CNRS Le Journal n°248-249 sep/oct 2010
CNRS Le Journal n°248-249 sep/oct 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°248-249 de sep/oct 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 6,5 Mo

  • Dans ce numéro : Les mille vertus des plantes

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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© BIOPHOTO ASSOCIATES/SPL w 22 UN CATALOGUE POUR LA PHOTOSYNTHÈSE Siège de la photosynthèse chez les végétaux, le chloroplaste est l’objet de toutes les attentions. Plusieurs équipes de recherche viennent ainsi d’identifier pour la première fois chez une plante, l’arabette, la majorité des protéines de cette structure cellulaire. Ils en ont tiré une base de données unique, AT_Chloro, qui comporte les 1 323 protéines de l’arabette, mais aussi leur localisation précise dans le chloroplaste. Comme l’explique Norbert Rolland, du Laboratoire de physiologie cellulaire végétale 1, « c’est dans le 03 03 Dans ce chloroplaste, les membranes noires renferment la chlorophylle, responsable de la photosynthèse. © D. QUÉRÉ ET M. REYSSAT | L’enquête CNRS I LE JOURNAL Depuis une dizaine d’années, grâce aux techniques de microlithographie en particulier, les chercheurs, dont ceux du CNRS, sont parvenus à reproduire artificiellement ces structures dites superhydrophobes et à recréer l’effet lotus en laboratoire. Avec en ligne de mire la mise au point de nouveaux matériaux qui utiliseraient ce principe : des vêtements totalement imperméables, des vitres qui, en repoussant l’eau et avec elle les poussières, restent toujours propres, des coques de bateaux antialgues, etc. Des peintures autonettoyantes pour façade ont déjà été commercialisées en Allemagne, et d’autres applications devraient suivre. Un bémol cependant : la conception reste compliquée. « Le problème de ces matériaux artificiels est qu’ils sont encore trop fragiles. Le moindre choc peut les abîmer », confie David Quéré. Dans les laboratoires et les bureaux d’ingénieurs, on travaille donc d’arrache-pied à rendre ces inventions plus solides. « De ce côté-là, la nature qui a élaboré des structures robustes et réparables a encore beaucoup de choses à nous apprendre », estime le physicien. 04 chloroplaste que sont synthétisées, via la photosynthèse, toutes les molécules dont une plante a besoin pour vivre. Connaître les protéines qui s’y trouvent, c’est comprendre en détail ce métabolisme ». Consultable en ligne, cette nouvelle base de données devrait faire largement progresser les connaissances, en particulier en matière d’adaptation des plantes aux perturbations de leur environnement. Et ce n’est pas tout. Car c’est dans le chloroplaste que sont synthétisés les lipides avec lesquels on fabrique les biocarburants, ou encore l’amidon, qui remplace de plus en plus souvent le plastique de nos sacspoubelles. D’où l’espoir de développer des plantes performantes pour produire à la demande telle ou telle molécule. 1. Unité CNRS/Université Grenoble-I/CEA/Inra. EN LIGNE. > www.grenoble.prabi.fr/protehome/grenoble-plant-proteomics/CONTACT : Norbert Rolland > norbert.rolland@cea.fr 04 Ce matériau texturé par un motif en plots, vu ici au microscope, est inspiré des pains de sucre qui recouvrent les feuilles des lotus. D’autres découvertes pourraient bientôt élargir la palette de ces matériaux d’un nouveau genre. « En plus du lotus, 200 autres plantes ont été identifiées pour leurs propriétés superhydrophobes, ajoute le chercheur. Et chacune possède une texture qui lui est propre et qui répond à des besoins bien spécifiques : outre les fonctions antipluie, on a mis en évidence des stratégies antibuée et antigivre, qu’on commence à peine à étudier. On est encore loin d’avoir épuisé cette source d’inspiration. » DES PROCESSUS DE FABRICATION À IMITER D’autant que les chercheurs ne se cantonnent plus à l’imitation des formes. Ils copient aussi les processus de fabrication naturels. À l’heure où l’on prend pleinement conscience de l’épuisement des réserves naturelles, les plantes sont le modèle à suivre. Elles ont mis au point des procédés non polluants, faits à moindre coût énergétique et en utilisant les molécules présentes naturellement dans l’environnement. Le plus extraordinaire d’entre eux est probablement la photosynthèse. Aujourd’hui, au Centre des recherches en biomimétique, elle permet aux plantes de fabriquer de la matière à partir de l’énergie solaire. « Dans un premier temps, les plantes captent l’énergie solaire grâce à la chlorophylle de leurs feuilles, la transforment en énergie chimique puis utilisent celle-ci pour déshabiller l’eau de ses électrons et de ses protons, explique Ally Aukauloo, de l’Institut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay 2. Ensuite, ces électrons et ces protons servent à transformer le CO 2 en matière nutritive, en sucres notamment. » Fruit de millions d’années d’évolution, la photosynthèse (lire ci-contre) met en jeu toute une cascade de réactions complexes qu’il serait vain de vouloir copier à l’identique. « Ce n’est pas notre objectif, souligne le chimiste. Nous tentons plutôt d’imiter, en les simplifiant, les aspects essentiels du mécanisme, et ce en développant nos propres complexes chimiques. » Les résultats sont là. Avec son équipe, le chercheur est parvenu à reproduire la réaction qui arrache à l’eau ses électrons et ses protons, et à utiliser ces derniers pour synthétiser des molécules de dihydrogène 3. Ce composé est un candidat sérieux au titre de source énergétique du futur parce qu’il n’émet pas de gaz à effet de serre en brûlant. Mais sa fabrication reste encore très chère et très énergivore. Aussi, le procédé inspiré de la photosynthèse, moins coûteux et plus écologique a priori, pourrait-il bien venir changer la donne. Nos chimistes ne comptent pas s’arrêter là. Ils tentent également d’imiter la dernière étape de la photosynthèse pour produire à partir de CO 2 non pas des sucres mais un carburant liquide non polluant. « Il y a encore peu de résultats concluants à ce stade, reconnaît Ally Aukauloo, mais nous y travaillons activement. D’ici à dix ans, je pense que nos recherches auront abouti à des applications concrètes en matière d’énergie. » 1. Unité CNRS/ESPCI ParisTech/UPMC/Université Paris Diderot. 2. Unité CNRS/Université Paris-Sud-XI. 3. Lire « Hydrogène : et si l’on copiait les plantes ? », Le journal du CNRS, n°231, avril 2009, p. 12. CONTACTS : Ally Aukauloo > ally.aukauloo@u-psud.fr David Quéré > quere@pmmh.espci.fr
N°248-249 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010 L’enquête | 23 w Des applications innombrables Si de gros efforts sont déployés dans les laboratoires pour imiter les plantes, on tente aussi de leur trouver de nouveaux emplois à la mesure de leurs talents. Aujourd’hui, dans différents secteurs, on s’aperçoit même qu’elles ont le profil de l’employé idéal. Elles commencent par exemple à être utilisées comme de véritables usines à dépolluer. Un peu partout dans le monde, on voit fleurir, autour des stations d’épuration en particulier, des jardins composés de roseaux, d’iris et d’autres plantes aquatiques dont la fonction n’est pas vraiment décorative. Comme l’explique Alain Manceau, de l’Institut des sciences de la Terre de Grenoble 1, « les racines des plantes et les microorganismes du sol qui vivent à leur contact sont capables, par leur activité symbiotique, de dégrader bon nombre de polluants organiques [hydrocarbures, pesticides, résidus de médicaments…] et de fixer durablement les métaux lourds ». Le chercheur travaille actuellement avec une entreprise française à l’amélioration d’un jardin filtrant constitué de tourbe et de roseaux. Cette technique de phytoremédiation, comme l’appellent les spécialistes, permet de traiter les eaux usées à l’endroit même où elles sont rejetées. Elle est également employée pour dépolluer les sols contaminés de friches industrielles qui sont prélevés puis transportés jusqu’à 05 06 une ferme équipée d’un jardin filtrant. La méthode est particulièrement efficace contre les métaux lourds. L’action des plantes combinée à l’ajout de substances chimiques inoffensives pour l’environnement permet de dissoudre les métaux dans l’eau puis de les immobiliser. « Jusqu’à présent, nous avons obtenu des résultats convaincants sur plusieurs métaux lourds : le cuivre, le zinc et le plomb, précise le chercheur. Maintenant, nous tentons d’adapter la méthode pour fixer le plus dangereux d’entre eux, le mercure. » Les plantes ont bien d’autres richesses à offrir. La matière même qui les constitue devient de plus en plus souvent l’ingrédient de base pour la synthèse de nouveaux matériaux. Si la cellulose, qui compose les fibres du bois et dont on tire le papier, 05 Situé à Nanterre, ce jardin filtrant conçu par la société Phytorestore est constitué d’une suite de bassins végétalisés qui permettent d’assurer la filtration, l’épuration et le renouvellement de l’eau de la Seine. 06 Prélèvement de terre dans la première bioferme de jardins filtrants, inaugurée en 2009 en Seine-et-Marne par la même société, et qui utilise des plantes pour traiter l’eau, l’air et les sols pollués. 80% des terres émergées sont recouvertes de végétation © A. MARTINET/LOOKATSCIENCES ; ©C. MUNOZ-YAGUE/LOOKATSCIENCES



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