w ©IBM 28 c’est un rêve d’informaticien… Un ordinateur si rapide que casser un code, prévoir la météo à long terme ou battre à plate couture n’importe quel grand maître des échecs ne lui prendrait pas plus d’une seconde. Disons le tout net, ce fantasme est loin d’être une réalité. Ce qui n’empêche pas mathématiciens et physiciens de commencer à esquisser les contours de ce que sera peut-être un jour cette extraordinaire machine. Son nom ? L’ordinateur quantique. Son concept ? Tirer partie des étonnantes lois quantiques qui autorisent une particule, un atome ou une molécule, à occuper deux états en même temps. À la manière du chat imaginé en 1935 par Erwin Schrödinger, l’un des pères de la mécanique quantique, à la fois mort et vivant. Ainsi, alors que, dans un ordinateur ordinaire, les informations sont stockées sous la forme de bits prenant les valeurs 0 ou 1, des bits quantiques (ou qubits) pourraient simultanément prendre les valeurs 0 et 1. L’intérêt : la possibilité de stocker, en principe, sur la même mémoire des informations représentant un grand | L’enquête cnrs I LE JOUrnAL 14 ordinateurquantique: l’ultime défi factorisation. Décomposition en facteurs premiers des grands nombres. quBit. Bit quantique qui a la particularité d’avoir un état dit de superposition où les valeurs 0 et 1 sont prises en même temps, en plus des valeurs standard 0 et 1 du bit classique. nombre de solutions potentielles d’un problème. Et, en appliquant des algorithmes adaptés, traiter toutes ces solutions de concert. De quoi renvoyer les plus puissants calculateurs d’aujourd’hui à la préhistoire de l’informatique. une idée qui a fait son chemin Pour autant, un tel ordinateur sortira-t-il jamais des laboratoires ? Et si c’était un jour le cas, serait-il vraiment capable de tous les prodiges ? Rien n’est moins sûr. Après tout, au début des années 1980, l’ordinateur quantique n’était qu’une idée lancée en l’air par le prix Nobel de physique Richard Feynman. Comme le raconte Julia Kempe, du Laboratoire de recherche en informatique (LRI), à Orsay, élue Femme en or de la recherche 2010, « Feynman a fait remarquer qu’avec un ordinateur quantique on pourrait calculer bien plus rapidement les propriétés d’une assemblée de particules quantiques, des électrons par exemple, qu’avec un ordinateur classique. On pourrait en effet encoder chaque électron sur un qubit, alors qu’il faut une grande quantité de bits classiques pour encoder les nombreux états dans lesquels il peut se trouver en même temps. Mais ce n’était qu’une idée. » À dire vrai, une très bonne idée. Car, en 1994, Peter Shor, alors aux Laboratoires AT & T, aux États-Unis, montre formellement qu’un ordinateur quantique pourrait factoriser un nombre, c’est-à-dire le décomposer en un produit de nombres premiers en un temps record. De quoi faire de l’ordinateur quantique la bête noire de tous les cryptographes, puisque, du fait de sa gourmandise en temps de calcul, la factorisation est actuellement la clé de tous les codes secrets, de celui de nos cartes bleues à ceux permettant d’échanger des secrets d’État. De même, en 1997, Lov Grover, des laboratoires Bell, démontre qu’un ordinateur utilisant des qubits pourrait considérablement augmenter l’efficacité des algorithmes utilisés pour la recherche d’informations dans une base de données. Sauf que si, dans les années 1990, mathématiciens et physiciens commencent à démontrer l’intérêt de disposer d’un ordinateur quantique, la « bête » ellemême n’est encore qu’une chimère. De fait, aujourd’hui comme hier, personne ne sait concrètement de quoi seront composés les fameux qubits : des atomes ou des ions, des molécules, des électrons, des |