36 INSITU Entretien ANNIVERSAIRE Pari gagné pour le musée du quai Branly Le 23 juin 2006 était inauguré le musée du quai Branly, à Paris. Quatre ans plus tard, son président, Stéphane Martin, qui vient d’être renommé pour cinq ans, dresse un premier bilan de l’établissement et offre un aperçu de son avenir. Pouvez-vous nous décrire les grands fondements et les objectifs du musée du quai Branly ? Stéphane Martin : Notre musée a pour ambition de faire découvrir au public les arts d’Afrique, d’Océanie, d’Asie et des Amériques. Il s’agit d’un établissement culturel totalement novateur, à la fois musée, centre d’enseignement et de recherche et espace à vivre pour le public, avec notamment un salon de lecture en libre accès, une médiathèque, un théâtre… Il marque une vraie rupture avec l’image désuète des musées d’ethnologie. Traditionnellement, ces derniers reposent sur l’émerveillement devant les objets inconnus. Or cet émerveillement ne suffit plus dans notre société contemporaine. Le quai Branly propose donc une double muséographie : l’une, permanente, centrée sur l’histoire des collections, et l’autre, temporaire, avec une dizaine d’expositions par an. La place importante laissée aux expositions temporaires – la moitié du musée – est primordiale dans notre démarche. Aujourd’hui, il ne peut y avoir de discours absolu sur les cultures. Cela n’a plus de sens de montrer le mode de vie des Indiens navajos comme s’il était immuable. Les sujets des expositions temporaires sont élaborés par l’équipe du musée, des chercheurs extérieurs ou par des institutions internationales. Ce qui nous permet d’ouvrir nos portes à des commissaires venant de tous horizons : anthropologues français et étrangers, historiens, historiens de l’art, artistes, figures bien connues du grand public, tel le footballeur Lilian Thuram, qui sera commissaire de l’exposition Exhibitions présentée en 2012. Le succès est-il au rendez-vous ? S. M. : C’est certain. Nous accueillons chaque année 1,5 million de visiteurs alors que nous en attendions 800 000. Cette fréquentation est stable et, fait assez unique pour un établissement de cette envergure, il n’y a pratiquement pas eu de baisse après l’effet d’ouverture en juin 2006. D’autant que nos visiteurs sont fidèles. Près de 40% d’entre eux viennent au moins pour la deuxième fois. Ils utilisent le musée un peu à la manière d’une maison de la culture grâce à notre Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 programmation diversifiée : expositions, concerts, spectacles, conférences, ateliers… Un musée d’ethnologie traditionnel, sorte de cathédrale dédiée à la discipline, n’est pas un lieu où l’on revient souvent : une fois que vous avez vu la collection, vous attendez peut-être des années pour y retourner. Au musée du quai Branly, la fréquentation se révèle plus quotidienne, plus « sociale ». Car notre musée s’inscrit dans ce que j’appelle la filiation Beaubourg. L’influence d’un établissement comme le Centre Georges-Pompidou a été très forte sur la fonction sociale du musée en France. On ne peut pas concevoir un grand musée aujourd’hui sans qu’il y ait une conjonction et une fraternisation des arts visuels et du spectacle vivant. Au quai Branly, il se passe toujours quelque chose. Pour le prix d’une entrée, vous pouvez visiter les expositions, assister à une table ronde sur la bande dessinée africaine, à une conférence de l’université populaire, écouter un spectacle musical… ©C. Zannettacci/Musée du quai Branly |