CNRS Le Journal n°246-247 juil/août 2010
CNRS Le Journal n°246-247 juil/août 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°246-247 de juil/août 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3,6 Mo

  • Dans ce numéro : Qui étaient vraiment les Gaulois

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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22 > L’ENQUÊTE LA PRODUCTION ARTISTIQUE Les Gaulois comptent dans leurs rangs des artistes de haut vol dont les productions ne nous sont accessibles que par des monnaies, des parures (bracelets, torques, fibules, sortes de broches servant à tenir ensemble deux pans d’un vêtement), des armes ornées, des vases… « La qualité de ces petits objets nous incite à penser que des constructions beaucoup plus grandes, avec pour support le bois, telles les statues retrouvées à Fellbach-Schmiden, au Bade-Wurtemberg, et qui représentent des animaux tenus par un personnage dont il ne reste que la main sur la croupe d’une sorte de bouquetin, présentaient une décoration aussi riche, affirme Germaine Leman, du laboratoire Histoire, archéologie, littérature des mondes anciens-Institut de papyrologie et d’égyptologie de Lille 4. La plupart de ces œuvres ont malheureusement disparu, le bois ne se conservant que dans des conditions exceptionnelles. » L’art gaulois courtise l’abstraction. Les représentations de l’homme et des dieux, systématiques chez les Grecs et chez les Romains, pour qui l’art consiste à imiter la nature, sont rarissimes, et celles des paysages et des constructions humaines, inexistantes. Les figures les plus courantes sont celles d’êtres fantastiques, les fragments de corps (œil, bec, patte…) ou les corps déformés (visages aplatis montrant leur face et leur profil), sans oublier une multitude de compositions géométriques d’une complexité inouïe. L’art gaulois connaît son plein épanouissement entre les V e et III e siècles av. J.-C., avant de tomber dans un réalisme sans grande originalité. LES CROYANCES RELIGIEUSES Si religieux qu’ils rient des dieux l’élite gauloise. Tout à la fois savants romains figurés comme des êtres versés dans l’observation des astres humains, les Gaulois vénèrent moult à des fins divinatoires, l’étude des divinités, tels Taranis, maître du mathématiques et de la géométrie, ciel, et Teutatès, dieu de la guerre. la pharmacopée…, philosophes, D’autres sont plus spécifiques : théologiens et accessoirement Cernunnos, dieu de la fécondité juges, ces prêtres transmettent à cornes de cerf, Épona, protectrice leur savoir par tradition orale des chevaux, Lugus, gardien du aux enfants des familles nobles. feu… Existe-t-il un seul et même Le druidisme règne sur la Gaule panthéon pour toute la Gaule ? entre les V e et II e siècles avant Chaque peuple peut avoir ses notre ère, avant de décliner pour divinités propres, même si certaines disparaître complètement au figures sont récurrentes. La mort ? tournant de l’ère chrétienne. Un passage vers le monde d’en haut ou, pour ceux qui ne peuvent y accéder, une descente sous la terre avant que l’âme ne se réincarne et revive. Quant à la pratique du sacrifice humain, leitmotiv des textes antiques visant à rabaisser les Gaulois, les vestiges archéologiques venant l’étayer sont extrêmement rares. « Sans doute a-t-elle existé avant le V e siècle av. J.-C., mais à très petite échelle, confie Jean-Louis Brunaux. Et elle a disparu au profit de sacrifices d’animaux domestiques (taureaux, vaches, bœufs, moutons, porcs…), comme le montrent, par exemple, les ossements exhumés en grande quantité dans le sanctuaire de Gournay-sur-Aronde, dans l’Oise. » Les druides forment une partie de Statuette en bronze d’un dieu guerrier gaulois, découverte à Saint-Maur, dans l’Oise. Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 G. Blot/RMN © E. Lessing/akg-images Cette sculpture de deux têtes jointes par l’arrière du crâne (300 av. J.-C.) a été découverte à Roquepertuse, dans les Bouchesdu-Rhône. © P.-Y. Lambert Pour écrire, les Gaulois utilisaient souvent les alphabets étrangers, comme sur ce bloc de pierre portant une inscription gallo-grecque. Ce tableau peint vers 1900 par Henri-Paul Motte figure la cueillette du gui, rite célèbre pratiqué par les druides.
© J.-M. Degueule/Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière LA LANGUE Au fait, quel idiome parlent ces gaillards ? Les linguistes manquent d’informations sur ce rameau du celtique continental. Seuls quelques brefs textes de nature économique ou religieuse et quelques imprécations magiques ont franchi les siècles, mais aucune littérature proprement dite, épique ou mythologique. Les Gaulois écrivent très peu et, quand ils le font, recourent aux alphabets des peuples avec lesquels ils sont en contact : les Étrusques d’abord, en Italie du Nord, puis les colons grecs de Marseille, les Romains enfin. « Il est nécessaire d’étudier le gaulois par comparaison avec les langues apparentées : gallois, breton et vieil irlandais, précise Pierre-Yves Lambert, du laboratoire Archéologies d’Orient et d’Occident et textes anciens. Par exemple, pour reconstituer le lexique gaulois, nous avons peu de noms communs, mais beaucoup de noms propres, dont le sens étymologique ne peut apparaître que par la méthode comparative. » Tout laisse à penser que les différents peuples gaulois parlent des dialectes très proches les uns des autres. « Après la conquête césarienne, une période de bilinguisme semble avoir duré plusieurs siècles en Gaule, continue le linguiste. La tuile de Châteaubleau, fabriquée entre la fin du II e siècle de notre ère et le début du III e siècle et découverte en Seine-et-Marne en 1997, porte sur l’une de ses faces une inscription de onze lignes qui atteste de la survivance tardive de cette langue dans la société gallo-romaine. » Le gaulois ne subsiste plus dans le français actuel que par quelques tournures syntaxiques comme « C’est que… », des toponymes tels que Verdun et deux cents mots tout au plus, parmi lesquels alouette, ardoise, auvent, blaireau, bouleau, bruyère, caillou, char, chemin, charpente et chiendent. 1. Unité CNRS/Universités Paris-I et -X/Ministère de la Culture et de la Communication. 2. Unité CNRS/ENS Paris. 3. Unité CNRS/Université de Bourgogne/Ministère de la Culture et de la Communication. 4. Unité CNRS/Université Lille-III/Ministère de la Culture et de la Communication/Inrap. CONTACTS ➔ Jean-Louis Brunaux jean-louis.brunaux@wanadoo.fr ➔ Christian Goudineau christian.goudineau@college-de-france.fr ➔ Katherine Gruel, katherine.gruel@ens.fr ➔ Jean-Paul Guillaumet jean-paul@guillaumet.fr ➔ Pierre-Yves Lambert lambert.pierre-yves@wanadoo.fr ➔ Fanette Laubenheimer fanette.laubenheimer@mae.u-paris10.fr ➔ Germaine Leman germaine.leman@univ-lille3.fr ➔ Pierre Ouzoulias pierre.ouzoulias@mae.u-paris10.fr En mars 58 avant notre ère, les Helvètes, un peuple gaulois installé sur le plateau suisse, aux frontières nord de la Gaule transalpine, quittent leurs terres pour entreprendre une migration qui doit les conduire, à les en croire, sur le territoire des Santons (l’actuelle Saintonge, en Charente). Les causes de ce grand déménagement ne sont pas connues, mais la route qu’ils choisissent les oblige à traverser la Gaule transalpine. Or, depuis quelques mois, ce territoire, avec celui de la Gaule cisalpine, est placé sous l’autorité de Caius Julius Caesar, qui en est le proconsul. Celui-ci appartient à l’une des plus illustres familles romaines et revendique la déesse Vénus parmi ses ancêtres. « C’est un ambitieux désireux d’exercer un pouvoir important à Rome et il doit pour cela remporter des victoires militaires, déclare YannLe Bohec, membre du laboratoire Orient et Méditerranée, textes-archéologie-histoire 1. Cet homme extrêmement intelligent, doublé d’un excellent stratège, capable d’organiser des mouvements de troupes avec une rapidité confondante, a l’intention d’attaquer n’importe quel ennemi car, comme tous les Romains, il recherche avant tout, dans la guerre, à récolter du butin. L’exode des Helvètes lui fournit un prétexte tout trouvé pour faire la guerre, accroître sa richesse et en tirer un prestige extraordinaire. » Exploitant la défiance atavique de Rome envers les Gaulois, César interdit aux Helvètes de pénétrer sur le sol de la Gaule transalpine. Contraints de passer plus au nord, ils se dirigent vers le territoire des Éduens. Ces derniers, se sentant menacés, demandent l’assistance de César au nom des traités qui les lient au peuple romain. Celui-ci se porte aussitôt à la rencontre des Helvètes et les écrase près de Bibracte. Sans attendre, il poursuit sa campagne en s’attaquant au chef germain Arioviste, qui s’est installé chez le peuple voisin des Séquanes. Le mécanisme de la guerre des Gaules est enclenché… ■ L’ENQUÊTE 23 Comment César a conquis la Gaule –58:L’EXODE HÉLVÈTE MET LE FEU AUX POUDRES © J. Schormans/RMN > Statue de Jules César (100-44 av. J.-C.), représenté en imperator, avec sa cuirasse et son paludamentum (manteau). Casques, boucliers, épées, lances… Les guerriers gaulois étaient bien armés. Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 ©L. Ricciarini/Leemage



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