CNRS Le Journal n°246-247 juil/août 2010
CNRS Le Journal n°246-247 juil/août 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°246-247 de juil/août 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3,6 Mo

  • Dans ce numéro : Qui étaient vraiment les Gaulois

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 10 - 11  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
10 11
10 © R. Gendler VIEDESLABOS Actualités ASTRONOMIE Il était une fois une étoile fugueuse… Des chercheurs viennent de proposer un nouveau scénario pour la formation du système solaire : sa naissance serait due à l’explosion d’une étoile massive. Les astrophysiciens le savent grâce à l’analyse des éléments contenus dans les météorites : au moment de sa formation, il y a 4,6 milliards d’années, le système solaire contenait des noyaux radioactifs d’aluminium 26. Or la durée de vie moyenne de cet isotope n’est que de 1,03 million d’années. Preuve qu’il a nécessairement été produit en même temps ou très peu de temps avant la formation de notre étoile. Récemment, Vincent Tatischeff et Jean Duprat, du Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse 1, en collaboration avec Nicolas de Séréville, de l’Institut de physique nucléaire d’Orsay 2, ont précisé les détails, selon eux, de cette synthèse. De façon surprenante, leur scénario implique que notre système planétaire aurait eu une enfance bien singulière. Qui en ferait même une exception dans l’univers. Pour parvenir à cette conclusion, les trois chercheurs ont commencé par reconsidérer les différentes hypothèses expliquant la présence d’aluminium 26 dans le système solaire primordial. Ainsi, en 2007, ils ont montré que celle d’une synthèse in situ, c’est-à-dire par irradiation du gaz et de la poussière du disque protoplanétaire par des particules solaires de haute énergie, ne tenait pas. « Nos calculs montrent que l’énergie disponible Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 ne permet pas d’expliquer la quantité d’aluminium 26 déduite de l’analyse des météorites », révèle Vincent Tatischeff. Dans ce cas, une seule solution : celui-ci a été synthétisé à l’extérieur du système solaire, puis incorporé à la nébuleuse primitive. En principe, rien à redire, puisque les spécialistes savent que certaines étoiles très massives libèrent une importante quantité d’aluminium 26 soit lors de leur explosion finale, soit juste avant, lorsqu’elles sont devenues des objets très chauds et lumineux appelés étoiles Wolf-Rayet. À cela près que ces astres « poids lourds » naissent au sein d’amas regroupant des centaines, voire des milliers d’étoiles. Or il règne en leur sein une telle activité qu’ils génèrent de gigantesques bulles de gaz chauffées à 1 million de degrés, appelées superbulles, à l’intérieur desquelles nulle nouvelle étoile ne peut se former. La contamination de la nébuleuse protosolaire en noyaux d’aluminium 26 tout juste produits dans des étoiles massives avoisinantes semble donc difficile. Raison pour laquelle Vincent Tatischeff et ses collègues ont proposé une idée originale. Comme l’explique le scientifique, « sous l’effet d’un jeu de billard gravitationnel, il est possible qu’une étoile massive ait été éjectée de son amas d’origine, et donc Au centre de cette nébuleuse en forme de bulle bleue se trouve une étoile Wolf-Rayet, de même type que celle qui est peut-être à l’origine de la formation du système solaire. de la superbulle de gaz brûlant associée. Dans ce cas, on peut imaginer qu’elle soit venue enrichir en aluminium 26 le nuage de gaz plus froid à partir duquel le Soleil, puis le système planétaire se sont formés ». Le plus surprenant n’est pas là. En effet, les calculs des trois astrophysiciens indiquent que l’explosion en supernovae d’une étoile Wolf-Rayet en fuite aurait pu être à l’origine de la formation du nouveau système. Comment ? L’onde de choc engendrée par le cataclysme aurait provoqué l’instabilité gravitationnelle du nuage froid, puis son effondrement pour former une nouvelle étoile. « Un tel scénario est compatible avec l’abondance primordiale en aluminium 26 du système solaire, souligne Vincent Tatischeff. Mais il montre aussi que la présence de cet isotope dans un système planétaire résulte de conditions exceptionnelles. » Et d’ajouter : « Sachant le rôle crucial joué par ce radioélément comme source de chaleur dans la formation des planétésimaux 3, il est possible que la composition planétaire du système solaire soit elle aussi exceptionnelle ! » Hypothèse que des travaux en cours sur les autres isotopes à courte durée de vie dans le jeune système solaire viendront peut-être confirmer. Mathieu Grousson 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-XI. 2. Laboratoire CNRS/Université Paris-XI. 3. Ces petits corps de quelques kilomètres de diamètre sont à l’origine des planètes. CONTACTS Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse, Orsay ➔ Jean Duprat jean.duprat@csnsm.in2p3.fr ➔ Vincent Tatischeff vincent.tatischeff@csnsm.in2p3.fr Institut de physique nucléaire d’Orsay ➔ Nicolas de Séréville deserevi@ipno.in2p3.fr
CHIMIE Des électrons pris de vitesse IMAGERIE MÉDICALE Un envoyé spécial en direct du foie Un nouveau marqueur d’imagerie médicale, le Lactal, devrait considérablement améliorer le diagnostic et la prise en charge des troubles hépatiques. « En étant capté par les cellules saines du foie, le Lactal offre une image directe de leur activité », souligne Michel Bessodes, chimiste à l’Unité de pharmacologie chimique et génétique et d’imagerie (UPCGI) 1, qui a participé à sa mise au point 2. Un véritable progrès puisque, aujourd’hui, les médecins européens évaluent le fonctionnement de l’organe à l’aide d’une batterie de tests sanguins. Or les IRM ou scintigraphies obtenues grâce au Lactal permettraient au chirurgien de connaître la proportion de cellules du foie fonctionnelles et donc de décider si une ablation partielle suffit, si le patient peut attendre une thérapie ou bien si la greffe est nécessaire. Dans ce cas, en visualisant la reprise de l’activité hépatique chez le receveur, le Lactal permettrait au médecin de savoir Àl’intérieur d’une molécule, tout n’est pas figé. Lorsqu’elle perd ou gagne un atome par exemple, des réarrangements d’électrons surviennent en un temps record, de l’ordre de la centaine d’attosecondes (une attoseconde vaut 10 –18 seconde). Vu la rapidité du phénomène, les physiciens n’avaient jamais pu observer ces déplacements intramoléculaires jusqu’à aujourd’hui. En réunissant l’expertise de cinq laboratoires, dont celui de Spectrométrie ionique et moléculaire (Lasim) 1, à Villeurbanne, une équipe européenne est parvenue à prendre de vitesse les électrons et à capturer leur mouvement lors de la dissociation d’une molécule de dihydrogène (H 2). L’expérience se déroule en trois étapes. D’abord, une onde électromagnétique ultrabrève, d’une durée de 300 attosecondes, et énergétique est envoyée sur un gaz de H 2. En interagissant avec une molécule, les photons associés à l’onde éjectent un électron et déstabilisent la molécule, qui commence à se briser. Après un court délai de quelques centaines d’attosecondes, une seconde impulsion ultrabrève vient « sonder » le réarrangement des électrons à l’intérieur de la molécule. Troisième phase, on reproduit l’expérience pour différents délais sur plusieurs centaines d’attosecondes. On obtient alors un film constitué de la succession d’images des différentes étapes qui mènent à la dissociation complète de la molécule. Simple sur le papier, cette caméra moléculaire a exigé plusieurs années de développement. Obtenir des impulsions précisément quand arrêter les médicaments antirejets, un traitement extrêmement contraignant. Le principe du Lactal repose sur l’un des rôles essentiels du foie : débarrasser l’organisme des éléments toxiques ou des protéines dont il n’a plus besoin. Les cellules du foie – les hépatocytes – possèdent à leur surface des récepteurs capables de se lier à ces protéines. Si les récepteurs fonctionnent, les hépatocytes sont sains. Les scientifiques ont perfectionné une pratique déjà existante en Asie : utiliser une protéine, l’albumine humaine, marquée radioactivement pour visualiser les cellules fonctionnelles par imagerie médicale. Si la théorie est relativement simple, la mise au point du marqueur, elle, est plus complexe. Et c’est là que les chercheurs de l’UPCGI, en collaboration avec le docteur Philippe Chaumet-Riffaud, de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, ont innové. « Nous avons mis au point une réaction chimique capable de doter l’albumine électromagnétiques attosecondes uniques, un détecteur à imagerie ultrasensible et une description théorique complète de l’expérience (1,5 million d’heures de calculs sur ordinateur ont été nécessaires pour cela !) figurent parmi les défis qu’ont dû relever les chercheurs. L’observation de processus moléculaires à l’échelle de temps du mouvement des électrons est la première application de cette expérience d’imagerie attoseconde. Le contrôle de réactions chimiques en serait une seconde. C’est en effet un autre aspect de l’expérience internationale : la seconde impulsion ne se contente pas de sonder les électrons, elle est aussi capable d’influencer leur mouvement dans la molécule. « Dans une réaction où une molécule se fragmente suivant différentes voies de deux fonctionnalités en une seule étape : un ligand qui se lie à l’hépatocyte et un cryptant auquel s’attache la molécule radioactive », explique Nathalie Mignet, de l’UPCGI. La simplicité de cette réaction unique, réalisable à température ambiante et en seulement 45 minutes, rend le procédé robuste pour une fabrication à grande échelle. En outre, les images obtenues grâce au Lactal sont d’excellente qualité puisque, chez le rat, moins de 10 minutes après son injection par voie intraveineuse, 90% du Lactal s’accumulent dans le foie. Après ces essais précliniques convaincants, l’équipe de scientifiques cherche une société pour continuer les tests et transférer leur technologie en vue d’une commercialisation. Caroline Dangléant 1. Unité CNRS/Université Paris-V/Inserm/Chimie ParisTech. 2. Ces travaux ont été publiés dans la revue Bioconjugate Chemistry en mars 2010. VIEDESLABOS 11 possibles, commente Franck Lépine, du Lasim, en manipulant les électrons et donc les liaisons chimiques lors de la réaction, comme on le fait dans notre expérience, il serait possible de choisir le chemin de fragmentation emprunté par la molécule. » Et donc d’augmenter le rendement de la réaction en favorisant la création de telle espèce chimique plutôt que de telle autre. Xavier Müller 1. Unité CNRS/Université Lyon-I. CONTACT ➔ Franck Lépine Spectrométrie ionique et moléculaire, Villeurbanne franck.lepine@lasim.univ-lyon1.fr Comme le montre cette image prise chez le rat, le Lactal s’accumule très rapidement dans le foie (ici, en rouge et en vert). CONTACTS Unité de pharmacologie chimique et génétique et d’imagerie, Paris ➔ Michel Bessodes michel.bessodes@parisdescartes.fr ➔ Nathalie Mignet nathalie.mignet@univ-paris5.fr Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 © P.Chaumet-Riffaud/Service de biophysique et de médecine nucléaire/Université Paris-XI



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :