w 26 | L’enquête CNRS I LE JOURNAL Un trésor à préserver 12 12 L’agroforesterie est une pratique qui permet de conserver la diversité végétale. Ci-dessus, au cœur d’une forêt indonésienne, une plantation de café a été associée à une culture de poivre et de patchouli. Chaque médaille a son revers, et notre engouement pour les plantes ne déroge pas à la règle : l’or vert est aujourd’hui menacé. On estime qu’un quart des quelque 320 000 espèces de plantes répertoriées sur le globe risque de disparaître, du fait notamment de leur surexploitation. Comment enrayer le phénomène ? Comment répondre à une demande de plus en plus importante sans menacer ce fragile équilibre écologique ? Une partie de la réponse viendra certainement de la mise en place d’une gestion plus raisonnée du monde végétal. Une démarche que tente d’adopter l’industrie pharmaceutique, sans cesse à la recherche de plantes dont elle pourra tirer de nouvelles molécules actives, et qui ne veut pas répéter les erreurs du passé. Il faut dire que tout le monde a encore en tête l’histoire du Taxol. Mis au point dans les années 1980, ce médicament anticancéreux tiré de l’écorce des ifs avait failli conduire à la disparition de ces arbres. « Il fallait absolument trouver un moyen écologique de produire le médicament, se souvient Françoise Guéritte, 2000 nouvelles espèces de plantes sont répertoriées chaque année de l’Institut de chimie des substances naturelles (ICSN) 1, à Gifsur-Yvette. Rapidement, nous avons isolé dans les feuilles de l’if une nouvelle molécule naturelle qui a permis de mettre au point un analogue de synthèse du Taxol, plus performant encore, le Taxotère. » Une découverte qui a valu à Pierre Potier, alors directeur de l’ICSN, la médaille d’or du CNRS en 1998. Et qui sert à présent d’exemple à tous les chimistes. Dans leur quête de nouveaux médicaments, ces derniers privilégient désormais les parties non vulnérables des plantes et tentent d’éviter les espèces placées sur les listes rouges par les organismes de conservation de la nature. IL FAUT VALORISER LES SAVOIRS LOCAUX Pour faire face à l’érosion de la diversité végétale, l’étude des pratiques traditionnelles est une autre piste sérieuse. Mises à l’écart pendant longtemps, elles ont été réhabilitées en 1992 avec la ratification de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique. On commence enfin à reconnaître leur intérêt en matière de conservation et d’utilisation durable des plantes. Qui mieux en effet que les peuples autochtones, attachés à un territoire depuis longtemps, peuvent être les garants de la diversité végétale ? Les travaux de Serge Bahuchet, directeur du laboratoire Éco-anthropologie et ethnobiologie 2, à Paris, vont dans ce sens. Ils mettent © H. DE FORESTA/IRD |