© BIOPHOTO ASSOCIATES/SPL w 22 UN CATALOGUE POUR LA PHOTOSYNTHÈSE Siège de la photosynthèse chez les végétaux, le chloroplaste est l’objet de toutes les attentions. Plusieurs équipes de recherche viennent ainsi d’identifier pour la première fois chez une plante, l’arabette, la majorité des protéines de cette structure cellulaire. Ils en ont tiré une base de données unique, AT_Chloro, qui comporte les 1 323 protéines de l’arabette, mais aussi leur localisation précise dans le chloroplaste. Comme l’explique Norbert Rolland, du Laboratoire de physiologie cellulaire végétale 1, « c’est dans le 03 03 Dans ce chloroplaste, les membranes noires renferment la chlorophylle, responsable de la photosynthèse. © D. QUÉRÉ ET M. REYSSAT | L’enquête CNRS I LE JOURNAL Depuis une dizaine d’années, grâce aux techniques de microlithographie en particulier, les chercheurs, dont ceux du CNRS, sont parvenus à reproduire artificiellement ces structures dites superhydrophobes et à recréer l’effet lotus en laboratoire. Avec en ligne de mire la mise au point de nouveaux matériaux qui utiliseraient ce principe : des vêtements totalement imperméables, des vitres qui, en repoussant l’eau et avec elle les poussières, restent toujours propres, des coques de bateaux antialgues, etc. Des peintures autonettoyantes pour façade ont déjà été commercialisées en Allemagne, et d’autres applications devraient suivre. Un bémol cependant : la conception reste compliquée. « Le problème de ces matériaux artificiels est qu’ils sont encore trop fragiles. Le moindre choc peut les abîmer », confie David Quéré. Dans les laboratoires et les bureaux d’ingénieurs, on travaille donc d’arrache-pied à rendre ces inventions plus solides. « De ce côté-là, la nature qui a élaboré des structures robustes et réparables a encore beaucoup de choses à nous apprendre », estime le physicien. 04 chloroplaste que sont synthétisées, via la photosynthèse, toutes les molécules dont une plante a besoin pour vivre. Connaître les protéines qui s’y trouvent, c’est comprendre en détail ce métabolisme ». Consultable en ligne, cette nouvelle base de données devrait faire largement progresser les connaissances, en particulier en matière d’adaptation des plantes aux perturbations de leur environnement. Et ce n’est pas tout. Car c’est dans le chloroplaste que sont synthétisés les lipides avec lesquels on fabrique les biocarburants, ou encore l’amidon, qui remplace de plus en plus souvent le plastique de nos sacspoubelles. D’où l’espoir de développer des plantes performantes pour produire à la demande telle ou telle molécule. 1. Unité CNRS/Université Grenoble-I/CEA/Inra. EN LIGNE. > www.grenoble.prabi.fr/protehome/grenoble-plant-proteomics/CONTACT : Norbert Rolland > norbert.rolland@cea.fr 04 Ce matériau texturé par un motif en plots, vu ici au microscope, est inspiré des pains de sucre qui recouvrent les feuilles des lotus. D’autres découvertes pourraient bientôt élargir la palette de ces matériaux d’un nouveau genre. « En plus du lotus, 200 autres plantes ont été identifiées pour leurs propriétés superhydrophobes, ajoute le chercheur. Et chacune possède une texture qui lui est propre et qui répond à des besoins bien spécifiques : outre les fonctions antipluie, on a mis en évidence des stratégies antibuée et antigivre, qu’on commence à peine à étudier. On est encore loin d’avoir épuisé cette source d’inspiration. » DES PROCESSUS DE FABRICATION À IMITER D’autant que les chercheurs ne se cantonnent plus à l’imitation des formes. Ils copient aussi les processus de fabrication naturels. À l’heure où l’on prend pleinement conscience de l’épuisement des réserves naturelles, les plantes sont le modèle à suivre. Elles ont mis au point des procédés non polluants, faits à moindre coût énergétique et en utilisant les molécules présentes naturellement dans l’environnement. Le plus extraordinaire d’entre eux est probablement la photosynthèse. Aujourd’hui, au Centre des recherches en biomimétique, elle permet aux plantes de fabriquer de la matière à partir de l’énergie solaire. « Dans un premier temps, les plantes captent l’énergie solaire grâce à la chlorophylle de leurs feuilles, la transforment en énergie chimique puis utilisent celle-ci pour déshabiller l’eau de ses électrons et de ses protons, explique Ally Aukauloo, de l’Institut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay 2. Ensuite, ces électrons et ces protons servent à transformer le CO 2 en matière nutritive, en sucres notamment. » Fruit de millions d’années d’évolution, la photosynthèse (lire ci-contre) met en jeu toute une cascade de réactions complexes qu’il serait vain de vouloir copier à l’identique. « Ce n’est pas notre objectif, souligne le chimiste. Nous tentons plutôt d’imiter, en les simplifiant, les aspects essentiels du mécanisme, et ce en développant nos propres complexes chimiques. » Les résultats sont là. Avec son équipe, le chercheur est parvenu à reproduire la réaction qui arrache à l’eau ses électrons et ses protons, et à utiliser ces derniers pour synthétiser des molécules de dihydrogène 3. Ce composé est un candidat sérieux au titre de source énergétique du futur parce qu’il n’émet pas de gaz à effet de serre en brûlant. Mais sa fabrication reste encore très chère et très énergivore. Aussi, le procédé inspiré de la photosynthèse, moins coûteux et plus écologique a priori, pourrait-il bien venir changer la donne. Nos chimistes ne comptent pas s’arrêter là. Ils tentent également d’imiter la dernière étape de la photosynthèse pour produire à partir de CO 2 non pas des sucres mais un carburant liquide non polluant. « Il y a encore peu de résultats concluants à ce stade, reconnaît Ally Aukauloo, mais nous y travaillons activement. D’ici à dix ans, je pense que nos recherches auront abouti à des applications concrètes en matière d’énergie. » 1. Unité CNRS/ESPCI ParisTech/UPMC/Université Paris Diderot. 2. Unité CNRS/Université Paris-Sud-XI. 3. Lire « Hydrogène : et si l’on copiait les plantes ? », Le journal du CNRS, n°231, avril 2009, p. 12. CONTACTS : Ally Aukauloo > ally.aukauloo@u-psud.fr David Quéré > quere@pmmh.espci.fr |