38 GUIDE Livres 3 questions à… Nayan Chanda Au commencement était la mondialisation La grande saga des aventuriers, missionnaires, soldats et marchands Nayan Chanda, CNRS Éditions, coll. « Réseau Asie », mai 2010, 446 p. – 25 € Nayan Chanda est rédacteur en chef de YaleGlobal Online et directeur des publications du Yale Center for The Study of Globalization. Cette somme critique passionnante, dont le titre français évoque la première phrase de l’Évangile de saint Jean, montre que notre mondialisation, que l’on croit récente, existerait « de toute éternité ». Pouvez-vous en donner rapidement la genèse ? La mondialisation a la même origine que l’humanité. Elle a démarré il y a 50 000 ans au moins, quand Homo sapiens a quitté l’Afrique pour se diriger vers le nord, avec pour motivation d’aller ailleurs vivre mieux, sinon survivre. C’est la même motivation qui pousse des milliards de gens aujourd’hui à voyager, communiquer et à utiliser les produits d’ailleurs. À travers mes recherches, j’ai constaté qu’il existait quatre motivations principales derrière la création de notre monde hyperconnecté : celle des commerçants qui quittaient leurs lieux de naissance pour échanger des produits et en gagner des bénéfices, celle des prêcheurs voyageant Proposé par le psychothérapeute Alain Braconnier, cet ouvrage généreux est dédié au Soi, autrement dit à « cet ange que nous abritons et choquons sans cesse » (Jean Cocteau). Pour le défendre de nos propres démons comme des menaces extérieures, nous disposons, disent les spécialistes, de « mécanismes de défense » parmi lesquels les « excellents » comme l’humour, la sublimation, l’anticipation et ceux « en cas de gros problèmes » : le déni de la réalité, le passage à l’acte, la projection … Au fil de nombreux exemples saisis dans sa pratique quotidienne, l’auteur, qui dénombre vingtsept de ces « ressorts » plus ou moins endormis en nous-mêmes, explique clairement contre quoi et pour quels motifs notre Soi doit nous protéger, comment se développent ses ressources, de la naissance à l’âge adulte et comment permettre à nos enfants de les utiliser « afin qu’ils soient aussi capables d’aimer, d’aider les autres et de réussir leur vie ». Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 très loin pour convertir d’autres mondes, celle des aventuriers voulant découvrir de nouveaux territoires et richesses et celle des guerriers à la conquête de nouvelles terres et de nouveaux sujets. Ma définition de la mondialisation diffère donc de celle de la Banque mondiale, qui avance des termes purement économiques, car il est évident que les connexions créées par ces quatre acteurs ont produit la vie sociale et culturelle d’aujourd’hui et pas seulement le commerce. Cependant, ces quatre catégories ne se sont pas figées. Les nouveaux marchands ne voyagent plus à dos de chameaux, ils exportent des marchandises par containers. Greenpeace ou Amnesty International sont des exemples de prêcheurs actuels. Les explorateurs Marco Polo et Ibn Battuta se sont transformés en millions de touristes et d’émigrés qui traversent le monde en créant de Alain Braconnier, Odile Jacob, avril 2010, 304 p. – 21 € nouvelles connexions. Quant aux campagnes impériales du passé, elles ont cédé la place à des campagnes semblables à l’invasion de l’Irak ou de l’Afghanistan et aux terroristes qui attaquent le World Trade Center, conflits qui ont encore plus connecté entre eux des habitants des quatre coins du monde : quand George Bush se préparait à attaquer l’Irak, il y a eu le même jour des manifestations contre la guerre par six à dix millions de gens dans soixante pays ! Une telle densification de l’interconnexion entraîne-t-elle autant de bénéfices que de préjudices ? Oui, car aujourd’hui on vit mieux, on meurt moins d’épidémies, et la moitié de la population mondiale peut communiquer. Mais l’extrême proximité des hommes dans le temps et l’espace provoque des problèmes. La recherche du profit a augmenté la vélocité des transmissions en même temps que la visibilité en temps réel des problèmes engendrés. Des milliers de Sénégalais séduits par l’image de l’Occident sur leurs écrans s’élancent dans des bateaux pour les Canaries – le mot d’ordre Protéger son Soi pour vivre pleinement dans les bidonvilles de Dakar est « Barça ou Barsax ! » (« Barcelone ou la mort ! »). Par ailleurs, alors que la prospérité du monde occidental est plus visible que jamais, les barrières qui opposent entre eux les nouveaux aventuriers-émigrants augmentent, créant germes de tensions et conflits nouveaux. Votre dernier chapitre s’intitule « Ce qui nous attend ». Quel est le danger aujourd’hui ? La mondialisation existe et ne peut être renversée parce qu’elle est engendrée par le désir et les craintes de millions de gens. Mais l’information qui nous entoure et nous relie va plus vite que le corps humain et certainement que le corps des sociétés : le grand danger est de perdre le contrôle. Il est donc capital que nous travaillions ensemble, en restant attentifs à l’excès de souveraineté de certains États, parce que, cette fois, nous sommes tous liés – et en temps réel ! Propos recueillis par A.L. La Vie des grenouilles Alain Dubois et Annemarie Ohler, illustrations YannFastier, Le Pommier, coll. « Les minipommes », n°36, juin 2010, 64 p. – 6 € Où et comment vivent les grenouilles ? Rainette, crapaud et grenouille sont-ils à mettre dans le même sac ? Et, question d’importance, que font les grenouilles de leurs journées ? À lire au bord de l’eau quand on a 12 ans. |