PAR ÉMILIE BADIN CNRS I LE JOURNAL w 28 | Rubrique Portrait Astrophysique Le chercheur américain, Prix Nobel en 2006, s’est installé à Paris depuis quelques années pour mener à bien des projets d’envergure. George Smoot, défricheur du cosmos Il voudrait bien assister à l’Ichep, le plus grand symposium international sur la physique des particules, mais il n’a pas de badge. Alors, il attend, un peu en retrait, l’autorisation de pénétrer dans le grand amphithéâtre du Palais des congrès de Paris. « Voyons, monsieur Smoot, vous n’avez pas besoin de badge ! », lui lance une organisatrice. Il faut dire que George Fitzgerald Smoot a reçu en 2006 le prix Nobel de physique… Une distinction que le scientifique partage avec son collègue JohnC. Mather. En 1992, tous deux signent une découverte scientifique historique. Dans le fond diffus cosmologique, la toute première lumière émise par l’Univers, ils détectent ce que la communauté traque depuis des années : d’infimes fluctuations, graines microscopiques des futures galaxies. Humble malgré son titre, le scientifique n’est pas effacé pour autant. Sa silhouette haute et carrée, sa voix forte, son visage pâle mais rieur lui donnent une grande prestance. Devant l’amphithéâtre, il lève sans cesse la main et distribue des sourires pour saluer collègues, amis, journalistes. On le devine très occupé. Après avoir obtenu en 2009 la prestigieuse chaire Blaise-Pascal 1 à l’université Paris Diderot, l’Américain de 65 ans a intégré en février 2010 le laboratoire Astroparticule et cosmologie (APC) 2, devenant ainsi enseignant-chercheur. Au printemps, il a concocté un nouveau module, intitulé L’Univers et moi, sur les liens entre l’homme et le cosmos, dispensé en version originale, of course 3. « C’est indispensable pour faire venir les cerveaux étrangers », assure-t-il. C’est aussi dans ce but qu’il s’attelle depuis deux ans à la création d’un centre de cosmologie dans la capitale. « L’objectif « Je ne me serais jamais lancé dans cette quête si j’avais su combien de temps et d’efforts elle allait me demander. » est de fédérer les laboratoires de cosmologie parisiens, dont l’expertise est reconnue au niveau mondial, et de faire venir des talents de toute la planète », explique le chercheur. Il enchaîne les phrases à toute vitesse, ne les ponctuant que par des petits clins d’œil nerveux. « La cosmologie connaît actuellement un tournant, car les théories élaborées depuis des décennies sur la matière noire, l’antimatière et plus récemment sur l’énergie noire ont une chance d’être testées grâce au LHC [le plus grand accélérateur de particules au monde]. Une nouvelle physique est en train d’émerger. Ce centre est donc plus que jamais nécessaire », précise-t-il. IL A DÉJÀ CRÉÉ TROIS CENTRES DE COSMOLOGIE George Smoot n’en est pas à son coup d’essai. Des centres de ce type, il en a déjà créés à Berkeley, au Mexique et en Corée. Si les cultures et les mentalités sont à chaque fois différentes, la tâche de fond reste toujours la même : dénicher des donateurs pour financer la construction d’un satellite, la mise au point d’un calculateur, le salaire des postdocs recrutés et les projets annexes. « Nous sommes par exemple en train de mettre en place un programme d’enseignement de la cosmologie dès le lycée, indique-t-il. Il faut intéresser les jeunes très tôt si l’on ne veut pas qu’ils délaissent les études scientifiques. » Né d’une famille où le savoir tient une immense place, il n’a, lui, pas boudé les études. À l’université, c’est un élève brillant, passionné de physique et de mathématiques. En 1970, il obtient son doctorat en physique des particules au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Mais ne se restreint pas au monde subatomique. « J’avais envie de tout comprendre », se souvient-il. |