CNRS Le Journal n°248-249 sep/oct 2010
CNRS Le Journal n°248-249 sep/oct 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°248-249 de sep/oct 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 6,5 Mo

  • Dans ce numéro : Les mille vertus des plantes

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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w 26 | L’enquête CNRS I LE JOURNAL Un trésor à préserver 12 12 L’agroforesterie est une pratique qui permet de conserver la diversité végétale. Ci-dessus, au cœur d’une forêt indonésienne, une plantation de café a été associée à une culture de poivre et de patchouli. Chaque médaille a son revers, et notre engouement pour les plantes ne déroge pas à la règle : l’or vert est aujourd’hui menacé. On estime qu’un quart des quelque 320 000 espèces de plantes répertoriées sur le globe risque de disparaître, du fait notamment de leur surexploitation. Comment enrayer le phénomène ? Comment répondre à une demande de plus en plus importante sans menacer ce fragile équilibre écologique ? Une partie de la réponse viendra certainement de la mise en place d’une gestion plus raisonnée du monde végétal. Une démarche que tente d’adopter l’industrie pharmaceutique, sans cesse à la recherche de plantes dont elle pourra tirer de nouvelles molécules actives, et qui ne veut pas répéter les erreurs du passé. Il faut dire que tout le monde a encore en tête l’histoire du Taxol. Mis au point dans les années 1980, ce médicament anticancéreux tiré de l’écorce des ifs avait failli conduire à la disparition de ces arbres. « Il fallait absolument trouver un moyen écologique de produire le médicament, se souvient Françoise Guéritte, 2000 nouvelles espèces de plantes sont répertoriées chaque année de l’Institut de chimie des substances naturelles (ICSN) 1, à Gifsur-Yvette. Rapidement, nous avons isolé dans les feuilles de l’if une nouvelle molécule naturelle qui a permis de mettre au point un analogue de synthèse du Taxol, plus performant encore, le Taxotère. » Une découverte qui a valu à Pierre Potier, alors directeur de l’ICSN, la médaille d’or du CNRS en 1998. Et qui sert à présent d’exemple à tous les chimistes. Dans leur quête de nouveaux médicaments, ces derniers privilégient désormais les parties non vulnérables des plantes et tentent d’éviter les espèces placées sur les listes rouges par les organismes de conservation de la nature. IL FAUT VALORISER LES SAVOIRS LOCAUX Pour faire face à l’érosion de la diversité végétale, l’étude des pratiques traditionnelles est une autre piste sérieuse. Mises à l’écart pendant longtemps, elles ont été réhabilitées en 1992 avec la ratification de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique. On commence enfin à reconnaître leur intérêt en matière de conservation et d’utilisation durable des plantes. Qui mieux en effet que les peuples autochtones, attachés à un territoire depuis longtemps, peuvent être les garants de la diversité végétale ? Les travaux de Serge Bahuchet, directeur du laboratoire Éco-anthropologie et ethnobiologie 2, à Paris, vont dans ce sens. Ils mettent © H. DE FORESTA/IRD
© M. HOFER/WELLCOME IMAGES N°248-249 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010 L’enquête | 27 en évidence le côté profondément durable de nombreux savoirs locaux. Le chercheur cite ainsi « l’agroforesterie, pratiquée à Sumatra notamment, qui permet de cultiver des hévéas, du poivre et du café à l’intérieur même d’une forêt naturelle, ou encore l’agriculture itinérante sur brûlis, en Afrique équatoriale, qui ne nécessite aucun engrais et permet la reconquête rapide de la végétation après deux ans d’exploitation d’une parcelle ». Même son de cloche pour Yildiz Aumeeruddy-Thomas, du Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive 3, à Montpellier. « On a souvent tendance à extraire les hommes d’un paysage, alors que ce sont eux qui l’ont modelé au fil des siècles », remarque la chercheuse. Dans chaque pays où elle se rend, elle tente de mieux cerner la biodiversité d’un territoire en lien avec la diversité des pratiques qui y sont rattachées, afin de guider les stratégies de conservation. Au Maroc, où l’huile d’argan s’apprête à recevoir l’équivalent du label AOC (Appellation d’origine contrôlée), elle a pu montrer que les différentes utilisations traditionnelles de l’arbre – ses noix servent pour l’huile dans l’alimentation, les rituels et la cosmétique, et son bois, comme combustible – ont chacune contribué à créer des terroirs bien distincts les uns des autres 4. Une donnée qui n’a rien d’évident et qui s’avère capitale pour conserver le patrimoine végétal dans son ensemble. UN USAGE RAISONNÉ POUR PLUS DE DIVERSITÉ Autre illustration, dans l’Himalaya cette fois. Entre 1996 et 2004, dans le cadre d’un programme de l’Unesco, l’ethnoécologue a inventorié au Népal toutes les plantes utilisées par la médecine traditionnelle tibétaine et dont certaines sont clairement menacées. Dans ses conclusions, elle constate que « quand l’homme est présent et a un usage raisonné des plantes, leur diversité est à son maximum. Au contraire, quand il est absent et qu’il ne fait plus brouter ses troupeaux, le milieu est envahi par un petit nombre d’espèces, des rhododendrons notamment ». Les travaux de la chercheuse ont abouti à une stratégie de conservation efficace tout en permettant aux populations locales de revendre une partie de leur récolte. Pour une meilleure gestion de l’or vert, on peut aussi désormais compter sur l’Histoire avec un grand H. Les chercheurs sont en effet capables de mesurer l’impact de l’occupation humaine sur la végétation d’un milieu jusqu’à il y a 15 000 ans environ. Comment ? Par l’analyse des charbons de bois et autres restes fossilisés de végétaux retrouvés sur des sites archéologiques ou dans des carottages de sol. Véritable carte d’identité d’une espèce végétale, ils attestent de la présence à une époque donnée de telle ou telle espèce. On peut ainsi reconstituer les types de végétations qui se sont succédé. « La grande leçon de nos recherches, c’est que 13 13 Un médecin tibétain apprend ici à ses étudiants à reconnaître les plantes qui entrent dans la composition des médicaments au Tibet. la plupart des paysages qu’on pensait naturels ont été construits en réalité par les hommes dès le Néolithique, qui marque les débuts de l’agriculture et de l’élevage », révèle Claire Delhon, du Centre d’études Préhistoire, Antiquité, Moyen Âge 5, à Valbonne. LE MILIEU MARIN NE DOIT PAS ÊTRE OUBLIÉ L’exemple le plus étonnant est peut-être celui de la garrigue, créée par l’homme il y a presque 6 000 ans. Au départ, le milieu était dominé par les chênes à feuillage caduc. Puis, l’homme qui vivait jusqu’ici de chasse et de cueillette est devenu agriculteur et éleveur. Il a défriché pour ses champs et fait paître ses troupeaux. Avec comme conséquence la régression du chêne à feuillage caduc, supplanté par deux espèces beaucoup plus résistantes : le chêne-vert et le buis. « Entre le paysage naturel et le paysage construit par les activités traditionnelles de l’homme, il n’y en a pas un qui soit meilleur que l’autre, juge la chercheuse. On ne peut pas dire que l’homme a fait régresser la biodiversité là où il s’est installé. Il a simplement redistribué les espèces entre elles. » Si, sur terre, la gestion de l’or vert n’est pas une question nouvelle, dans la mer, en revanche, le défi est plus que jamais d’actualité. Peu exploités jusqu’à aujourd’hui, les algues et autres végétaux sont désormais au centre de toutes les convoitises. Ainsi, l’utilisation des algues brunes, utilisées pour faire des gélifiants dans l’industrie alimentaire et cosmétique et qui remonte à une centaine d’années seulement, devrait s’accélérer. En effet, comme l’indique Catherine Boyen, du laboratoire Végétaux marins et biomolécules 6 de la Station biologique de Roscoff, « on commence à découvrir dans ces algues toutes sortes de nouvelles molécules potentiellement très intéressantes. Elles ont déjà conduit à des applications concrètes pour protéger certaines plantes cultivées contre des parasites et pourraient déboucher un jour sur la création de médicaments pour l’homme. C’est toute une diversité végétale jusqu’ici peu explorée qui s’ouvre à nous ». Et sur laquelle l’homme se doit de veiller avec la plus grande attention. 1. Unité CNRS/Université Paris-Sud-XI. 2. Unité CNRS/Muséum national d’histoire naturelle/Université Paris Diderot. 3. Unité CNRS/Universités Montpellier-I, -II et -III/SupAgro/Cirad/EPHE Paris. 4. Travail en collaboration avec des chercheurs de l’IRD, dont l’ethnologue Romain Simenel. 5. Unité CNRS/Université Nice Sophia Antipolis. 6. Unité CNRS/UPMC. CONTACTS : Yildiz Aumeeruddy-Thomas > yildiz.thomas@cefe.cnrs.fr Serge Bahuchet > bahuchet@mnhn.fr Catherine Boyen > boyen@sb-roscoff.fr Claire Delhon > delhon@cepam.cnrs.fr Françoise Guéritte > gueritte@icsn.cnrs-gif.fr Pour en savoir + COLLOQUE | Les plantes alimentaires, médicinales et cosmétiques en zone sahélienne Colloque international et interdisciplinaire, Dakar, du 20 au 22 octobre > www.ohmferlo.com/colloque2010/À LIRE | Aux origines des plantes Vol. I, Des plantes anciennes à la botanique du XXI e siècle Francis Hallé (dir.), Fayard, 2008 Vol. II, Des plantes et des hommes Francis Hallé et Pierre Lieutaghi (dir.), Fayard, 2008 À VOIR | Guyane, de l’arbre à l’herbier (2010, 17 min), réalisé par Marcel Dalaise, produit par CNRS Images > http:Ilvideotheque.cnrs.fr/index.php ? urlaction=doc&iddoc=2236 Dans la série Secrets de plantes (2010, 4 x 52 min), dirigée par Gabriel Chabanier et François-Xavier Vives et produite par Le Miroir, Arte France, CNRS Images et MNHN W L’Arabette, le meccano génétique W L’If, aux frontières de la vie W Le Lotus, de la spiritualité à l’hypertechnologie W L’Ortie, vers un jardin sauvage CONTACT I Véronique Goret, CNRS Images-Vidéothèque Tél. : 01 45 07 59 69 > videotheque.vente@cnrsbellevue.fr > http:Ilvideotheque.cnrs.fr WEB Des photos et des films sont à découvrir sur le journal feuilletable en ligne > www2.cnrs.fr/journal



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