CNRS Le Journal n°246-247 juil/août 2010
CNRS Le Journal n°246-247 juil/août 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°246-247 de juil/août 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3,6 Mo

  • Dans ce numéro : Qui étaient vraiment les Gaulois

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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12 ©C. Petit-Tesson/MaxpppVIEDESLABOS Actualités INGÉNIERIE Les chercheurs se jettent dans la mêlée Un simulateur de mêlée de rugby, véritable arme secrète du XV de France, a récemment été mis au point grâce à l’idée d’un directeur de recherche du CNRS. « La mêlée, phase critique qui sert pour la remise en jeu du ballon, réclame énormément de finesse », explique Pierre-Paul Vidal, directeur du Centre d’étude de la sensorimotricité (Cesem) 1. Les poussées des Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 joueurs face à face, qui peuvent atteindre près de 3 tonnes, doivent en effet s’équilibrer. Sinon, la mêlée tourne ou casse, avec le risque qu’un des joueurs se brise le cou… Pour éviter cela, le joueur doit contracter les bons muscles parmi la trentaine qui contrôlent sa colonne cervicale, et ce en moins de 100 millisecondes. « Encore faut-il percevoir correctement les contraintes extérieures, Les rugbymen français testent leur nouveau joug, un simulateur conçu pour la Fédération de rugby pour l’entraînement de la mêlée. ajoute le chercheur, spécialisé en neurosciences. Or, lorsque l’on est immergé dans la mêlée, on se trouve justement privé de la plupart des informations sensorielles pertinentes, qu’elles soient visuelles, vestibulaires ou auditives. » Avec Didier Retière, entraîneur de l’équipe de France, il a donc eu l’idée de fabriquer un simulateur pour que les joueurs puissent affûter leur savoir-faire. La machine a été conçue par un ingénieur qui souhaite garder l’anonymat, spécialiste des simulateurs de véhicule dans un groupe industriel français. Comme modèle, celui-ci s’est servi d’un simulateur de… tank ! Le résultat final est un robot en forme d’hexagone d’environ 1,5 m de large, monté sur six vérins équipés de moteurs électriques, qui exerce une résistance dans toutes les directions où on le sollicite en à peine 1 milliseconde ! Les efforts et les contraintes observés lors d’une vraie mêlée y ont été programmés après une modélisation effectuée par Didier Retière et Julien Piscione. ENVIRONNEMENT En route vers une voiture plus propre Crises environnementale et climatique obligent, si nous voulons continuer à rouler, pas d’autre solution que de limiter les émissions polluantes de nos moteurs à explosion. Plus facile à dire qu’à faire. Car, si leur principe est connu depuis le XIX e siècle, le détail des centaines, voire des milliers, de réactions chimiques qui s’y produisent entre l’injection du combustible et le rejet des échappements est encore loin d’être une évidence pour les chimistes. Cependant, Frédérique Battin-Leclerc et son équipe, du Laboratoire réactions et génie des procédés du CNRS, à Nancy, ont franchi récemment une étape décisive dans cette direction 1. Un résultat qui vient d’être publié dans la prestigieuse revue Angewandte Chemie. Plus précisément, les scientifiques ont identifié l’une des espèces chimiques clés à la source de l’autoinflammation d’un carburant. De fait, les moteurs actuellement les plus prometteurs pour limiter la pollution, dits HCCI (Homogeneous Charge Compression Ignition), fonctionnent par compression d’un mélange homogène de carburant et d’oxygène qui s’enflamme spontanément. Or, comme l’explique Frédérique Battin-Leclerc, « pour concevoir au mieux ces moteurs, il faut connaître précisément à quel moment de la chaîne de réactions chimiques se produit le processus d’autoinflammation ». À dire vrai, les chimistes soupçonnaient depuis longtemps une famille d’hydrocarbures, les cétohydroperoxydes, d’en être à l’origine. Au point d’en faire l’un des socles de leur description théorique de la combustion des hydrocarbures. Pour le prouver expérimentalement, les chimistes ont injecté en continu du butane et de l’oxygène dans un réacteur afin de reproduire les conditions qui, dans un moteur, précèdent tout juste la réaction d’autoinflammation. « Toute la difficulté était alors de recueillir les espèces chimiques en présence, puis de les analyser, précise la scientifique. Ce que nous avons pu faire grâce à un appareillage de notre fabrication couplé avec des moyens d’analyse chimique de nos collègues chinois. » Résultat des courses : l’intuition des théoriciens était la bonne. Si l’observation n’est donc pas une révolution conceptuelle, elle n’en demeure pas moins capitale pour Ce dernier, responsable du pôle scientifique de la Fédération française de rugby, est aujourd’hui plus que convaincu du résultat. Infiniment plus réaliste que les jougs classiques, chars inertes que l’on pousse dans une seule direction, le simulateur réagit « comme une vraie mêlée » aux dires des joueurs de l’équipe de France, qui le plébiscitent. Et il permet d’introduire, en les dosant, les fameuses instabilités si périlleuses en situation réelle. Mieux encore : on pourra à l’avenir y programmer les caractéristiques d’une équipe adverse – posture des joueurs, morphologie, etc. – et simuler un match avant le match… La prochaine Coupe du monde aura lieu en Nouvelle- Zélande en septembre 2011. Les All Blacks n’ont qu’à bien se tenir ! Charline Zeitoun 1. Unité CNRS/Université Paris-V. CONTACT ➔ Pierre-Paul Vidal Centre d’étude de la sensorimotricité, Paris pierre-paul.vidal@parisdescartes.fr l’avenir de ce type de moteur. « C’est très rassurant quant à la validité des modèles théoriques que nous utilisons, se félicite la chimiste. Sans compter que ces expériences vont permettre d’affiner les paramètres d’entrée de ces modèles afin de les rendre encore plus réalistes. » De quoi aider à accorder, en pratique, liberté de mouvement et respect de l’environnement. Mathieu Grousson 1. Ces travaux ont été menés dans le cadre d’un projet financé par le Conseil européen de la recherche, en collaboration avec une équipe chinoise de l’Université de science et technologie de Chine, à Hefei. CONTACT ➔ Frédérique Battin-Leclerc Laboratoire réactions et génie des procédés, Nancy frederique.battin-leclerc@ensic.inpl-nancy.fr
OCÉANOGRAPHIE Plongées en série dans les abysses Les abysses n’avaient jamais vu un tel déferlement de chercheurs ! Deux missions internationales successives, dans le Pacifique est puis dans le golfe de Californie, baptisées Mescal (Milieux extrêmes : stratégies de colonisation et d’adaptation en environnement hydrothermal) et BIG (Biodiversité et interactions à Guaymas) 1 et auxquelles participent plusieurs laboratoires du CNRS, explorent les mystérieux écosystèmes du fond des océans. La première mission, Mescal, pilotée par le CNRS et l’UPMC (Paris-VI), s’est achevée le 30 mai après quarante jours passés à 250 milles nautiques des côtes mexicaines. À bord de l’Atalante, le navire de recherche de l’Ifremer, une quarantaine de chercheurs français, américains et autrichiens se sont penchés sur la faune habitant à 2500 mètres de profondeur autour des sources hydrothermales de la dorsale océanique. Là, de l’eau se réchauffe dans la croûte terrestre en approchant du magma et rejaillit jusqu’à 400 °C de température. Mescal était constituée de deux volets. Le premier s’intéressait à un organisme emblématique de ces sources : Alvinella pompejana. Ce ver est un modèle de résistance aux environnements extrêmes : protégé par un tube de protéines, il s’épanouit à des températures supérieures à 100 °C dans une eau saturée en sulfures et dépourvue d’oxygène. L’un des objectifs de la mission était d’étudier ses mécanismes d’adaptation. Mais un autre aspect intéressait aussi les chercheurs : « Alvinella est une espèce pionnière qui modifie les conditions thermiques et chimiques de son habitat, ce qui permet à d’autres espèces animales de le coloniser à leur tour », explique Nadine Le Bris, directrice du Laboratoire d’écogéochimie des environnements benthiques 2 et coordinatrice du premier volet de Mescal. Pour étudier cet organisme, les chercheurs ont procédé à diverses expériences in situ et dans des aquariums sous pression. Le second volet de Mescal était dirigé par François Lallier, du laboratoire Adaptation et diversité en milieu marin de Roscoff 3. L’objectif était de mieux comprendre la relation symbiotique entre les bactéries qui puisent leur énergie de l’oxydation des sulfures qui se dégagent Au cœur des sites hydrothermaux explorés par la mission Mescal se niche Riftia pachyptila, un ver qui sert de refuge à toutes sortes de bactéries. Durant les beaux jours, deux campagnes d’étude en mer explorent les fonds marins à la découverte des écosystèmes qui y fleurissent. À l’aide de seringues en titane, les équipes de la mission BIG prélèvent des fluides hydrothermaux dans le golfe de Californie. © Ifremer-Nautile/Campagne Mescal 2010 © Ifremer-Nautile/Campagne BIG 2010 Mission VIEDESLABOS des sources hydrothermales et certains invertébrés comme le ver Riftia pachyptila et les bivalves Bathymodiolus thermophilus et Calyptogena magnifica. Ces animaux offrent aux micro-organismes un milieu stable et confortable où vivre et, en retour, ils s’en nourrissent. Cependant, bien des questions restent ouvertes à propos des symbioses qui ont permis à la vie de s’installer dans ces abysses. Par exemple, on ne connaît pas bien les mécanismes permettant aux organismes hôtes de contrôler les populations de bactéries qu’ils abritent. L’un des buts de Mescal était d’utiliser certains outils de la biologie moléculaire pour connaître en profondeur le fonctionnement de ces écosystèmes. Les chercheurs de Mescal à peine débarqués, ce sont les trente équipiers de la mission BIG qui ont pris place à bord de l’Atalante pour se diriger vers le bassin de Guaymas, dans le golfe de Californie, où ils vont rester jusqu’au 10 juillet. Cette zone possède aussi des sources hydrothermales. Mais tout près, on y trouve des sources froides : sous la pression des sédiments, des fluides riches en hydrocarbures légers comme le méthane s’extraient du fond de la mer. Ces composés chimiques, à l’instar des sulfures des sources chaudes, sont la source d’énergie des micro-organismes permettant l’éclosion de riches écosystèmes. « L’un des objectifs de la mission est de comparer les écosystèmes des sources hydrothermales et des sources froides, détaille Anne Godfroy, chercheuse au Laboratoire de microbiologie des environnements extrêmes 4 et chef de la mission. Il y a beaucoup d’espèces proches dans ces deux milieux. Il y a aussi des similitudes de fonction : par exemple, dans les deux écosystèmes, on retrouve cette symbiose entre invertébrés et bactéries. Nous voulons mieux comprendre comment micro-organismes et animaux interagissent. » Vingt-neuf plongées du sous-marin Nautile sont en cours afin de réaliser des prélèvements d’organismes, des analyses chimiques in situ et des carottages dans les sédiments. Après ces deux missions qui auront permis de recueillir une infinité de données scientifiques, ce monde de silence devrait enfin parler un peu plus clairement aux chercheurs ! Sebastián Escalón 1. La liste complète des partenaires des missions Mescal et BIG est disponible sur le site du groupement de recherche Ecchis (Biologie des écosystèmes chimiosynthétiques profonds), dont font partie les deux campagnes : www.sb-roscoff.fr/Ecchis/2. Laboratoire CNRS/UPMC (Paris-VI). 3. Unité CNRS/UPMC (Paris-VI). 4. Unité CNRS/Ifremer/Université de Brest. CONTACTS ➔ Anne Godfroy Laboratoire de microbiologie des environnements extrêmes, Plouzane anne.godfroy@ifremer.fr ➔ François Lallier Adaptation et diversité en milieu marin, Roscoff lallier@sb-roscoff.fr ➔ Nadine Le Bris Laboratoire d’écogéochimie des environnements benthiques, Banyuls-sur-Mer lebris@obs-banyuls.fr Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 13



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