Chauvet, 32 000 ans. Mais Lascaux se distingue de tous les autres sites. D’abord, « bien que de longueur modeste, avec ses 230 mètres de long environ et ses espaces relativement restreints, elle contient des frises de dimensions importantes, notamment un immense aurochs de 5,5 m de long », commente Norbert Aujoulat, directeur du département d’art pariétal au Centre national de la Préhistoire 1, à Périgueux. Ensuite, « il n’existe que peu de grottes ornées de peintures sous forme d’aplats de couleurs, par opposition aux dessins définis par leurs seuls contours ». Cette maîtrise de la technique – la peinture est soufflée sur la paroi – est particulièrement troublante tant les perspectives sont magistrales, jouant souvent avec la surface bosselée d’un support peu propice. Enfin, « les animaux y sont représentés en mouvement, alors que, dans les autres grottes, la représentation est plus statique », poursuit l’expert. une ferMeture saLutaire Pour toutes ces raisons, Lascaux est unique. « Elle fut aussi le premier site à fermer au public, alors qu’elle était la grotte la plus visitée au monde, ce qui a entraîné une prise de conscience de l’importance de conserver ce type de patrimoine », soulignent Alain Rieu, chef de la conservation régionale des monuments historiques, | L’enquête cnrs I LE JOUrnAL rePère. Le Paléolithique supérieur (– 40 000 à – 10 000 ans) est caractérisé par l’arrivée de l’homme moderne en Europe, le développement de nouvelles techniques (lames, industrie osseuse…) et l’explosion de l’art préhistorique. et Muriel Mauriac, conservatrice de la grotte, tous deux à la direction régionale des affaires culturelles d’Aquitaine. « La grotte d’Altamira, en Espagne, a eu aussi des problèmes de champignons dans les années 1970, précisent-ils, mais les malheurs de Lascaux ont servi d’enseignement » : le site a fermé à temps et n’a pas subi de traitement ravageur. Alors que les autres grottes n’ont aujourd’hui à se battre que contre quelques mousses, Lascaux est donc la seule où persistent de véritables problèmes.c. Z. 1.unitéCNRS/universitébordeaux-i/Ministère delaCultureetdelaCommunication/inrap. cOntActs : norbert aujoulat > norbert.aujoulat@orange.fr Muriel Mauriac > muriel.mauriac@culture.gouv.fr alain rieu > alain.rieu@culture.gouv.fr « Un symbole de la création de la vie » wLes chevaux, les taureaux, puis les cerfs. selon norbert Aujoulat, auteur d’une thèse d’état sur l’interprétation symbolique des peintures de Lascaux, les animaux apparaissent toujours dans le même ordre. Après avoir analysé leur pelage et leur silhouette, le chercheur n’a plus de doute : chaque animal a été saisi au moment de sa période de rut. « Lascaux semble un symbole de la création 04 de la vie, explique-t-il. Je pense que ces peintures ont été réalisées par des hommes mandatés par leur tribu, mais qui ne sont jamais revenus sur les lieux. » Un sanctuaire dont seul comptait le souvenir ? « C’est ce qui paraît s’être passé dans d’autres grottes, dont les sols argileux, capables d’imprimer les empreintes de pas, n’en contiennent que très peu : preuve que ce n’étaient pas des lieux très fréquentés. » Le sol sableux de Lascaux ne permet pas d’affirmer la même chose, mais norbert Aujoulat penche fortement pour cette interprétation. ©03-04-05-06MiNiStèReDeLaCuLtuReetDeLaCoMMuNiCatioN-CNP 03 03 ce grand aurochs, situé dans le diverticule axial, est probablement l’image la plus emblématique de Lascaux. 04 Panneau de l’hémione, sorte d’âne sauvage, toujours dans le diverticule axial. sa silhouette trapue et sa ligne ventrale évoquent la fertilité. Des toutes les études microbiologiques menées à Lascaux sont formelles : la cavité fourmille de bactéries et de champignons. Invisibles à l’œil nu, ces micro-organismes ne représentent pas un réel danger pour les fresques vieilles de 18 000 ans. Excepté lorsque l’un d’entre eux se met à proliférer. Sur le front de ces contaminations, la plus préoccupante aujourd’hui concerne des champignons mélanisés. Les fauteurs de trouble sont ainsi surnommés car leur prolifération se traduit par la formation d’auréoles sombres sur les parois qu’ils investissent. Ces taches noires pourraient constituer une réaction de défense à un stimulus extérieur (source de lumière arti ficielle, traitement chimique antérieur…). Leur expansion serait facilitée par la présence de collemboles, des arthropodes de 1 millimètre de long aperçus près de ces taches. Ceux-ci, |