26 © G. Dagli Orti/Collection Dagli Orti/Rheinische Landesmuseum Trier > L’ENQUÊTE les ateliers de Gaule vont élaborer des compositions originales qu’ils déclinent sur les diverses composantes des élévations : moulures, frises, chapiteaux, corniches… » Toujours dans le bâtiment, des échafaudages, des machines de levage et d’autres pour découper en plaque blocs de marbre et autres pierres dures font leur apparition sur les chantiers. Les artisans adoptent l’art de la mosaïque, venu de Rome. Dans les métiers du bois et de la manufacture des métaux, de nouveaux outils (scies, rabots, arrache-clous…) et pièces de quincaillerie (crochets pour plafonds suspendus, agrafes en T pour le maintien des tuyaux de chauffage des thermes…) modifient les habitudes professionnelles et les produits fabriqués. « La technique du verre soufflé se développe dans des ateliers à Lyon, Amiens, Saintes, Argenton…, puis dans toute la Gaule, donnant récipients, urnes, bouteilles et flacons, raconte Jean-Paul Guillaumet, du laboratoire Archéologie, terres, histoire, sociétés. Et l’artisanat de la céramique subit une véritable révolution. Des grandes officines, destinées surtout au produit le plus recherché, la sigillée (de la vaisselle de table reconnaissable à sa couleur rouge et à ses décorations faites à l’aide de poinçons), se créent en Narbonnaise puis dans la Gaule du Centre et du Nord-Est. Gérées par de riches propriétaires comme de véritables usines, ces fabriques sortent en grand nombre des produits stéréotypés destinés à inonder le marché de l’Empire. Des vases sigillés gallo-romains sont connus jusque dans le sous-continent indien. » LA CULTURE DU VIN S’INTENSIFIE Après la conquête césarienne, les plantations de vignes se multiplient en Gaule. Arles, Nîmes, Orange, Fréjus et Béziers se peuplent de pampres. Les crus locaux s’arrachent à Rome. Un triomphe, synonyme d’un commerce intensif qu’illustre l’industrie florissante de la poterie. Plus d’une cinquantaine d’ateliers fabriquent des amphores en Narbonnaise dans la seconde Ce bateau sculpté date de 220 apr. J.-C. Il a été découvert à Neumagen, un antique village de Gaule belge où était produite une grande quantité de vin. © Photos : F. Laubenheimer/CNRS Photothèque Les fouilles à Sallèles-d’Aude, situé sur le territoire de l’antique Narbonnaise, ont révélé la présence d’un village de potiers avec des dépotoirs d’amphores gauloises. moitié du I er siècle avant notre ère. « L’archéologie la plus récente reflète l’image d’une province de Narbonnaise couverte de vignes durant tout le Haut Empire (du règne d’Auguste au début du III e siècle), confirme Jean-Pierre Brun, directeur du Centre Jean-Bérard, à Naples 2. Il semble qu’à cette période le vin soit le moteur principal du développement agricole de la province. Il paraît vraisemblable que la majorité des exploitations consacrent une part variable de leur surface agricole à cette culture génératrice de profits, car portée par une hausse de la demande provoquée par l’augmentation de la population, surtout urbaine, et par la mise en place de réseaux de distribution efficaces. » À l’apogée de la production, au II e siècle, la vigne en Gaule conquise est omniprésente : en Bourgogne, en Aquitaine, en Normandie, dans le Val de Loire, la vallée du Rhône, la région parisienne, puis la Moselle. Le breuvage s’exporte jusqu’en Inde. L’olivier, pour des raisons climatiques, reste cantonné à la côte méditerranéenne, surtout à l’est du Rhône. UNE SOCIÉTÉ QUI RESTE RURALE Somme toute, la société gallo-romaine demeure essentiellement rurale. Loin d’être archaïque, comme le pensent toujours de nombreux auteurs, « l’agriculture gallo-romaine est capable d’une grande productivité et, surtout, elle fait preuve d’une capacité d’innovation importante dans les domaines des produits cultivés (nouvelles variétés de blé, acclimatation de plantes méditerranéennes), de l’élevage (augmentation de la taille du cheptel et amélioration de celui-ci avec des races plus robustes), des outils nouveaux (mise au point de la charrue) et des techniques agraires améliorées (rotation des cultures et engrais verts) », assure Pierre Ouzoulias, du laboratoire Archéologies et sciences de l’Antiquité. L’apport des Romains à la mise en valeur des campagnes gauloises ? Historiens |