24 > © Y. Kervran/Légion VIII Augusta © T. Clarté/Balloïde Photo/Sem Alésia L’ENQUÊTE DE – 57 À – 53 : L’AVANCÉE VERS LE NORD En – 57, César provoque les peuples qui vivent au nord de la Seine et de la Marne, les « Belges », et les défait les uns après les autres. En – 56, le voilà qui lance, entre autres, une guerre terrestre et maritime contre les Vénètes du Morbihan, Cette année-là, coup de tonnerre. De nombreux chefs gaulois fomentent une insurrection, dont le signal est donné par les Carnutes, qui massacrent des négociants romains à Orléans. Menée par Vercingétorix, lequel a pris le pouvoir chez les Arvernes, cette rébellion transforme en une véritable guerre des Gaules des campagnes militaires qui, jusqu’alors, avaient opposé des Romains et des Gaulois à d’autres Gaulois. Comment expliquer ce revirement de situation ? « Après des années d’entente fondées sur des succès relativement rapides, l’effort de guerre des grands chefs gaulois, qui Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 qui sont vaincus sur mer. Tout cela avec l’aide d’autres Gaulois. Pendant six ans, de – 58 à – 52, « l’essentiel des grands peuples gaulois (Éduens, Rèmes, Séquanes…), moyennant l’octroi de récompenses en nature, de promotions, de droits civiques…, se sont joints à César pour soumettre les régions encore assez indépendantes du Nord et de l’Ouest, explique Michel Reddé, Médaille d’argent du CNRS en 2007 et membre du laboratoire Histoire et anthropologie des mondes antiques 2. En – 55, – 54 et – 53, le Romain mène des raids en Germanie (l’Allemagne actuelle), traverse la Manche et s’enfonce au-delà de Reconstitution d’une légion romaine par la troupe Légion VIII Augusta. –52: LA CAPITULATION GAULOISE À ALÉSIA supposait de fournir du ravitaillement et des chevaux, de couvrir des opérations de répression, dont les bénéfices escomptés vont s’avérer plus faibles que prévu, a fini par désespérer les meilleures volontés, répond Michel Reddé. Même les Éduens, fidèles parmi les fidèles, ont fait défection. En – 52, les partis proromains dans les sénats qui gouvernaient les territoires gaulois ont cédé la place à leurs adversaires, opposés à la domination de Rome. » Quelques mois suffisent toutefois à César, qui peut compter sur 40 000 à 50 000 hommes parfaitement entraînés, auxquels s’ajoutent les Cette statue de Vercingétorix surplombe le muséoparc d’Alésia. Il n’existe cependant aucune statue antique qui représente le guerrier gaulois. la Tamise. Tactiquement parlant, indique YannLe Bohec « les Gaulois se battent en phalange, c’est-à-dire épaule contre épaule, pour offrir à l’ennemi une ligne continue, alors que les Romains ont adopté depuis longtemps la tactique en cohorte, qui confère plus de souplesse. La légion – environ 5000 hommes – est divisée en dix cohortes réparties sur trois lignes, séparées les unes des autres. Les soldats de chaque cohorte sont répartis, eux aussi, sur trois lignes : ceux qui combattent dans les deux premières lignes se relaient dès que la fatigue se fait sentir, ceux qui se trouvent à l’arrière servent d’ultime recours. » Les Gaulois ne sont pas armés de manière plus rudimentaire que les Romains. Il y a par contre moins d’homogénéité dans leur armement, chacun s’équipant selon sa fortune. Et les Gaulois n’ont jamais vu, assure César, des engins de siège comme les catapultes, qui propulsent des boulets de plusieurs dizaines de kilos jusqu’à 300 mètres, ou les scorpions, qui projettent des flèches avec une force et une précision redoutables. ■ auxiliaires (notamment des cavaliers) ainsi que de nombreux accompagnateurs (valets, esclaves et palefreniers), pour obtenir la capitulation des troupes gauloises à Alésia. « Vercingétorix dispose sans doute de forces supérieures en nombre, mais elles sont mal commandées et ne constituent pas un corps homogène », dit Michel Reddé. Combien de morts gaulois après sept ans de guerre ? « Toute estimation est une fantaisie », tranche le chercheur. Néanmoins, le nombre de prisonniers, militaires ou civils, vendus plus tard comme esclaves, est considérable. Ainsi, César affirme qu’il a distribué, après la bataille d’Alésia, un prisonnier gaulois à chacun de ses soldats, à titre de butin. Que le vainqueur des Gaules ait mis ce conflit à profit pour s’enrichir tombe sous le sens. Par ailleurs, dans l’imaginaire romain, traverser le Rhin (qui est un dieu, comme tous les fleuves), puis la Manche (le domaine de Neptune), représente un exploit fabuleux. César est le premier de tous les « civilisés » à avoir traversé l’ « Océan », à être allé jusqu’aux limites du monde, sous la protection de Vénus. « Il est devenu mythique, à la façon d’Alexandre le Grand », résume YannLe Bohec. La romanisation de sa conquête peut commencer. ■ 1. Unité CNRS/Universités Paris-I et -IV/EPHE/Musée du Louvre. 2. Unité CNRS/Universités Paris-I et- VII/EPHE/EHESS. CONTACTS ➔ Michel Reddé redde.michel@yahoo.fr ➔ YannLe Bohec yann.le_bohec@paris-sorbonne.fr |