CNRS Le Journal n°245 juin 2010
CNRS Le Journal n°245 juin 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°245 de juin 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,7 Mo

  • Dans ce numéro : Rien n'arrête les mathématiques

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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8 © D. Darson/ENS VIEDESLABOS Actualités BIOMÉCANIQUE Étudier les forces pour comprendre la forme Mesurer les propriétés physiques d’un tissu vivant, telles que son élasticité, avec une résolution de 10 à 50 micromètres 1 ? C’est désormais possible grâce au « tonomètre à jet d’air à balayage ». Cet appareil, mis au point par Vincent Fleury 2, chargé de recherche au sein du Laboratoire de matière et systèmes complexes 3, avec des collègues français, allemands, hollandais et ukrainiens, vient de faire l’objet d’une publication dans la revue Physical Review : « Le principe, explique le chercheur, est d’injecter de l’air à la surface du tissu à travers une micropipette. Un faisceau laser acheminé via une fibre optique glissée à l’intérieur de ce tube de verre très fin permet de mesurer la « réponse » du tissu en terme de déformation. Nous en déduisons ses L’amplificateur d’impulsions térahertz est composé d’un laser à cascade quantique associé à un commutateur ultrarapide. Le journal du CNRS n°245 juin 2010 propriétés physiques. » Atout non négligeable : l’appareil peut établir des mesures en un seul point, mais aussi en continu en le faisant glisser sur le tissu. Ces mesures apportent un éclairage inédit sur la manière dont se développent les organismes vivants. « Un ensemble de travaux, menés depuis une dizaine d’années, montrent que les propriétés physiques d’un tissu vivant jouent un rôle important dans le développement des formes biologiques, explique Vincent Fleury. Mais, si des mouvements et des déformations ont pu être observés au microscope, les moyens techniques manquent pour mesurer finement, in vivo, d’éventuelles variations de pression d’un point à un autre du tissu. De fait, les outils existants sont souvent peu précis ou destructifs. » PHYSIQUE Nouvel obstacle franchi pour les ondes térahertz L’un des verrous qui entravaient le développement des applications des ondes térahertz vient de sauter. Les ondes térahertz ? Si vous avez pris récemment l’avion à l’aéroport de Roissy ou aux États- Unis, vous avez peut-être été traversé, lors du passage aux portiques de sécurité, par ces ondes accusées de voyeurisme, capables de dévoiler des armes plus facilement que les rayons X autant que l’intimité des passagers. Coincées entre les microondes et le rayonnement infrarouge, les ondes térahertz ont longtemps été les grandes oubliées du spectre électromagnétique. Question d’appareillage : peu de dispositifs étaient capables d’émettre, dans cette gamme de longueurs d’onde, des rayonnements puissants, condition sine qua non pour leurs nombreuses applications potentielles. Or un pas important vient d’être franchi : des physiciens du Laboratoire Pierre- Aigrain 1 et du laboratoire Matériaux Ce nouvel outil a déjà fait ses preuves sur des objets biologiques divers. « Par exemple, nous avons mesuré les propriétés physiques des vaisseaux au cours de la formation du système sanguin, souligne le chercheur. On sait que les veines se développent toujours parallèlement aux artères. Or nos mesures ont permis de confirmer certains modèles préexistants, à savoir que ce phénomène peut s’expliquer par des facteurs purement physiques. En effet, la présence de l’artère durcit le tissu alentour. Si bien que les veines suivent tout simplement ce « manchon ». » L’équipe a également mesuré, sur des embryons de poulet, les propriétés des sites où l’on sait que bourgeonneront les ailes et les pattes. « Lors de travaux antérieurs, détaille Vincent Fleury, j’avais posé l’hypothèse que les cellules y décrivent et phénomènes quantiques 2, de l’université Paris-VII, ont conçu le premier amplificateur de rayonnement térahertz 3. L’amplificateur est en fait au départ un laser à « cascade quantique » – appelé ainsi parce qu’à l’intérieur les électrons « sautent » d’une couche de semi-conducteur à une autre 4 – que les chercheurs ont modifié astucieusement de façon à pouvoir l’éteindre et le rallumer rapidement. « Nous avons greffé au laser un commutateur qui le branche et le débranche toutes les dizaines de picosecondes », précisent en chœur Jérôme Tignon et Sukhdeep Dhillon, qui ont dirigé les recherches. Avec ce système, le laser se met à amplifier les ondes qui le traversent, ellesmêmes produites par une source de rayonnements térahertz standard. Les chercheurs ont montré que leur dispositif pouvait amplifier la puissance des ondes d’un facteur 400, voire plus. Les physiciens vont à présent mener des études de recherche fondamentale, jusqu’ici impossibles faute de rayonnements térahertz suffisamment puissants, dans différents domaines, comme la spectroscopie des tourbillons. Nous avions réussi à filmer ces derniers au microscope, mais le tonomètre a permis de montrer que le tissu est effectivement plus dur dans la région en amont du tourbillon, celle qui « pousse », et plus mou dans la région en aval. » La prise en compte du rôle joué par la mécanique dans la genèse des formes du vivant n’en est qu’à ses débuts… Marie Lescroart 1. Un micromètre est égal à un millionième de mètre. 2. Vincent Fleury a publié plusieurs ouvrages, dont La Chose humaine ou la Physique des origines (Vuibert, 2009). 3. Laboratoire CNRS/Université Paris-VII. CONTACT ➔ Vincent Fleury Laboratoire de matière et systèmes complexes, Paris vincent.fleury@univ-paris-diderot.fr et la spintronique (la jumelle de l’électronique où les 0 et les 1 ne sont pas codés sur des courants électriques, mais sur des électrons). En raison de plusieurs limitations (en particulier de l’amplificateur qui ne fonctionne aujourd’hui qu’à des températures cryogéniques), ils ignorent si leur création servira aux applications industrielles envisagées des ondes térahertz, comme le contrôle non destructif du contenu d’emballages ou la détection à distance de polluants atmosphériques (et non plus par des capteurs in situ). Il n’en reste pas moins qu’avec leur amplificateur un sérieux obstacle au développement des ondes térahertz vient d’être… terrassé. Xavier Müller 1. Laboratoire CNRS/ENS/Universités Paris-VI et -VII/Collège de France. 2. Unité CNRS/Université Paris-VII. 3. Travaux publiés dans la revue Nature Photonics. 4. Lire l’enquête « La révolution laser », Le journal du CNRS, n°243, p. 18. CONTACTS Laboratoire Pierre-Aigrain, Paris ➔ Jérôme Tignon jerome.tignon@lpa.ens.fr ➔ Sukhdeep Dhillon sukhdeep.dhillon@lpa.ens.fr
ÉCONOMIE Moins de CO 2 pour plus d’emplois en Île-de-France Des chercheurs ont calculé le nombre d’emplois créés en Île-de-France si la région réduisait ses émissions de dioxyde de carbone (CO 2) : entre 22000 et 164000 selon les scénarios envisagés. Si l’Île-de-France décidait de réduire substantiellement ses émissions de CO 2, que se passerait-il sur le front de l’emploi ? C’est à cette question que répond une étude réalisée par le Centre international de recherche sur l’environnement et le développement 1, à la demande d’Europe Écologie, rassemblement politique de plusieurs acteurs de la mouvance écologiste. À l’origine de cette recherche, un constat : « L’un des principaux obstacles à la mise en place de politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre, c’est l’idée qu’elles peuvent être négatives pour l’emploi », affirme Philippe Quirion, chercheur au CNRS et auteur de cette étude publiée récemment. Or les résultats démentent cette idée reçue : selon les divers scénarios pris en compte, la conversion écologique de l’économie de l’Îlede-France pourrait créer entre 22000 et 164000 emplois d’ici 2020. Ce sont bien entendu des chiffres nets : les destructions d’emplois dans certains secteurs comme l’énergie ou l’automobile seraient une réalité. Le secteur du bâtiment et des travaux publics serait le plus bénéficiaire. En effet, c’est dans l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments que se situe l’une des clés des économies d’énergie, et donc de la réduction des émissions de CO 2. Les transports en commun, on s’en doute, verraient aussi leur demande en main-d’œuvre bondir. Par contre, l’augmentation des emplois dans les énergies renouvelables ne serait pas aussi significative : l’Île-de-France ne jouit pas d’un potentiel mirobolant dans l’éolien, et il est peu probable que le photovoltaïque se développe massivement d’ici 2020 du fait de son coût encore trop élevé. Le nombre d’emplois créés dépendrait évidemment des objectifs que la région pourrait se fixer : une baisse des émissions de CO 2 de 10%, de 30% ou de 40% ? Le calcul incorpore ensuite deux variables principales. Tout d’abord les prix du gaz et du pétrole. Plus ceux-ci seront élevés, plus les surcoûts liés à une politique de réduction des émissions de CO 2 seront compensés. De plus, tout l’argent non dépensé grâce aux économies de pétrole et de gaz pourrait être investi ailleurs. « Une politique de réduction des émissions de CO 2 est aussi une bonne assurance contre un choc pétrolier », affirme le chercheur. Le niveau d’endettement consenti par les pouvoirs publics est la seconde variable à ne pas négliger. Diminuer les émissions de CO 2 représente bien sûr un investissement très important. Les décideurs devront donc choisir entre deux options : faire payer les ménages « rubis sur l’ongle » ou autoriser un certain niveau d’endettement public. Dans le premier cas, certains VIEDESLABOS 9 Photomontage de la descente vers le carrefour de la porte de Vitry (75) dans le cadre de l’extension du tramway T3. emplois pourraient ne pas être créés : « Si les ménages paient le surcoût, ils vont consommer moins et, par conséquent, l’activité de tous les autres secteurs va baisser », reconnaît Philippe Quirion. Ainsi, dans l’hypothèse prudente d’une baisse des émissions de CO 2 de 10%, avec un baril de pétrole à 80 euros et un endettement public nul, 22000 emplois seraient créés. À l’autre extrême, avec une baisse des émissions de CO 2 de 40%, un baril de pétrole à 120 euros et un endettement à hauteur de 50% des investissements, ce sont alors 164 000 emplois qui seraient générés. L’effet sur l’emploi de ce changement radical de modèle de développement serait donc de toute façon positif. Mais, comme l’explique le chercheur, « les décisions ne peuvent pas se prendre uniquement sur la base de l’emploi : il faut prendre en compte aussi le coût économique et, bien sûr, l’impact sur l’environnement ». Sebastián Escalón 1. Unité CNRS/EHESS/AgroParisTech/École nationale des ponts et chaussées/Cirad/Météo France. CONTACT ➔ Philippe Quirion Centre international de recherche sur l’environnement et le développement, Nogent-sur-Marne quirion@centre-cired.fr Le journal du CNRS n°245 juin 2010 © Mairie de Paris/L. Perreau – Devillers et Associés



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