8 VIEDESLABOS Actualités PHYSIQUE L’opacité n’est plus ce qu’elle était Voir à travers une couche de peinture est désormais possible ! Des chercheurs ont mis au point un dispositif capable de reconstituer une image à partir des ondes diffusées par un milieu opaque. Avec d’étonnantes applications à la clé… C’est un peu comme si on avait réussi à percer le brouillard écossais, à l’épaisseur légendaire. Pour la première fois, des physiciens ont pu voir à travers un milieu prétendument opaque. Pas du brouillard, mais une couche de peinture suffisamment épaisse pour que toute lumière qui la traverse ne donne normalement qu’un halo lumineux. Grâce à une analyse ingénieuse de cette lumière, Sylvain Gigan et ses collègues de l’Institut Langevin 1 ont rendu cette peinture aussi transparente que du verre et ont pu observer un objet placé de l’autre côté. Pour comprendre l’avancée de nos chercheurs, il faut d’abord revenir sur l’ambiguïté du mot opaque. Le brouillard, un verre de lait, une feuille de papier sont des matières qualifiées d’opaques. Toutefois, contrairement à un mur de béton, elles laissent passer les rayons lumineux. Mais le phénomène de diffusion de la lumière, qui transforme l’image d’un objet en une vague lueur, empêche de voir à travers. En effet, quand ils traversent le milieu diffusif, les rayons ne vont plus en ligne droite, comme dans l’air ou dans le verre, mais ricochent un peu partout, telles des balles de flipper, avant de ressortir. D’où l’hypothèse émise pour reconstruire l’image d’inverser mathématiquement le processus : en établissant les trajectoires des rayons à l’intérieur du milieu, on devrait pouvoir, à partir de la lueur observée, remonter le temps et déduire l’image de départ. En fait, cette idée de reconstruire l’image en « débobinant » les rayons lumineux n’est pas nouvelle, mais elle se heurtait jusque-là à une difficulté expérimentale : la mesure de la matrice de transmission. « La matrice de transmission indique comment se transforme le champ électrique de l’onde lumineuse en traversant le milieu », explique Sylvain Gigan. Déterminez la matrice de transmission et vous saurez comment se propagent les rayons lumineux. Problème : la mesure de cette matrice, qui s’opère en éclairant le milieu avec un laser, exige d’être exhaustif. Il faut éclairer le milieu avec toutes les variantes de champ électrique possibles – il faut notamment pouvoir changer la « phase » du champ, autrement dit introduire un retard contrôlé sur l’onde lumineuse – et ce pour un grand nombre d’angles d’incidence de la lumière. Jusqu’à présent, personne n’avait pu réaliser de telles mesures, trop complexes. « Pour créer les différentes combinaisons possibles du champ électrique, nous avons utilisé un modulateur spatial de lumière, révèle le chercheur, Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 © S. Gigan Laser Lamelle de verre avec peinture (milieu opaque) Objectifs du microscope c’est-à-dire un ensemble de cristaux liquides d’environ 1 million de pixels qui permet de contrôler, à volonté, la phase d’un laser pixel par pixel. » Le même type de modulateur, mais en plus basique, est employé dans la plupart des vidéoprojecteurs afin de former les images. Pour obtenir la matrice de transmission, Sébastien Popoff, doctorant, a envoyé la lumière issue du modulateur sur le milieu diffusif, une fine couche de peinture blanche déposée sur du verre, tandis que la lumière diffusée était recueillie par une caméra doublée d’un système dit d’interférométrie, nécessaire pour mesurer à la fois l’amplitude du champ électrique diffusé et sa phase. « Ce sont ces deux dispositifs – modulateur et système d’interférométrie – qui nous ont permis de mesurer la matrice de transmission », souligne Sylvain Gigan. Une fois la matrice de transmission en main, reconstruire une image à partir de son halo diffus est un jeu, mathématique, d’enfant. Afin de valider leur montage expérimental, les chercheurs de l’équipe se sont concentrés sur des images ultrasimples composées d’un unique point lumineux. Après reconstruction, les lueurs captées par la caméra de l’autre côté de la peinture ont bien donné l’image originale, à savoir le point lumineux. Les chercheurs sont actuellement en train de tester la méthode de reconstruction sur des images plus complexes et sont confiants dans leur réussite. Grâce à ce dispositif, on peut voir à travers une lamelle couverte de peinture. Pour l’heure, il permet de reconstituer des images simples, telles que celles d’un ou de deux points lumineux. SANTÉ Des pistes contre La maladie de Crohn est une pathologie chronique très invalidante. Touchant surtout des jeunes adultes de 15 à 40 ans, elle se caractérise par des lésions inflammatoires récurrentes du système gastro-intestinal pouvant évoluer vers un cancer colorectal. À ce jour, il n’existe aucun traitement curatif. Une lueur d’espoir vient toutefois de naître grâce à une importante étude publiée par une équipe internationale incluant des chercheurs du CNRS 1. Celle-ci démontre l’implication d’une molécule active dans le noyau des cellules : le récepteur nucléaire PPARgamma (pour Peroxisome Proliferator-Activated Receptor gamma). S’ils |