10 © R. Gendler VIEDESLABOS Actualités ASTRONOMIE Il était une fois une étoile fugueuse… Des chercheurs viennent de proposer un nouveau scénario pour la formation du système solaire : sa naissance serait due à l’explosion d’une étoile massive. Les astrophysiciens le savent grâce à l’analyse des éléments contenus dans les météorites : au moment de sa formation, il y a 4,6 milliards d’années, le système solaire contenait des noyaux radioactifs d’aluminium 26. Or la durée de vie moyenne de cet isotope n’est que de 1,03 million d’années. Preuve qu’il a nécessairement été produit en même temps ou très peu de temps avant la formation de notre étoile. Récemment, Vincent Tatischeff et Jean Duprat, du Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse 1, en collaboration avec Nicolas de Séréville, de l’Institut de physique nucléaire d’Orsay 2, ont précisé les détails, selon eux, de cette synthèse. De façon surprenante, leur scénario implique que notre système planétaire aurait eu une enfance bien singulière. Qui en ferait même une exception dans l’univers. Pour parvenir à cette conclusion, les trois chercheurs ont commencé par reconsidérer les différentes hypothèses expliquant la présence d’aluminium 26 dans le système solaire primordial. Ainsi, en 2007, ils ont montré que celle d’une synthèse in situ, c’est-à-dire par irradiation du gaz et de la poussière du disque protoplanétaire par des particules solaires de haute énergie, ne tenait pas. « Nos calculs montrent que l’énergie disponible Le journal du CNRS n°246-247 juillet-août 2010 ne permet pas d’expliquer la quantité d’aluminium 26 déduite de l’analyse des météorites », révèle Vincent Tatischeff. Dans ce cas, une seule solution : celui-ci a été synthétisé à l’extérieur du système solaire, puis incorporé à la nébuleuse primitive. En principe, rien à redire, puisque les spécialistes savent que certaines étoiles très massives libèrent une importante quantité d’aluminium 26 soit lors de leur explosion finale, soit juste avant, lorsqu’elles sont devenues des objets très chauds et lumineux appelés étoiles Wolf-Rayet. À cela près que ces astres « poids lourds » naissent au sein d’amas regroupant des centaines, voire des milliers d’étoiles. Or il règne en leur sein une telle activité qu’ils génèrent de gigantesques bulles de gaz chauffées à 1 million de degrés, appelées superbulles, à l’intérieur desquelles nulle nouvelle étoile ne peut se former. La contamination de la nébuleuse protosolaire en noyaux d’aluminium 26 tout juste produits dans des étoiles massives avoisinantes semble donc difficile. Raison pour laquelle Vincent Tatischeff et ses collègues ont proposé une idée originale. Comme l’explique le scientifique, « sous l’effet d’un jeu de billard gravitationnel, il est possible qu’une étoile massive ait été éjectée de son amas d’origine, et donc Au centre de cette nébuleuse en forme de bulle bleue se trouve une étoile Wolf-Rayet, de même type que celle qui est peut-être à l’origine de la formation du système solaire. de la superbulle de gaz brûlant associée. Dans ce cas, on peut imaginer qu’elle soit venue enrichir en aluminium 26 le nuage de gaz plus froid à partir duquel le Soleil, puis le système planétaire se sont formés ». Le plus surprenant n’est pas là. En effet, les calculs des trois astrophysiciens indiquent que l’explosion en supernovae d’une étoile Wolf-Rayet en fuite aurait pu être à l’origine de la formation du nouveau système. Comment ? L’onde de choc engendrée par le cataclysme aurait provoqué l’instabilité gravitationnelle du nuage froid, puis son effondrement pour former une nouvelle étoile. « Un tel scénario est compatible avec l’abondance primordiale en aluminium 26 du système solaire, souligne Vincent Tatischeff. Mais il montre aussi que la présence de cet isotope dans un système planétaire résulte de conditions exceptionnelles. » Et d’ajouter : « Sachant le rôle crucial joué par ce radioélément comme source de chaleur dans la formation des planétésimaux 3, il est possible que la composition planétaire du système solaire soit elle aussi exceptionnelle ! » Hypothèse que des travaux en cours sur les autres isotopes à courte durée de vie dans le jeune système solaire viendront peut-être confirmer. Mathieu Grousson 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-XI. 2. Laboratoire CNRS/Université Paris-XI. 3. Ces petits corps de quelques kilomètres de diamètre sont à l’origine des planètes. CONTACTS Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse, Orsay ➔ Jean Duprat jean.duprat@csnsm.in2p3.fr ➔ Vincent Tatischeff vincent.tatischeff@csnsm.in2p3.fr Institut de physique nucléaire d’Orsay ➔ Nicolas de Séréville deserevi@ipno.in2p3.fr |