CNRS Le Journal n°248-249 sep/oct 2010
CNRS Le Journal n°248-249 sep/oct 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°248-249 de sep/oct 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 6,5 Mo

  • Dans ce numéro : Les mille vertus des plantes

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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© PHOTOS : IJL/CNRS PHOTOTHÈQUE w 07 Mousse rigide fabriquée à partir des tannins présents dans l’écorce des arbres. 08 Aérogels fabriqués avec ces mêmes tannins. 24 était jusqu’à présent une des rares matières premières végétales à être utilisée, ce n’est plus le cas. Ainsi, la lignine, qui colle les fibres du bois entre elles, autrefois vulgaire déchet des papetiers, s’apprête à trouver une seconde vie. En la brûlant dans des conditions bien particulières, les chercheurs sont en effet parvenus à mettre au point des charbons actifs très performants. Constituants des masques à gaz et des filtres à eau notamment, les charbons actifs permettent de piéger tout un tas de polluants. « L’avantage de la lignine sur ses concurrents, c’est d’abord son très faible coût, commente Alain Celzard, de l’Institut Jean- Lamour 2, à Épinal, où sont développés ces nouveaux matériaux. Et sa texture à l’échelle nanoscopique fait qu’elle est capable de retenir les molécules polluantes présentes même à l’état de trace. » LE SYNTHÉTIQUE CONCURRENCÉ PAR LES TANNINS Parmi les autres composés naturels promis à un brillant avenir : les tannins, présents dans l’écorce des arbres et bien connus pour le traitement du cuir. En les mélangeant à de l’eau et à divers réactifs chimiques, les chercheurs ont réussi à fabriquer des mousses rigides extrêmement légères, dotées de nombreuses vertus. Outre leur prix attractif là encore, « ces mousses sont très isolantes et très résistantes au feu, précise Alain Celzard. Qui plus est, elles sont naturelles à 95% et ne dégagent pas de fumée toxique en brûlant, contrairement aux mousses synthétiques du commerce ». Séduit par tous ces arguments, un grand groupe international a déjà manifesté son intérêt pour ce qui pourrait devenir un concurrent très sérieux de la laine de verre de nos maisons. La liste de ces matériaux verts ne devrait cesser de s’allonger dans le futur. « Parce qu’ils sont produits à partir de ressources non épuisables, les plantes, et de manière écologique, ces matériaux n’ont pas fini de concurrencer leurs homologues synthétiques, moins respectueux de l’environnement », se réjouit le chercheur. 1. Unité CNRS/Université Joseph-Fourier/Université de Savoie/IRD/Laboratoire central des ponts et chaussées. 2. Unité CNRS/Nancy-Université/Institut national polytechnique de Lorraine/Université Paul-Verlaine. 07 CONTACTS : Alain Celzard > alain.celzard@lcsm.uhp-nancy.fr Alain Manceau > alain.manceau@obs.ujf-grenoble.fr | L’enquête CNRS I LE JOURNAL 08 © B. RAJAU/CNRS PHOTOTHÈQUE/IBMP 09 Les généticiens Quel est le point commun entre l’observation en 1655 par Robert Hooke des premières cellules chez un être vivant et la mise en évidence des lois de l’hérédité par Gregor Mendel en 1865 ? Elles ont été faites grâce aux plantes. Aujourd’hui, le rôle pionnier des végétaux en biologie ne se dément pas. Dans les laboratoires de génétique et de biologie moléculaire, ils sont devenus le modèle par excellence de la recherche fondamentale. La clé de leur succès ? Leur cycle de développement court et leur caractère prolifique qui permet de créer rapidement des variations génétiques. Mais aussi la taille de leur génome, petit chez certaines espèces, et donc plus facile à étudier. Dotées de tant de vertus, il n’est pas étonnant que les plantes soient à l’origine d’une des avancées les plus importantes de ces dernières années en génétique : la découverte de l’ARN (l’acide ribonucléique) interférent, aussi baptisé ARN silencieux. L’ARN est surtout connu pour son rôle de messager. C’est lui qui transmet l’information génétique portée par l’ADN (l’acide désoxyribonucléique) au sein des cellules pour qu’elles fabriquent les protéines. Mais cette nouvelle classe d’ARN a une fonction bien différente. « Ces petits morceaux d’ARN interfèrent avec un ARN messager et empêchent ainsi la synthèse de la protéine correspondante, explique Pascal Genschik, directeur de l’Institut de biologie moléculaire des plantes, à Strasbourg. Leur rôle est essentiel dans la régulation de l’expression des gènes. Mais ces ARN ont une autre facette, très importante elle aussi : la lutte contre les virus. En interférant avec l’ARN du pathogène cette fois, ils défendent la
N°248-249 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010 L’enquête | 25 w en pincent pour les plantes cellule contre ses attaques. » Ironie de l’histoire, l’ARN interférent a été découvert fortuitement au début des années 1990 par des chercheurs qui avaient introduit dans un pétunia un gène pour accentuer sa couleur violette. À leur grande surprise, des pétales blancs étaient apparus sur la fleur. En réponse à l’introduction de ce gène étranger, la plante avait produit des ARN qui avaient bloqué l’expression de son propre gène lié à la couleur des pétales. UNE AIDE PRÉCIEUSE POUR L’ANALYSE DES GÈNES Depuis, les généticiens ont décrypté en détail ce mécanisme et l’utilisent à leur avantage. Ils parviennent désormais à éteindre n’importe quel gène dont ils connaissent la séquence et a en déduire le rôle. C’est ce que l’on appelle l’analyse fonctionnelle des gènes, le Graal des chercheurs qui tentent de comprendre la fonction précise de chacun des gènes, depuis ceux impliqués dans la photosynthèse jusqu’à celui de la forme des feuilles. Avec l’ARN interférent, cette quête a fait des pas de géant. « La technique est extrêmement fine, note Pascal Genschik. Nous pouvons cibler les gènes un à un avec une très grande précision. Et même moduler le niveau d’expression d’un gène en ne l’éteignant pas totalement, ce qui permet d’évaluer encore mieux sa fonction. » C’est ainsi que le biologiste et son équipe ont pu montrer comment une plante répond à un stress trop important en produisant une hormone qui bloque sa croissance. Cette méthode révolutionnaire promet de nombreuses applications. Pour la sélection génétique des plantes cultivées, mais pas seulement. Car, depuis les travaux précurseurs réalisés sur les végétaux, l’existence de l’ARN silencieux a été confirmée chez tous les organismes vivants, y compris chez l’homme. Si bien qu’on imagine des applications thérapeutiques 10 11 ÉTAT SAUVAGE ÉTAT MODIFIÉ 09 Émasculation de fleurs d’arabette en vue d’un croisement. 10 Infiltration de bactéries capables de transférer de l’ADN dans le génome de cette plante. 11 Les zones blanches sur ces pétunias sont apparues alors que les chercheurs essayaient d’accentuer un gène impliqué dans la coloration de la fleur. © R. JORGENSEN/UNIVERSITÉ D’ARIZONA ; © B. RAJAU/CNRS PHOTOTHÈQUE/IBMP 25% inspirées de ce phénomène. Contre le cancer d’abord, en diminuant l’expression des gènes dont on pense qu’ils sont responsables de la maladie. Mais aussi contre certains virus, en utilisant le rôle antiviral de l’ARN interférent. Aux États-Unis, des essais sont en cours pour tester ces étonnantes possibilités. L’ARABETTE, PLANTE MODÈLE NUMÉRO 1 Autre sujet de recherche où les plantes sont en première ligne : l’épigénétique. Depuis quelques années, les chercheurs ont compris que les variations de séquence de l’ADN ne suffisaient pas à expliquer les différences génétiques observées entre les individus. D’autres mécanismes, dits épigénétiques, ont lieu au cœur de la cellule : sans toucher au code génétique porté par l’ADN mais en modifiant chimiquement la molécule à doubles brins ou les protéines qui interagissent avec elle, ils changent l’expression des gènes. Des transformations qui peuvent se produire spontanément ou en réponse à l’environnement. À l’Institut de biologie de l’École normale supérieure, à Paris 1, Vincent Colot et son équipe étudient l’une d’entre elles, connue sous le nom de méthylation de l’ADN, et qui peut altérer la forme ou le sexe des fleurs, ainsi que la manière dont cette transformation se transmet ou non aux générations suivantes. Menés sur l’arabette, plante modèle numéro 1 dans les laboratoires du monde entier, leurs travaux sont capitaux. La méthylation de l’ADN est impliquée aussi chez l’homme dans le développement de tumeurs malignes. Elle peut anéantir le travail de certains gènes suppresseurs de tumeurs et réparateurs de l’ADN. Une idée consiste donc à rendre à nouveau ces gènes actifs en empêchant que la méthylation se maintienne au travers des divisions cellulaires. « Jusqu’à présent, pour expliquer certains caractères héréditaires comme les maladies génétiques, on ne prenait en compte que les mutations classiques de l’ADN, indique Vincent Colot. On sait désormais que les épimutations jouent un rôle important elles aussi. Lequel précisément ? C’est ce que nous cherchons à savoir grâce à nos études sur les plantes. » Comme quoi les généticiens ont encore de belles heures de travail devant eux avant d’avoir percé tous les secrets des plantes. 1. Unité CNRS/ENS Paris/Inserm. de nos médicaments contiennent des actifs dérivés des végétaux CONTACTS : Vincent Colot > colot@biologie.ens.fr Pascal Genschik > pascal.genschik@ibmp-cnrs.unistra.fr



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