12 ©C. Petit-Tesson/MaxpppVIEDESLABOS Actualités INGÉNIERIE Les chercheurs se jettent dans la mêlée Un simulateur de mêlée de rugby, véritable arme secrète du XV de France, a récemment été mis au point grâce à l’idée d’un directeur de recherche du CNRS. « La mêlée, phase critique qui sert pour la remise en jeu du ballon, réclame énormément de finesse », explique Pierre-Paul Vidal, directeur du Centre d’étude de la sensorimotricité (Cesem) 1. Les poussées des Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 joueurs face à face, qui peuvent atteindre près de 3 tonnes, doivent en effet s’équilibrer. Sinon, la mêlée tourne ou casse, avec le risque qu’un des joueurs se brise le cou… Pour éviter cela, le joueur doit contracter les bons muscles parmi la trentaine qui contrôlent sa colonne cervicale, et ce en moins de 100 millisecondes. « Encore faut-il percevoir correctement les contraintes extérieures, Les rugbymen français testent leur nouveau joug, un simulateur conçu pour la Fédération de rugby pour l’entraînement de la mêlée. ajoute le chercheur, spécialisé en neurosciences. Or, lorsque l’on est immergé dans la mêlée, on se trouve justement privé de la plupart des informations sensorielles pertinentes, qu’elles soient visuelles, vestibulaires ou auditives. » Avec Didier Retière, entraîneur de l’équipe de France, il a donc eu l’idée de fabriquer un simulateur pour que les joueurs puissent affûter leur savoir-faire. La machine a été conçue par un ingénieur qui souhaite garder l’anonymat, spécialiste des simulateurs de véhicule dans un groupe industriel français. Comme modèle, celui-ci s’est servi d’un simulateur de… tank ! Le résultat final est un robot en forme d’hexagone d’environ 1,5 m de large, monté sur six vérins équipés de moteurs électriques, qui exerce une résistance dans toutes les directions où on le sollicite en à peine 1 milliseconde ! Les efforts et les contraintes observés lors d’une vraie mêlée y ont été programmés après une modélisation effectuée par Didier Retière et Julien Piscione. ENVIRONNEMENT En route vers une voiture plus propre Crises environnementale et climatique obligent, si nous voulons continuer à rouler, pas d’autre solution que de limiter les émissions polluantes de nos moteurs à explosion. Plus facile à dire qu’à faire. Car, si leur principe est connu depuis le XIX e siècle, le détail des centaines, voire des milliers, de réactions chimiques qui s’y produisent entre l’injection du combustible et le rejet des échappements est encore loin d’être une évidence pour les chimistes. Cependant, Frédérique Battin-Leclerc et son équipe, du Laboratoire réactions et génie des procédés du CNRS, à Nancy, ont franchi récemment une étape décisive dans cette direction 1. Un résultat qui vient d’être publié dans la prestigieuse revue Angewandte Chemie. Plus précisément, les scientifiques ont identifié l’une des espèces chimiques clés à la source de l’autoinflammation d’un carburant. De fait, les moteurs actuellement les plus prometteurs pour limiter la pollution, dits HCCI (Homogeneous Charge Compression Ignition), fonctionnent par compression d’un mélange homogène de carburant et d’oxygène qui s’enflamme spontanément. Or, comme l’explique Frédérique Battin-Leclerc, « pour concevoir au mieux ces moteurs, il faut connaître précisément à quel moment de la chaîne de réactions chimiques se produit le processus d’autoinflammation ». À dire vrai, les chimistes soupçonnaient depuis longtemps une famille d’hydrocarbures, les cétohydroperoxydes, d’en être à l’origine. Au point d’en faire l’un des socles de leur description théorique de la combustion des hydrocarbures. Pour le prouver expérimentalement, les chimistes ont injecté en continu du butane et de l’oxygène dans un réacteur afin de reproduire les conditions qui, dans un moteur, précèdent tout juste la réaction d’autoinflammation. « Toute la difficulté était alors de recueillir les espèces chimiques en présence, puis de les analyser, précise la scientifique. Ce que nous avons pu faire grâce à un appareillage de notre fabrication couplé avec des moyens d’analyse chimique de nos collègues chinois. » Résultat des courses : l’intuition des théoriciens était la bonne. Si l’observation n’est donc pas une révolution conceptuelle, elle n’en demeure pas moins capitale pour Ce dernier, responsable du pôle scientifique de la Fédération française de rugby, est aujourd’hui plus que convaincu du résultat. Infiniment plus réaliste que les jougs classiques, chars inertes que l’on pousse dans une seule direction, le simulateur réagit « comme une vraie mêlée » aux dires des joueurs de l’équipe de France, qui le plébiscitent. Et il permet d’introduire, en les dosant, les fameuses instabilités si périlleuses en situation réelle. Mieux encore : on pourra à l’avenir y programmer les caractéristiques d’une équipe adverse – posture des joueurs, morphologie, etc. – et simuler un match avant le match… La prochaine Coupe du monde aura lieu en Nouvelle- Zélande en septembre 2011. Les All Blacks n’ont qu’à bien se tenir ! Charline Zeitoun 1. Unité CNRS/Université Paris-V. CONTACT ➔ Pierre-Paul Vidal Centre d’étude de la sensorimotricité, Paris pierre-paul.vidal@parisdescartes.fr l’avenir de ce type de moteur. « C’est très rassurant quant à la validité des modèles théoriques que nous utilisons, se félicite la chimiste. Sans compter que ces expériences vont permettre d’affiner les paramètres d’entrée de ces modèles afin de les rendre encore plus réalistes. » De quoi aider à accorder, en pratique, liberté de mouvement et respect de l’environnement. Mathieu Grousson 1. Ces travaux ont été menés dans le cadre d’un projet financé par le Conseil européen de la recherche, en collaboration avec une équipe chinoise de l’Université de science et technologie de Chine, à Hefei. CONTACT ➔ Frédérique Battin-Leclerc Laboratoire réactions et génie des procédés, Nancy frederique.battin-leclerc@ensic.inpl-nancy.fr |