CNRS Le Journal n°250 novembre 2010
CNRS Le Journal n°250 novembre 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°250 de novembre 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 6,3 Mo

  • Dans ce numéro : Jusqu'où ira l'informatique ?

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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w 30 pierre-henri castel en 5 dates 1963 naissance à Paris 1992 Doctorat de philosophie et sciences sociales à l’EHEss 1995 Doctorat de psychologie à l’université Paris-nord 1998 Publication de l’ouvrage La Querelle de l’hystérie (PUF), prix de la semaine européenne de la philosophie 2010 Directeur de l’équipe santé mentale et sciences sociales du cermes3 | Portrait cnrs I LE JOUrnAL santé Psychanalyste, docteur en philosophie et en psychologie, Pierre-Henri castel a choisi de consacrer ses travaux à l’histoire et à la philosophie de la médecine mentale. Pierre-HenriCastel ausculte les maladies mentales
©f.PLAS/CNRSPHototHèqUE n°250 I nOvEmbrE 2010 Portrait | 31 par nIcOLAs cOnstAns « Par ici, la porte au fond. » Nous traversons au pas de charge un appartement parisien désert et immaculé pour rejoindre son bureau. « Asseyez-vous. » Le ton de routine et le divan qui borde la pièce rappellent que Pierre-Henri Castel, 47 ans, philosophe et historien de la médecine mentale, est aussi psychanalyste. « Aujourd’hui, la direction d’une équipe au CNRS 1 ne me laisse pas beaucoup de temps, confie-t-il, mais je reçois toujours de temps à autre des patients. Tous mes livres s’enracinent dans des cas auxquels j’ai été confronté personnellement. » Avant la psychanalyse, il y a d’abord eu la philosophie. En 1982, jeune normalien, Pierre-Henri Castel montre quelques écrits à son professeur Jacques Derrida, qui s’y intéresse. Il fera sa thèse avec lui. « C’était un sujet très spéculatif, à propos du structuralisme. Jacques m’avait dit que, de toute façon, ce que je voulais faire était moins important que ce que j’allais apprendre pour le faire, se souvient-il. Il m’a conseillé de me former à la linguistique et à l’anthropologie. » Le jeune philosophe passe ainsi deux ans au Lesotho, en Afrique du Sud, pour en étudier la langue dans le contexte de l’apartheid. « Aujourd’hui, ce pays est en train de disparaître, ravagé par le Sida, déplore-t-il. Tous les amis que j’y avais sont morts. » d’une discipline à l’autre Faire sa thèse avec Jacques Derrida « fut un grand bonheur intellectuel, mais un grand malheur académique, avoue Pierre-Henri Castel. Son statut de vedette de la philosophie enseignant dans les universités américaines suscitait beaucoup d’animosité dans le milieu universitaire français. Cela m’en a longtemps fermé les portes. » Il se lance alors dans une deuxième thèse, en 1993-1994, sur l’histoire de l’hystérie et les débats qu’elle a suscités chez les différents élèves du médecin Jean-Martin Charcot. « Mon projet était de recréer une histoire et une philosophie de la psychopathologie, raconte-t-il. Cette discipline était quasi inexistante en France et marquée par la pensée de Michel Foucault, que je trouvais un peu vieillotte. Je voulais faire de la philosophie de l’esprit, à la suite du célèbre philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein, ou de Vincent Descombes 2 qui a beaucoup compté pour moi. » Parallèlement, Pierre-Henri Castel apprend pendant dix ans la psychiatrie clinique à l’hôpital Sainte-Anne. Il reçoit l’enseignement très réputé de Marcel Czermak, qui fut un proche de Jacques Lacan. Pendant quinze ans, il travaille comme psychologue dans un service de psychiatrie adulte de l’hôpital de Ville-Évrard, en Seine-Saint-Denis. Avec le chef de service et quelques amis psychiatres, il organise un enseignement original, où des cas concrets de patients sont présentés, en indiquant de quelles manières différentes ils auraient été vus tout au long de l’histoire. À l’époque, il est aussi professeur de lycée à Dreux, jonglant entre ses emplois du temps professionnel et familial, se levant aux aurores et écrivant la nuit. « J’étais plutôt à l’écart de la vie intellectuelle, remarque le chercheur. C’est pourquoi j’ai créé un site Internet assez tôt, en 1998, pour donner accès à mon travail. » Sa thèse lui fournit la matière à un ouvrage, La Querelle de l’hystérie, paru en 1998, qui reçoit le prix de la Semaine européenne de la philosophie. Il est recruté au CNRS l’année suivante, à 37 ans. Pierre-Henri Castel s’attaque alors à la rédaction d’une somme érudite de plus de 500 pages sur le transsexualisme, parue en 2003. Il y expose l’évolution sans précédent de cette notion, considérée comme une psychose gravissime à la fin du xix e siècle et devenue aujourd’hui un droit, objet de déclarations par la Cour européenne des droits de l’homme. Il y montre, par exemple, le rôle joué par la découverte des hormones ou par les progrès de la chirurgie lors de la Première Guerre mondiale, qui ouvrent la voie « Mon projet était de recréer une histoire et une philosophie de la psychopathologie. » aux opérations de changement de sexe. « Je cherche aussi à faire comprendre en quoi ce genre d’analyse peut intéresser la pratique du psychiatre ou du psychanalyste, commente le chercheur. Dans mon prochain livre, qui traite de la névrose obsessionnelle, je vais publier l’analyse approfondie du cas d’un patient en regard de l’étude historique et philosophique des différentes théories avancées pour interpréter cette pathologie. » Entre-temps, il a consacré un livre à l’explication des maladies mentales par les neurosciences, de plus en plus prépondérantes dans la psychiatrie actuelle. « J’essaie de montrer comment sont construites ces théories, quels sont leurs présupposés philosophiques, précise-t-il. Le modèle des sciences naturelles qu’elles adoptent, par exemple, n’a aucune espèce d’évidence. D’autres approches sont tout aussi légitimes. » Depuis 2000, Pierre-Henri Castel travaille avec l’équipe du sociologue Alain Ehrenberg, qu’il a rejoint définitivement en 2008. « Il s’y trouve beaucoup de sociologues et d’anthropologues qui travaillent sur la santé et la santé mentale, et j’essaie de faire vivre un peu de philosophie là-dedans », explique-t-il. Ainsi, cette équipe de chercheurs tente actuellement d’expliquer pourquoi certaines maladies mentales comme la dépression ou la souffrance psychosociale, fréquemment diagnostiquées en France, sont vues très différemment dans d’autres pays, voire n’existent pas. Ou ce qui conduit certains jeunes à rester chez eux, disparaissant de toute vie sociale, un phénomène émergent en France, mais déjà très important au Japon, où il est appelé hikikomori. Et, comme chaque époque, chaque pays produit ses propres pathologies, les objets d’étude semblent inépuisables. D’ailleurs, Pierre- Henri Castel s’est déjà attelé à un nouveau sujet, de taille : le statut des perversions dans la psychiatrie contemporaine et la culture. 1.L’équipeSantémentaleetsciencessocialesduCentrederecherche, médecine,sciences,santé,santémentale,société(Cermes3) (UnitéCNRS/UniversitéParis-Descartes/Inserm/EHESSParis). 2.Philosophefrançais,GrandPrixdephilosophieen2005, aujourd’huiauCentred’étudessociologiquesetpolitiques Raymond-Aron(CRPRA)(UnitéCNRS/EHESSParis). en liGne. > http:Ilpierrehenri.castel.free.fr/à lire. > L’Esprit malade. Cerveaux, folies, individus, Ithaque, 2010, 352 p. cOntAct : centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale, société (cermes3), villejuif pierre-henri castel > pierrehenri.castel@free.fr



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