6 © Photos : J.-F. Tournepiche VIEDESLABOS Reportage PALÉONTOLOGIE Une fenêtre s’ouvre sur le Crétacé Un nombre prodigieux de fossiles de grands dinosaures mêlés à des restes d’animaux aquatiques et de végétaux viennent d’être exhumés à quelques kilomètres d’Angoulême. Ce gisement, véritable instantané d’une période encore méconnue, les débuts du Crétacé, est pourtant loin d’avoir livré tous ses secrets. Ces imposantes vertèbres de dinosaure herbivore ont été déterrées par les ouvriers de l’entreprise Audoin dans une carrière d’Angeac-Charente (16). Le journal du CNRS n°245 juin 2010 Au premier abord, l’endroit semble des plus banals : une carrière à ciel ouvert, située sur la commune d’Angeac, tout près des rives de la Charente, ponctuée ça et là de bassins inondés. De ces derniers, l’entreprise Audoin extrait graviers et autres alluvions calcaires déposés par le fleuve. Difficile de s’imaginer qu’il y a des millions d’années de cela des dinosaures de plusieurs tonnes foulaient ce sol. L’histoire remonte à un jour d’été 2008, lorsqu’une des pelles mécaniques déterre un étrange bloc de pierre : « Celui-ci était bien trop massif pour un galet transporté par la Charente. Les exploitants du site m’ont immédiatement téléphoné pour me faire part de leur découverte », se souvient Jean-François Tournepiche, conservateur chargé de l’archéologie au Musée d’Angoulême. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont eu du flair. Contacté par le musée, Didier Néraudeau, paléontologue au laboratoire Géosciences Rennes 1, reconnaît une vertèbre de sauropode, un ordre regroupant les dinosaures herbivores géants qui vécurent entre le Jurassique moyen (– 170 millions d’années) et le Crétacé supérieur (– 65 millions d’années). L’histoire aurait pu en rester là. Mais, au début de cette année, les ouvriers mettent au jour une dizaine d’ossements, dont la moitié d’un fémur de 1 mètre de long. « Une telle concentration de vestiges retrouvés dans un périmètre aussi restreint était forcément le signe qu’ils n’avaient pas été charriés sur une longue distance dans les alluvions de la Charente et que d’autres ossements étaient très certainement encore inclus dans leur couche géologique d’origine », explique le chercheur rennais. Afin d’en avoir le cœur net, Jean-François Tournepiche et Didier Néraudeau décident de pousser plus avant leurs investigations. Avec l’aide des carriers, qui mettent à disposition des scientifiques leur matériel d’excavation, ils réalisent deux sondages de 2 mètres de profondeur dans l’un des bassins inondés. Ils parviennent à atteindre la roche mère, un mélange d’argile et de lignite (une roche sédimentaire composée de restes de plantes fossiles) datant du Crétacé inférieur, période comprise entre – 130 et – 110 millions d’années. DES OSSEMENTS INTACTS MIS AU JOUR Une fois l’eau de la nappe phréatique évacuée par des pompes, c’est un véritable inventaire à la Prévert qui s’offre aux truelles des paléontologues : vertèbres et fémurs de sauropodes, phalanges et dents de dinosaures carnivores, fragments de carapaces de tortues, dents et vertèbres de crocodiles, morceaux de bois pétrifiés, feuilles de conifères fossilisées… Les plus belles pièces retrouvées lors de ces sondages préliminaires sont maintenant entreposées au Musée |