CNRS Le Journal n°246-247 juil/août 2010
CNRS Le Journal n°246-247 juil/août 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°246-247 de juil/août 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3,6 Mo

  • Dans ce numéro : Qui étaient vraiment les Gaulois

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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24 > © Y. Kervran/Légion VIII Augusta © T. Clarté/Balloïde Photo/Sem Alésia L’ENQUÊTE DE – 57 À – 53 : L’AVANCÉE VERS LE NORD En – 57, César provoque les peuples qui vivent au nord de la Seine et de la Marne, les « Belges », et les défait les uns après les autres. En – 56, le voilà qui lance, entre autres, une guerre terrestre et maritime contre les Vénètes du Morbihan, Cette année-là, coup de tonnerre. De nombreux chefs gaulois fomentent une insurrection, dont le signal est donné par les Carnutes, qui massacrent des négociants romains à Orléans. Menée par Vercingétorix, lequel a pris le pouvoir chez les Arvernes, cette rébellion transforme en une véritable guerre des Gaules des campagnes militaires qui, jusqu’alors, avaient opposé des Romains et des Gaulois à d’autres Gaulois. Comment expliquer ce revirement de situation ? « Après des années d’entente fondées sur des succès relativement rapides, l’effort de guerre des grands chefs gaulois, qui Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 qui sont vaincus sur mer. Tout cela avec l’aide d’autres Gaulois. Pendant six ans, de – 58 à – 52, « l’essentiel des grands peuples gaulois (Éduens, Rèmes, Séquanes…), moyennant l’octroi de récompenses en nature, de promotions, de droits civiques…, se sont joints à César pour soumettre les régions encore assez indépendantes du Nord et de l’Ouest, explique Michel Reddé, Médaille d’argent du CNRS en 2007 et membre du laboratoire Histoire et anthropologie des mondes antiques 2. En – 55, – 54 et – 53, le Romain mène des raids en Germanie (l’Allemagne actuelle), traverse la Manche et s’enfonce au-delà de Reconstitution d’une légion romaine par la troupe Légion VIII Augusta. –52: LA CAPITULATION GAULOISE À ALÉSIA supposait de fournir du ravitaillement et des chevaux, de couvrir des opérations de répression, dont les bénéfices escomptés vont s’avérer plus faibles que prévu, a fini par désespérer les meilleures volontés, répond Michel Reddé. Même les Éduens, fidèles parmi les fidèles, ont fait défection. En – 52, les partis proromains dans les sénats qui gouvernaient les territoires gaulois ont cédé la place à leurs adversaires, opposés à la domination de Rome. » Quelques mois suffisent toutefois à César, qui peut compter sur 40 000 à 50 000 hommes parfaitement entraînés, auxquels s’ajoutent les Cette statue de Vercingétorix surplombe le muséoparc d’Alésia. Il n’existe cependant aucune statue antique qui représente le guerrier gaulois. la Tamise. Tactiquement parlant, indique YannLe Bohec « les Gaulois se battent en phalange, c’est-à-dire épaule contre épaule, pour offrir à l’ennemi une ligne continue, alors que les Romains ont adopté depuis longtemps la tactique en cohorte, qui confère plus de souplesse. La légion – environ 5000 hommes – est divisée en dix cohortes réparties sur trois lignes, séparées les unes des autres. Les soldats de chaque cohorte sont répartis, eux aussi, sur trois lignes : ceux qui combattent dans les deux premières lignes se relaient dès que la fatigue se fait sentir, ceux qui se trouvent à l’arrière servent d’ultime recours. » Les Gaulois ne sont pas armés de manière plus rudimentaire que les Romains. Il y a par contre moins d’homogénéité dans leur armement, chacun s’équipant selon sa fortune. Et les Gaulois n’ont jamais vu, assure César, des engins de siège comme les catapultes, qui propulsent des boulets de plusieurs dizaines de kilos jusqu’à 300 mètres, ou les scorpions, qui projettent des flèches avec une force et une précision redoutables. ■ auxiliaires (notamment des cavaliers) ainsi que de nombreux accompagnateurs (valets, esclaves et palefreniers), pour obtenir la capitulation des troupes gauloises à Alésia. « Vercingétorix dispose sans doute de forces supérieures en nombre, mais elles sont mal commandées et ne constituent pas un corps homogène », dit Michel Reddé. Combien de morts gaulois après sept ans de guerre ? « Toute estimation est une fantaisie », tranche le chercheur. Néanmoins, le nombre de prisonniers, militaires ou civils, vendus plus tard comme esclaves, est considérable. Ainsi, César affirme qu’il a distribué, après la bataille d’Alésia, un prisonnier gaulois à chacun de ses soldats, à titre de butin. Que le vainqueur des Gaules ait mis ce conflit à profit pour s’enrichir tombe sous le sens. Par ailleurs, dans l’imaginaire romain, traverser le Rhin (qui est un dieu, comme tous les fleuves), puis la Manche (le domaine de Neptune), représente un exploit fabuleux. César est le premier de tous les « civilisés » à avoir traversé l’ « Océan », à être allé jusqu’aux limites du monde, sous la protection de Vénus. « Il est devenu mythique, à la façon d’Alexandre le Grand », résume YannLe Bohec. La romanisation de sa conquête peut commencer. ■ 1. Unité CNRS/Universités Paris-I et -IV/EPHE/Musée du Louvre. 2. Unité CNRS/Universités Paris-I et- VII/EPHE/EHESS. CONTACTS ➔ Michel Reddé redde.michel@yahoo.fr ➔ YannLe Bohec yann.le_bohec@paris-sorbonne.fr
© J.-C. Golvin Ce que Rome a vraiment changé Si les premières décennies de la domination romaine sont passablement agitées et marquées par l’intervention musclée des légions, la Gaule va finir par tomber tout entière dans la marmite de la latinité. Ce processus d’acculturation ou de romanisation tient à l’habileté politique de ses nouveaux maîtres qui, pragmatiques, font payer un tribut à un grand nombre de cités mais ne fondent aucune colonie, hormis chez les Helvètes et en Narbonnaise, le nouveau nom de la Transalpine, et ne remettent pas en cause les cadres territoriaux. « Les populations qui se sentent éduennes, carnutes ou coriosolites ne sont pas mélangées avec leurs voisines », explique Christian Goudineau, ancien titulaire de la chaire d’antiquités nationales au Collège de France, et de ce fait éprouvent moins l’impression d’être colonisées. « De plus, ajoute ce dernier, Rome confie l’administration du pays aux chefs gaulois qui lui sont restés fidèles – ceux qui se sont soulevés contre l’Empire ayant été exterminés et leurs biens confisqués – et s’attire leurs bonnes grâces en leur accordant la citoyenneté romaine, devenir citoyen romain signifiant, entre autres, ne pas payer d’impôts, avoir le droit de faire du grand commerce, de se déplacer librement dans l’Empire… » On peut supposer que le reste de la population devait se contenter de droits réduits, même si aucun texte latin ne fait référence aux Gaulois de plus humble condition et que leurs droits avant la conquête romaine restent inconnus. Une mécanique colonisatrice que Christian Goudineau qualifie de « perverse et impeccable, séduisante et insidieuse », puisque Rome obtient des édiles gaulois qu’ils se fassent « les représentants volontaires et enthousiastes de sa politique ». Rome instaure ainsi en Gaule un pouvoir que nul ou presque ne conteste, « tous ceux qui le peuvent n’aspirant qu’à en détenir une parcelle », qui confère des droits et des signes extérieurs de richesse propres à faire rêver tous ceux qui en sont exclus. En adhérant à la pax romana, les Gaulois n’ont-ils pas, parfois, le sentiment de vendre leur âme au diable ? « Ce pouvoir reste lointain, répond notre chercheur. Et, en l’espace de quelques années, toute l’aristocratie gauloise va parler latin, ne plus faire construire que des monuments à la romaine, tandis que toutes les tombes vont se couvrir d’inscriptions latines… » LA MULTIPLICATION DES VILLES S’appuyer sur les villes – créées parfois ex nihilo, comme Autun chez les Éduens – constitue l’autre pilier de la romanisation de la Gaule. Les territoires des anciens peuples-États, maillés par un réseau routier que le conquérant s’emploie à étendre, sont nantis chacun d’un chef-lieu de cité, une ville principale qui fait office de centre politique, administratif, religieux et économique et qui accueille toute la panoplie de monuments à la romaine : des lieux d’assemblée, des temples, des marchés, des installations de spectacle et de plaisir (amphithéâtres, arènes, thermes…), sans oublier les œuvres du génie civil (ponts, aqueducs…). « L’urbanisme gallo-romain connaîtra son apogée entre le dernier quart du I er siècle et le milieu du II e siècle, selon les régions, note Jean-Luc Fiches, du laboratoire Archéologie des sociétés méditerranéennes. Les villes sont en théorie autonomes, sauf pour la politique étrangère, la monnaie et les impôts. Le génie de Rome va être, outre le fait d’obliger les notables gaulois à posséder une maison en ville, de mettre les cités en concurrence. Chacune, pour traduire son allégeance à Rome, va chercher à se parer des plus beaux monuments et des équipements les plus modernes. Dans les dernières décennies du I er siècle, par exemple, Arles se dote d’un amphithéâtre qui imite le modèle du Colisée. Sa voisine, Nîmes, réplique aussitôt en construisant un ouvrage du même type et de la même capacité. » UN ARTISANAT RENOUVELÉ Peu inspirés par la pierre et plus habitués jusqu’ici à dresser des édifices à l’ossature en bois et en terre et à la toiture en chaume, en roseau ou en bois, les Gaulois découvrent de nouvelles techniques de maçonnerie, comme le mortier de chaux, un mélange pâteux permettant de lier des pierres de toutes formes et de les appareiller en des murs de grande hauteur pouvant recevoir de lourdes toitures en tuile. « Les techniques de construction que les Gaulois s’approprient sont adaptées aux ouvrages de grandes dimensions qu’impose l’urbanisme romain et leur servent notamment à élever des voûtes très hautes et de très grande portée, comme celles que l’on trouve dans les thermes publics, précise Dominique Tardy, de l’Institut de recherche sur l’architecture antique 1. Dans le domaine du décor architectural, à partir d’un répertoire importé par le conquérant, Cette bouteille en verre de forme hexagonale a été fabriquée par les Gallo-Romains entre les I er et II e siècles de notre ère. L’ENQUÊTE Aquarelle peinte par Jean-Claude Golvin, chercheur à l’Institut de recherche sur l’Antiquité et le Moyen Âge, représentant la cité d’Arles au IV e siècle apr. J.-C. > Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 25 © Musée de Picardie/Giraudon/Bridgeman Art



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